Chronique du 28 mai 2021
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Jacques Cohen, bonjour !
Bonjour !
Aujourd’hui, nous continuons de nous intéresser à la Covid-19. Jacques Cohen, lorsque je m’intéresse aux différents indicateurs, j’ai l’impression qu’ils sont au beau fixe et que nous nous dirigeons vers de beaux jours quand même.
La plupart des indicateurs sont presque tous favorables, mais il y en a deux qui comportent un souci.
C’est-à-dire ?
Le premier c’est le nombre de cas détectés par jour qui semble baisser moins vite, ce qui traduirait une circulation virale, mais c’est encore fragile comme résultat, il faut voir ce qui se passe. Cela voudrait dire aussi que nous n’enfonçons pas le creux observé après le pic de novembre, mais nous ne pourrons dire cela franchement que d’ici une semaine ou deux, comme je vous l’ai dit déjà à plusieurs reprises, j’aimerais bien avoir une boule de cristal, mais malheureusement, je n’en ai jamais trouvé. Le deuxième indicateur est peut-être un peu plus fin, c’est celui des charges virales des eaux usées.
Vous savez que nous pouvons tout à fait détecter les virus dans les stations d’épuration et nous avons mis un certain temps à nous mettre à le faire en France, c’est une pratique déjà connue par exemple pour la Polio dans d’autres pays, et maintenant, nous détectons le Sars-CoV-2 dans les eaux usées. Nous sommes bien sûr encore en retard sinon d’une guerre, du moins de plusieurs étapes. Nous avons péniblement les grandes stations, nous avons même des départements où nous n’avons pas de station équipée et nous n’avons toujours été capable de descendre jusqu’à l’échelle d’un pâté de maisons voire d’un bloc d’immeubles, ce qui serait de loin souhaitable. Car c’est un outil remarquable pour déterminer où il faut confiner et tester tout le monde dans les 3 jours, mais pour l’instant, ce n’est pas à notre portée. Ce réseau…
Le réseau Obépine ?
Obépine, oui. Ce n’est pas la fleur, je vous le dis tout de suite, peut-être y avait-il une petite allusion au parfum des stations d’épuration, mais c’est écrit avec un « O », pas avec « AU ». Ce réseau qui ressort un peu d’une tradition de la guerre froide puis de la surveillance militaire anti armes biologiques et chimiques, a des résultats finalement maintenant très intéressants. Il publie des données et quoi qu’il marque qu’il s’agisse de données ouvertes ceci veut dire en clair qu’il y a des données qui ne le sont pas, ce qui est en épidémiologie quelque chose d’invraisemblable. De nos jours, personne n’ose dire qu’il cache une partie des données pour les réserver aux décideurs gouvernementaux, mais passons sur cet aspect – il montre tout de même beaucoup de choses intéressantes, en particulier une hétérogénéité avec des foyers par endroits où les stations d’épuration voient leur densité de virus ne pas diminuer, voire même remonter légèrement. Cela sous-entend que cela montrerait des petits foyers isolés dont nous ne savons pas encore ce qu’ils vont devenir. Vont-ils s’écrouler comme le reste du tracé ? Vont-ils au contraire prospérer à bas bruit jusqu’à ce que des variants murissant, il y en ait un ou deux, puissent partir à l’assaut ? Les variants peuvent être des variants locaux – des variants, il y en a des tas – ou ils peuvent être des variants importés parce qu’ils ont fait leurs preuves ; ce n’est pas parce qu’ils viennent de loin, c’est parce que pour qu’ils puissent être exportés, c’est qu’ils ont déjà, si j’ose dire, eu un premier succès quasiment commercial. Nous le voyons par exemple en Australie où un variant du variant indien a fait reconfiner depuis 2 jours les 5 millions d’habitants de Melbourne. De plus, en Grande-Bretagne, il y a plusieurs foyers où le variant Indien ou ses avatars cessent de descendre et commencent probablement à mijoter à petit feu.

carte générale Obépine. Globalement très favorable mais avec quelques discordances

Effondrement de la circulation virale à Grasse (Eaux usées Obépine )

Mais stagnation au nord de Strasbourg, près d’un axe de communication vers l’est qui traverse le Rhin

A Strasbourg même la circulation virale tarde à baisser

Tandis que la descente de la charge virale des eaux usées est ici extrêmement brutale.

