Chronique du 4 octobre 2019
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Bonjour Jacques.
Bonjour.
Aujourd’hui on va évoquer l’incendie de l’usine Lubrizol, c’était le jeudi 26 septembre, il y a 8 jours déjà, à Rouen. Rappel des faits JC.
Et bien, il y a une usine qui fait de la transformation pour la production finale d’additifs multiples, donc des produits chimiques potentiellement dangereux qui a brûlé. Et dans de très larges proportions, puisqu’il y a plus de six-mille tonnes de produits qui sont partis en fumée. Plus ceux qui sont restés, qui se sont répandus, qui se sont mélangés, etc.

Des drones pour regarder mais pas pour prélever….
Alors JC, bien évidemment vous parlez du feu. Mais il y a aussi eu les conséquences qui se sont tout de suite vues, notamment un gros nuage noir de fumée qui s’est dégagée dans le ciel de Rouen. Certains avec leurs smartphones qui se trouvaient à plusieurs kilomètres et même parfois quelques centaines de mètres ont pu prendre des images, cela a été assez impressionnant.
Impressionnant et probablement dangereux. Parce qu’heureusement le site a brûlé, j’allais dire tout seul. C’est-à-dire qu’il n’y avait pas de personnes exposées. Les pompiers se sont assez vite retirés et ont attendu que cela se passe. Mais finalement, tout s’est quand même très mal passé. Tout s’est très mal passé parce que tout le stock a brûlé, parce qu’on n’a pas effectué les bons prélèvements immédiatement pour pouvoir juger de la dangerosité des produits et parce que le gouvernement a ensuite continué, par réflexe mécanique, à dire qu’il suffisait de circuler, qu’il n’y avait rien à voir.
On reviendra JC dans quelques instants sur cette communication du gouvernement. On revient tout de suite aux conséquences de ce nuage, on a tout de suite senti des changements dans les habitudes des Rouannais, notamment des gens qui se sont retrouvés malades, des gens qui disaient faire du sport, mais être essoufflés plus rapidement. On a eu plusieurs témoignages. Si l’on recoupe comme ça, on a l’impression qu’il y a eu vraiment des conséquences tout de suite sur la santé des personnes qui habitent Rouen.
La première conséquence c’est que cela pue, cela sent très mauvais et cela donne des maux de tête et éventuellement cela fait vomir. Donc cela, c’est déjà extraordinaire qu’en 8 jours on ne soit pas capable de dire quel est le produit qui est responsable de ce symptôme qui est généralisé. D’autre part, les prélèvements ont été très mal faits. Vous avez très bien décrit le nuage, et bien on n’a pas envoyé le moindre petit drone avec une lingette prise au supermarché à travers le nuage pour pouvoir analyser ce qu’il aurait ramené sur sa lingette. Et cela aurait permis d’avoir des vues beaucoup plus précises. Il y a un certain nombre de laboratoires en France qui sont capables de faire cela en 24h si on les sollicite. Mais il faut bien voir que les pouvoirs publics disposent d’administrations qui, cette fois-ci, ont été particulièrement inefficaces. Il y a la protection civile qui est le vestige de la défense passive, puis de la protection civile datant de la guerre froide. On a déjà vu durant l’épisode de grippe sous Roselyne BACHELOT comme ministre que de monter des centres vaccination à partir de cette structure fossile, cela ne marchait pas. Eh bien là, on peut constater qu’ils ne sont pas plus capables d’agir pour protéger de toxiques ou de les analyser. En fait cette structure est totalement dans une spirale descendante. Elle joue au ping-pong avec les pompiers.
