Le fort de Brégançon, une maison hantée

Chronique du vendredi 22 juin 2018

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« Le fort de Brégançon, une maison hantée », c’est le titre de votre chronique aujourd’hui. Hantée, par ses locataires Jacques ?

Non, hantée surtout par le fantôme du Général de Gaulle parce que c’est le premier à avoir voulu utiliser ce lieu comme villégiature de vacances, et en fait pour fort peu de temps, il n’y est passé, je crois, qu’une ou deux  fois pour une nuit ou deux. Et pourtant, c’est cette image qui s’impose. Le fort est le symbole des vacances du président de la 5ème république, à l’image du Général de Gaulle.

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Le fort de Brégançon. Plate-forme d’artillerie à l’époque.

Et à l’image du Général de Gaulle, d’autres présidents s’y sont rendus successivement, certains plus, certains moins.

Tous y sont allés, car tous ont voulu en quelque sorte endosser les habits de plage du Général de Gaulle, ou plutôt les habits du fort parce que le Général de Gaulle n’a jamais mis les pieds sur la plage justement. Certains s’y sont plu, y sont allés régulièrement, comme Pompidou, comme Giscard, encore qu’il est difficile de savoir si Giscard y allait par véritable plaisir ou pas, d’autant qu’il y allait avec son épouse. Et pour d’autres présidents, ce fut simplement un passage obligé, un passage obligatoire. Il est assez net que cette fois-ci le président Macron s’inscrit plutôt dans la deuxième catégorie des présidents qui pensent qu’il est indispensable d’avoir été une fois au fort de Brégançon.

Je vous coupe Jacques, pourquoi les présidents se sentent obligés d’y aller ?

Parce que c’est le lieu de vacances, la résidence de vacances que le Général de Gaulle, le fondateur de la 5ème république, avait établi, même s’il n’y a guère passé de temps. C’est un symbole où il s’agit en quelque sorte d’être adoubé par le fantôme du Général de Gaulle.

Et donc le président Emmanuel Macron, vous étiez en train de nous le dire, fait plutôt partie d’une catégorie de présidents qui se sentent obligés de s’y rendre.

Oui, François Hollande lui y est allé une fois, pour de vrai si j’ose dire, et il a eu une mauvaise impression parce que la plage du fort est à la vue de tout le monde. Le fort en lui-même est assez resserré sur lui-même, là, on peut être tranquille. Mais sur la plage il n’est pas possible d’éviter les paparazzis, etc. Et donc, François Hollande qui voulait faire président normal s’est retrouvé à faire président plus que normal avec Madame, en short, la serviette sur l’épaule, etc. ce n’est pas exactement l’image que l’on se donne du président de la République. Il n’y a pas de grands hommes pour son valet de chambre, mais il n’y a pas non plus de grands hommes pour les garçons de plage et donc ce n’est pas terrible comme image. De fait il n’a jamais recommencé.

Est-ce que quelque part c’est 8 jours de perdus pour le président lorsqu’il se rend du côté du château de Brégançon ?

8 jours de perdus… il a un mandat assez court et il ne faut pas perdre 1 jour, mais de toute façon aucun n’est maintenant coupé du monde, tout président gouverne en permanence. Simplement, ce que l’on peut remarquer c’est que le fort de Brégançon est adapté à des vacances de gens qui restent tranquilles à la maison et qui utilisent la cour pour l’apéritif. Enfin, on va dire pour des vacances de président « pépère » si je puis dire, comme le faisaient Pompidou ou Chirac. Ce n’est pas un endroit pour sportif, il n’y a pas moyen de courir, Nicolas Sarkozy a dû être assez ennuyé pour ça, et je crois que…

Il s’était mis à la natation.

Le président Macron va avoir le même problème. La natation, justement, il y a la mer tout autour donc on peut nager si on le veut, mais il ne semble pas que la plupart des présidents soient des adeptes de la nage, non pas en haute mer, mais en s’éloignant du rivage. Ils nagent forcément tous bien en politique par définition, mais pour nager dans la méditerranée ce n’est pas exactement pareil, au point que l’on en est cette fois-ci à avoir cette discussion d’une piscine. Cela devient une habitude, les gens préfèrent se baigner dans de l’eau douce que dans de l’eau de mer, même si l’eau de mer est à 20 mètres, et même s’il n’y fait pas très froid.

C’est la peur des caméras ?

Il y a un peu la peur des caméras, probablement beaucoup, et puis il y a des habitudes qui sont de lézarder ou de lire au bord de la piscine, on pourrait aussi au bord de la mer, mais il y a des gens qui passent au large, enfin au large, à quelques centaines de mètres même pas. Et donc, je pense que le président Macron a dû hésiter à faire déclarer la mer tout autour « zone interdite ». Et puis même, on voit depuis la côte, et donc se résigner à se dire que pour l’eau et bien on va faire une piscine parce qu’il y a une image moderne qui est que les plaisirs de l’eau sont dans une piscine et pas en mer, c’est un peu bizarre.

Alors, bien sûr, ne voulant pas faire trop coûteux, ne voulant pas donner l’image de la piscine pour villa de riches, il a été décidé, si j’ai bien compris, une piscine hors-sol ce qui à l’image d’une piscine gonflable. Mais cela fait un petit peu bizarre justement de mettre un machin pneumatique au milieu du fort pour pouvoir faire trempette dans 5 mètres de long d’eau.

Les architectes des Bâtiments de France d’ailleurs doivent donner leur aval.

Oui, mais c’est une installation provisoire, donc il n’y a pas d’énormes contraintes. Elle est hors sol, il n’y a pas de modification et elle est provisoire. Non, simplement, du point de vue de l’image on peut prédire que ça va être raté parce que soit on fait comme Sarkozy, le président des riches qui va sur un yacht de grand luxe, soit on fait ce dont on a l’habitude. Mais faire à moitié une piscine, une piscine gonflable, donc un bac pour barboter, au point de vue image ça ne va pas être terrible. D’autant plus que la fonction fondamentale politique et de communication du passage au fort de Brégançon, c’est d’aller prendre les habits du Général de Gaulle. Et, l’on pourrait dire, en reprenant ou en détournant une autre image. « Est-ce que vous imaginez le Général de Gaulle dans une piscine gonflable ? ».

Là, comme ça, on ne l’imagine pas bien effectivement, Jacques Cohen ! Donc, en conclusion, l’on peut dire que c’est une opération de communication qu’essaye de réaliser Emmanuel Macron, mais une opération qui risque d’être ratée ?

Elle a des risques d’échec assez important, car c’est la quadrature du cercle que de vouloir se conformer à une habitude gaullienne et de vouloir la nuancer. Ou bien il faut faire complètement dans la tradition gaullienne ou bien il faut se décaler nettement. Mais la piscine démontable, je doute que ce soit un succès et cela risque de lui coller à la peau de la même façon que l’image qui avait été trouvée par d’autres pour François Hollande de « président de pédalo ». Les sports nautiques sont une source d’images extrêmement dangereuses pour les présidents.

Merci, Jacques Cohen, le temps de votre chronique, parfait ! On est dans le tempo, 7 minutes ! À très bientôt, Jacques Cohen, en métronome !

À bientôt.

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