De façon moins nette ici à Evry que dans le reste de d’Ile de France
Je ne voudrais pas inquiéter les gens en disant que par exemple, les stations d’épuration de Nice, de Strasbourg ou de Calais ne descendent pas aussi bien que les autres, mais il faut tout de même garder un œil là-dessus et nous devrions avoir des outils pour cela, et nous manquons d’outil et de stratégie. Nous devrions avoir une tactique de surveillance par les eaux usées que nous soyons capables de raffiner en descendant géographiquement, puis à confirmer par des séquences et au-delà, à ce moment-là, immédiatement, dépister et dépister sous forme de la réunion d’une force de frappe de tests massifs en très peu de temps. Les Chinois ont développé plusieurs stations qui sont chacune capables de faire un million de tests par jour, je ne vois pas pourquoi nous en serions incapables. Pour l’instant, nous faisons 300 000 tests semaine sur un réseau qui dépend essentiellement des labos de ville, ce n’est pas l’outil dont nous avons besoin pour pouvoir coiffer les petits foyers de résistance de l’épidémie ou les résurgences qui pourraient arriver et si nous laissons traîner les choses, nous aurons à nouveau une circulation virale trop importante pour être capables de l’éradiquer efficacement. Nous avons une fenêtre de tir et je crains que nous la rations.
Jacques Cohen, face à ces variants et face à ces deux indicateurs défavorables que vous nous présentez, comment faut-il réagir ? Quelle est la position à adopter ? Vous parliez par exemple d’un nouveau reconfinement à Melbourne, qu’est-ce que cela traduit concrètement aujourd’hui ?
Bien sûr, ce ne sont pas des mesures individuelles qu’il faut prendre, à part ce que je vous répète inlassablement, la détection permanente 2 fois par semaine de tout le monde et la possibilité à ce moment-là de tout réouvrir. Non, les mesures qui peuvent être spécifiquement déduites de cela c’est de concentrer les moyens là où la décroissance de la concentration virale dans les eaux usées est médiocre, stagne ou remonte. Cela implique donc aussi tout un type d’infrastructures de surveillance, de descente à l’échelle des pâtés de maisons pour pouvoir coiffer ces foyers épidémiques. Ce sont des outils qu’il faut mettre en place du point de vue gouvernemental, ce n’est pas une question de bonne volonté individuelle.
Jacques Cohen, Covid-19, l’été indien. Finalement cela pourrait être le titre de cette chronique ?
Eh bien oui, cela pourrait être le titre, car nous ne savons pas si l’été indien se produira en été, se produira comme classiquement en septembre, octobre ou n’aura pas lieu, tout dépend du virus. Puisque, faute d’une politique de dépistage efficace des variants, nous lui laissons le loisir de décider.
Là, j’ai envie de dire « affaire à suivre » parce que vous n’aurez pas de boule de cristal, il faudra suivre de près les indicateurs que vous nous présentiez au début de votre chronique, à la fois les cas détectés et à la fois les eaux usées.
Absolument, ce sont pour l’instant les deux meilleurs ou les moins mauvais indicateurs que nous pourrions largement améliorer l’un comme l’autre.
Nous suivrons cela de près avec vous, Jacques Cohen. Nous vous retrouverons tout au long des prochaines semaines et notamment dès la semaine prochaine, vendredi, pour continuer à évoquer ces chroniques d’actualité certainement consacrée à la Covid-19. À bientôt Jacques Cohen !
À bientôt !