Et puis on peut dire qu’on a monté une structure spéciale pour l’air, qui s’appelle Atmo. L’ennui c’est que cette structure est devenue une officine militante d’obsédés anti-voitures. Mais en dehors des capteurs correspondants le reste ne les intéresse guère. On a déjà vu un premier nuage qui leur a échappé qui est celui de Notre Dame, on n’a aucune modélisation du nuage, aucune carte de prélèvement faite rapidement pour savoir jusqu’où il y avait du plomb et là on a un nuage qui comporte un mélange extrêmement compliqué de 400 sortes de produits chimiques qui ont été plus ou moins pyrolysés ou pas. Les captures ont commencé à être faites à partir du lendemain après-midi, on a mis un certain temps à s’apercevoir que l’on pouvait prélever aussi loin qu’on voulait puisqu’il y a des retombées de suie jusque dans la région Lilloise. Ce qui d’ailleurs au passage fait remarquer que l’attitude de certains écologistes disant qu’il faut éloigner les usines dangereuses des villes, c’est bien gentil, mais s’il faut éloigner au-delà de la distance Rouen-Lille, il ne va plus rester grand-chose en France.
Vous avez évoqué, JC, ces prélèvements qui ont été faits peut-être tardivement. Pourtant tout de suite l’État et notamment Christophe Castaner en tête sont sortis et on dit « on a fait les prélèvements, il n’y a aucun danger tout va bien ! ».
Le Gouvernement est condamné au sourire perpétuel et à rassurer les gens sans savoir exactement ce qu’il se passe, qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas de danger. La perle en la matière étant revenue à la porte-parole du Gouvernement qui a quand même expliqué que certes des gens sentaient quelque chose qui sentait mauvais sur place, que cela leur piquait les yeux, qu’ils toussaient, mais que ce n’était pas des particules toxiques. Ce sont des réponses réflexes de la part des politiques ayant l’impression qu’ils doivent avoir une réponse. Là, on peut constater qu’il y a une faille technique des services de l’État et qu’au lieu de dire qu’on allait restructurer les choses pour réagir mieux la prochaine fois, on commence par dire que de toute façon cela n’a pas de conséquences. Alors, on sait qu’il n’y a pas eu de conséquences aigües. C’est d’ailleurs ce qu’avait dit le préfet. Il n’y a pas de conséquences aigües. On n’a pas, à 8 jours de distance, de gens avec des atteintes pulmonaires graves et des choses comme cela. Savoir ce qui va se passer à long terme c’est très compliqué d’autant qu’on n’a pas de modélisation faute de prélèvements exacts. Il est infiniment probable, sans être extrêmement savant en la matière et sans avoir la moindre analyse, d’après tout ce qui a été raconté, qu’il y a certainement d’abord des hydrocarbures aromatiques en grande quantité, polycycliques pour la plupart. Il y en a quand même un qui est monocyclique, c’est le benzène et on sait qu’il y en avait. Celui-là est tout à fait gênant parce qu’il donne des pathologies sanguines, des leucémies et autres, mais longtemps après. Et puis il y a certainement des tas d’autres choses avec des organophosphorés. Sans rentrer dans les détails techniques, on peut avoir des toxicités chroniques. Alors déjà une chose, on sait à 8 jours qu’un certain nombre de pathologies aigües sont écartées, on va voir dans les 2 mois s’il apparaît des acnés, s’il apparaît des atteintes nerveuses comme on voit avec les dioxines, parce que probablement il y en a aussi, et puis au-delà on ne saura pas grand-chose parce que les prélèvements tardifs vont donner un bruit de fond considérable mélangé avec d’autres pollutions qui peuvent être là depuis des dizaines d’années. Donc, il va y avoir à la fois des gens qui, par définition, vont projeter leur inquiétude sur cet évènement et revendiquer des pathologies n’ayant plus ou moins rien à voir et d’autre part il peut y avoir des pathologies réelles qui seront très difficiles à sortir du bruit de fond.
JC, l’État français qui a voulu éteindre l’incendie, si je puis dire, un peu rapidement avec cette communication, mais le sénat qui est prêt à créer une commission d’enquête ! Rapidement un mot, une réaction peut-être ?
C’est le petit jeu politique, le Gouvernement a dans son rôle de dire « Circulez, il n’y a rien à voir. Tout va très bien madame la Marquise ! » et le Sénat de dire « quand même, votre jument, etc. ». Mais tout cela va être très, très difficile à mettre à plat d’un point de vue réellement scientifique, parce que les prélèvements initiaux ont été ratés.
Merci JC de nous avoir décrypté l’incendie de Lubrizol du côté de Rouen, c’était il y a 8 jours, à très bientôt JC.
À bientôt.