Jérusalem : Trump déménage !

Chronique du vendredi 8 décembre 2017

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Bonjour Jacques

Bonjour

Aujourd’hui le sujet : le déplacement de l’ambassade américaine à Jérusalem. Un sujet vaste qui fait parler, qui fait peut-être aussi polémique. Tout d’abord, un retour sur les faits.

Les faits, c’est que le gouvernement israélien se trouve à Jérusalem, mais que la capitale officielle, reconnue par la communauté internationale, c’est Tel-Aviv. Parce que Jérusalem a été l’objet d’un cessez le feu, après une guerre, avec deux parties. Puis suite à une nouvelle guerre elle est passée entièrement sous contrôle Israélien. Mais que la souveraineté Israélienne, sur l’ensemble de la ville, sans parler de la question épineuse du Mont du Temple, n’est pas reconnue par la communauté internationale. Donc, c’est une affirmation politique du gouvernement israélien que de dire que sa capitale se trouve à Jérusalem, et l’ensemble des autres pays répond que, dans les faits, il maintient son ambassade à Tel-Aviv.

Peutinger

Carte routière romaine.  Copie du XIII ème siècle, dite de Peutinger


Il n’y a pas d’ambassade des principaux pays à Jérusalem. Cela rappelle un petit peu comme querelle ce qu’il y avait eu autrefois sur l’Allemagne de l’Est, l’Allemagne de l’Ouest avait sa capitale à Bonn et non pas à Berlin, l’Allemagne de l’Est disait que sa capitale était Berlin Est, « Haupstadt der DDR », tandis que les occidentaux parlaient du gouvernement de PANKOW, c’est-à-dire d’une ville en périphérie de Berlin. Donc, c’est une question de symbole politique, et là, les États-Unis choisissent de s’inscrire, de façon radicale, sur une ligne correspondant à celle du gouvernement Israélien, pas forcément de l’ensemble des Israéliens. Ce qui est une nouveauté et, d’un point de vue diplomatique, jusqu’à présent, aucun état ne s’y risquait.

Un symbole politique, vous venez de le dire Jacques. Pourquoi Donald Trump fait cela alors que les autres états, non ?

Alors le pourquoi, s’agissant de Trump, c’est toujours difficile ! Ce n’est, en tout cas, pas bien vu de la plupart des membres de sa propre administration. Tillerson a indiqué, j’allais dire benoîtement, mais peut-être pas sur cette antenne, que déjà il faudrait au moins 2 ans, ce qui est un sous-entendu : comme il y a des menaces au-dessus de la tête de Trump, cela ne sera peut-être pas quelque chose d’aussi important que cela et risque de ne pas aller jusqu’au bout.

Du point de vue des pays arabes, ils ont réagi, bien sûr, au quart de tour, c’est un alignement politique, un démasquage, une position unilatérale qui leur est gênante, et du point de vue d’une partie de la société israélienne ou pour d’autres forces politiques dans le monde, c’est un signal dans le sens non pas de la paix, mais au contraire dans le sens de renforcer les conditions d’une guerre de 100 ans.

On y reviendra peut-être un peu plus tard dans cette interview, mais quelles sont les conséquences qui peuvent en découler ?

Les conséquences diplomatiques proprement dites ou administratives sont quasi nulles, c’est une fiction. Le gouvernement israélien est effectivement à Jérusalem, les ambassades n’y sont pas officiellement, mais enfin, les états étrangers arrivent à ce que leurs délégations rencontrent les Israéliens sans grandes difficultés. Du point de vue politique, il y a un enjeu pour les extrémistes du Hamas qui est d’arriver à déclencher, ou pas, une situation de conflit, appelée Intifada, avec des affrontements avec les Israéliens, d’obtenir une insurrection populaire contre cette décision, ou à l’occasion de cette décision. Pour eux c’est, effectivement, très important parce que s’ils n’arrivent pas à créer justement un climat de guerre, d’une part les ultras israéliens qui ont encouragé Trump et réciproquement auront réussi leur coup, dans le style : « vous le voyez bien, on y arrive ! Et cela n’a pas fait trop de vagues », et d’autre part, dans le camp palestinien, s’ils n’arrivent pas à cette surenchère, le Hamas perdra des plumes par rapport au parti réaliste. Donc il a absolument besoin d’y arriver. L’autre aspect, c’est qu’il sait que les Israéliens sont tout à fait décidés à maintenir une politique de représailles systématiques à chaque escalade, et que la difficulté pour le Hamas c’est, à la fois, d’avoir le maximum d’agitation, mais de ne pas changer de niveau de conflit, de façon à éviter, je le dis assez vulgairement, d‘en prendre les représailles sur la gueule !

Vous l’avez évoqué il y a quelques instants, on va y revenir. Il y a un signal, en tout cas un courant, en Israël, d’une volonté qui semble s’opposer à une volonté de paix.

C’est une situation et une logique en quelque sorte infernale. C’est que la politique israélienne, depuis longtemps, amenuise les chances d’un accord de paix parce qu’elle amenuise la possibilité d’un état palestinien un tant soit peu réaliste. Et à partir du moment où en face, effectivement, on obtient un groupe terroriste d’un côté, le Hamas, et d’autre part des groupes plus affairistes qu’occupés au développement de la population, avec le mitage de la Cisjordanie par les colonies également, il devient de plus en plus difficile d’avoir un interlocuteur pour un état Palestinien. Pour faire la paix, il faut être deux, et donc les Israéliens se retrouvent peu à peu dans une logique où ils anéantissent toute possibilité d’avoir un partenaire capable de gérer un accord de paix. On est donc extrêmement loin, si l’on fait un retour en arrière, de la situation de Sadate.

Pour les Américains, le risque est de rentrer en conflit avec des pays arabes, mais également, peut-être, avec d’autres puissances mondiales et leurs dirigeants ?

Tout le monde considère que le déplacement de l’ambassade ne pourra être que la cerise sur le gâteau, le jour d’un accord israélo-palestinien. Le faire comme ça gratuitement, c’est s’enlever toute possibilité d’être médiateur, s’enlever toute possibilité d’être arbitre vis-à-vis de l’opinion publique. Et un geste, d’un point de vue diplomatique, parfaitement stupide.

Merci, Jacques Cohen, d’être venu nous éclairer sur ce déplacement de l’ambassade américaine à Jérusalem. Le temps passe vite, mais on aura certainement l’occasion de refaire le point sur cette situation parce que l’on va encore en parler très longuement.

 

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