CHRONIQUE DU 11 JANVIER 2017
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AV : On va s’intéresser aux annonces en matière sociale, en matière de santé des différents candidats à l’élection présidentielle et on va commencer par celui qui est en marche : Emmanuel Macron, qui a précisé cela il y a quelques jours, notamment vendredi à Nevers On y voit plusieurs choses. On peut lire « aucun déremboursements, prévention, vente à l’unité des médicaments, etc. »
Si on regarde les propositions des uns et des autres, effectivement on a l’impression que la manne tombe du ciel ! Il n’y a guère que Fillon qui réserve la manne pour les compagnies d’assurance, tous les autres la distribuent généreusement à tous les Français.
Ensuite, il y a quelque chose qui surprend quand on voit les propositions de Macron, c’est qu’elles sont très coûteuses, en apparence. Et jusqu’à présent, il n’avait pas donné l’impression qu’il était celui qui rasait le plus gratis.En fait, ces mesures ont un arrière-plan qui sera plutôt le feu du rasoir que de raser gratis !
Le programme d’Emmanuel Macron propose que des tas de choses qui sont actuellement abandonnées par la Sécurité Sociale aux mutuelles couvrant plus ou moins, voire aux compagnies d’assurance, que tout cela soit repris dans une Sécurité Sociale rénovée, centrale et unique, en particulier tout ce qui est « les dents, les oreilles et les yeux ». Ce sont donc des sommes considérables, aux tarifs actuels. Pourquoi propose-t-il un système central, c’est parce qu’il propose aussi un changement de son financement. Le filigrane, qui n’est pas très explicite, est probablement le même raisonnement de financement que pour l’UNEDIC (le chômage), on arrête le système paritaire où les syndicats patronaux et ouvriers, qui ne paient plus puisque c’est l’état qui comble les trous, décident. Par exemple avec les médecins, ils font en sorte qu’il y a toujours une convention et une seule et que tous les médecins doivent être d’accord pour que l’on finisse par faire une convention du plus petit dénominateur commun pour l’usager, ce qui n’est pas d’ailleurs exactement le plus petit dénominateur pour les professionnels. Donc, avec ce petit jeu, on ne peut que continuer le système actuel où la Sécurité Sociale se désengage d’un certain nombre de choses, que les mutuelles couvrent plus ou moins bien. Les mutuelles deviennent dépendantes des compagnies d’assurance en termes de solidité financière, commencent à sélectionner les risques, à différencier les cotisations.. Et on a un système qui part en miette avec la position de Fillon qui est de dégraisser le Sécu. et de tout laisser entre les mains des assurances. Position qu’il va probablement devoir en fait nuancer…
Ce qu’il a commencé déjà…
… ou la situation créée par Marisol Touraine, même si elle n’est pas candidat il faut qu’on en parle un peu, qui est de faire en sorte que l’État et la Sécu aident chacun à avoir des mutuelles pour payer ce que la Sécu ne paie plus. Ce qui est un système un petit peu Shadock, mais qui lui aussi finit par faire sortir des dépenses d’étages en étages et qui n’est qu’un replâtrage. Donc puisque Macron propose, pour l’UNEDIC, un système de financement différent basé sur la CSG et non plus sur les cotisations liées aux salaires, qu’elles soient patronales ou ouvrières, il y a de fortes chances que, même si ce n’est pas pour l’instant expliqué, cela soit l’arrière-pensée pour la Sécurité Sociale rénovée et centralisée.
Le deuxième élément dans le programme de Macron, pour ces dépenses considérables qui sont proposées, c’est de vouloir refaire les coups des bus (pour être simple). C’est-à-dire qu’un certain nombre de choses sont, par monopoles, des systèmes protégés très coûteux en France beaucoup plus qu’ailleurs. Par exemple, les lunettes doivent pouvoir être à 100 balles et plus à 500 ou 1 000 €. Donc là, il suffit (si je puis dire) relativement facilement, d’autoriser les orthoptistes à faire l’orthoptie d’une part, cela se fait avec des machines automatiques, les verres et les montures peuvent être assemblés ici ou commandés ailleurs en Europe ou plus loin. Et donc si on peut faire baisser les prix considérablement, néanmoins il restera une dépense importante.
Pour les oreilles, c’est un peu pareil, mais déjà un peu plus compliqué parce qu’une fois que l’on a mis des lunettes sur le nez, on les garde. Pour les oreilles, il faut que les appareils soient étalonnés, qu’on les ajuste, que les gens s’adaptent, etc. Il manque plusieurs millions d’appareils, et là aussi il se peut que la pression de la concurrence permette de gagner, non pas un facteur 10, mais un facteur 2. Finalement, le fait qu’une concurrence soit possible en Europe, ça rappelle aussi l’intérêt de l’Europe là-dessus.
Pour les dents, c’est plus compliqué parce que les pivots, il faudra quand même que ce soit les dentistes qui s’en occupent et ça implique un sérieux bras de fer avec la profession que d’arriver à faire baisser leurs prix de la moitié ou des deux tiers en leur garantissant, comme il y a un débit plus important, que même avec des marges plus faibles, ils auront un revenu supérieur à condition qu’ils acceptent de travailler plus ou que plus de gens puissent travailler…
Ce n’est pas évident, mais les français ont l’impression que Macron tiendra parole sur le fait d’accepter des défis et des affrontements. Je n’ai pas l’impression, pour l’instant, que l’opinion tient cela pour des promesses du même niveau que celles de certains autres candidats. Mais déjà cet aspect-là, de recréer une Sécurité Sociale centrale qui couvre tout et ne prend pas ce qui est considéré comme à ne pas couvrir (je pense qu’il y aura débat et que cela grincera lorsqu’on dira que « homéopathie ou cures thermales » ne sont pas dans la protection sociale collective), d’asseoir son financement sur la CSG, voire sur la TVA (c’est-à-dire sur quelque chose ayant une base plus large que les cotisations salariales) c’est quelque chose de crédible parce que les gens sont persuadés qu’il acceptera l’affrontement avec les lobbies professionnels, qui eux, ont tout intérêt au maintien des systèmes actuels.
Alors, quand on regarde les propositions d’autres candidats, le système proposé par V Peillon d’une couverture « complémentaire santé publique », est probablement inspirée par le système allemand. Le système allemand est qu’il y a un système central et un système périphérique, qui est privé, mais avec des critères exigés qui sont extrêmement stricts. Les mutuelles allemandes n’ont pas le droit de faire de la sélection des risques, pas le droit de faire de sélection des patients, pas le droit de faire une différenciation des primes, elles n’ont le droit que de se faire de la concurrence sur les marges pour tenir un budget qui est en dernière analyse un budget dont les règles sont définies par l’État. Mais là aussi, il y a au moins une rupture avec le système actuel qui est que l’on a plus deux dossiers et deux structures pour chaque acte. Parce que le système français, par exemple, gaspille au moins 7 milliards par an du fait que pour la moindre dépense il y a deux dossiers dans deux structures différentes. Le système Peillon a, en quelque sorte, au moins l’avantage qu’il y a deux structures mais qu’il y a des choses qui sont dans l’une et d’autres dans l’autre. En revanche, il n’y a pas un mot sur le financement parce que je ne pense pas qu’il envisage de changement radical de la fiscalité. Or pourtant, c’est la seule solution pour pouvoir progresser sérieusement.
Merci Jacques, on a dépassé, mais on se retrouve la semaine prochaine. On évoquera les propositions des autres candidats dans un prochaine chronique d’actualité. Au revoir !
Au revoir.