Chronique du 16 avril 2021
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Jacques COHEN, aujourd’hui, on s’intéresse de nouveau aux vaccins et d’abord à la qualité des vaccins. Que faut-il retenir ? Que peut-on en dire de la qualité des vaccins ?
Les vaccins actuellement employés sont des vaccins faits en urgence. Ils ne bénéficient pas de la sécurité que donne le temps habituel de fabrication des vaccins qui est de 5 à 10 ans. Et donc, on a des vaccins qui ont été acceptés parce qu’il faut comparer les dangers de l’épidémie et les dangers ou les incertitudes des vaccins. Alors ce n’est pas étonnant, et c’était inévitable, mais la population ne raisonne pas en termes de statistique, et en termes de coût/bénéfice, économique et santé publique, elle raisonne sur l’impression. Et la question très importante pour les vaccins c’est la confiance, et une complication des vaccins adénovirus ruine la confiance dans ces deux vaccins. Alors, ils ont certes tué, mais à l’échelle de 1 par million, voire moins, ce résultat est malheureusement banal. Mais maintenant, le mal, si j’ose dire, est fait surtout après avoir vu les autorités au départ nier le problème. Donc comme je l’ai déjà dit et écrit, je pense que ces vaccins AstraZeneca et Johnson & Johnson sont morts eux aussi et qu’il faut reporter les efforts sur d’autres vaccins si on ne veut surtout pas voir apparaître un effet domino de perte de confiance dans l’ensemble des vaccins.

Virus, vecteurs viraux et même la plupart des protéines recombinantes demandent un travail de culture sur cellules.
On peut rappeler d’ailleurs que le mécanisme de cette complication rare de thromboses multiples avec consommation des plaquettes et des facteurs de la coagulation n’est pas très bien compris. On a compris une chose – déjà c’est extraordinaire qu’on l’ait compris en quelques jours- c’est que tous ces patients ont des anticorps contre une protéine qui s’appelle PF4, et qui d’habitude se voient dans certaines réactions à l’héparine, un anticoagulant, et là, on aurait des anticorps anti PF4 qui seraient des auto-anticorps sans que l’on comprenne très bien justement par quoi ils sont déclenchés, et surtout pourquoi ils sont déclenchés par deux vaccins adénovirus qui n’utilisent pas le même adénovirus ? Et pas par le troisième. Parce que le vaccin russe, Spoutnik, est aussi un vaccin adénovirus et il ne semble pas que cette complication soit détectée chez les sujets vaccinés par ce vaccin. Donc, on ne sait pas encore tout, il est possible que les choses soient relativement banales et concernent des problèmes de purification du vaccin, des choses finalement triviales, mais qui peuvent tuer. Tuer les malades et tuer le vaccin. Et cela est ennuyeux parce que ces vaccins sont très importants pour la politique vaccinale européenne qui était largement basée sur eux.
Jacques COHEN, vous nous parlez des vaccins qui sont notamment utilisés en Europe. Il y a aussi les vaccins que l’on utilise à l’autre bout du monde, notamment en Asie, en Chine, et là aussi, il y a une défiance vis-à-vis de certains vaccins. Comment cela se passe ? Expliquez-nous un peu ce qu’il se passe dans d’autres continents.
Alors pour les deux vaccins chinois, pour l’un des vaccins, à partir de déclarations du responsable de la principale firme Sinopharm, l’interprétation occidentale est à mon avis erronée. Il a été retenu que ce vaccin n’avait pas l’efficacité que l’on souhaiterait, donc la conclusion qui en a été tirée, c’est qu’il s’agit d’un mauvais vaccin qui vaccinait très peu. En fait, il faut regarder les choses depuis le début et s’apercevoir que des mesures sont envisagées par les Chinois pour améliorer une protection qui est déjà non négligeable.
Que s’est-il passé ? Pour les vaccins chinois, le choix a été fait de faire le vaccin le plus classique possible, c’est-à-dire faire un vaccin virus entier tué. Et la suite a été surprenante parce qu’on ne savait pas encore que le spike était extrêmement immunogène. Il a été visé non pas un vaccin de protection individuelle, comme on s’aperçoit que l’on peut faire avec ce vaccin, mais un vaccin de protection collective comme dans le cas de la grippe, quelque chose qui marche à 50/60%. Et d’autre part, le raisonnement était qu’il fallait aller vite, donc choisir un schéma de vaccination rapide, 2 fois à 3 semaines d’intervalle, et non pas ce que l’on fait classiquement à 3 injections à 1 mois d’intervalle pour des vaccins de virus entier tué. Et bonne surprise à l’époque, car les chinois avaient plus de 6 mois d’avance sur tout le monde, les Chinois ont constaté que leur vaccin protégeait même mieux, il protégeait autour de 80%. Et donc ils l’ont utilisé ainsi à partir de ce moment-là. Ensuite, il y a eu le problème du vaccin, j’allais dire outsider, celui de Sinovac, il y a deux vaccins chinois : Sinopharm et Sinovac, ou pour rattraper un peu, on a mis un peu moins de doses, et eux, ils avaient fait un essai au Brésil qui a donné 50% seulement. Ce qui a refroidi les gens, mais on ne savait pas qu’il existait déjà un variant au Brésil, dont on ne sait pas exactement qu’elle était la proportion au moment de cet essai. Et à mon avis 50% avec ce vaccin probablement sous-dosé, dans une zone où il y a des variants, ce n’est pas si mal, cela voudrait dire qu’il y a une protection croisée sur les variants d’un vaccin virus entier même si elle n’est pas complète.
Alors que dit le patron de Sinopharm ? Il dit : bon maintenant, on va améliorer les choses, puisque l’on sait que l’on peut faire des vaccins à protection individuelle de 100%. Donc, on va soit mettre plus de virus dans le vaccin, soit faire plus d’injections. Et on va aussi tester les anticorps induits, parce qu’il y a une hétérogénéité de réponses individuelles à ces vaccins. Et ils ont commencé d’ailleurs pour les Émirats Arabes Unis à vacciner en Sinopharm, à tester les gens à 3 mois en disant que ceux qui n’ont pas assez d’anticorps auront une nouvelle dose. Ils ont même envisagés de refaire, non pas une dose de leur vaccin initial, mais faire une dose de vaccin ARN puisqu’on sait que ce vaccin ARN donne de fortes réponses. Ils doivent être en train de calibrer leurs vaccins ARN pour cela, parce qu’ils en ont un, ils l’ont développé dès le début, il est prêt depuis des mois, mais ils n’avaient pas choisi de le développer à échelle de masse. Donc les Chinois doivent être très surpris des réactions, à priori très négatives, des Occidentaux sur leurs vaccins parce qu’ils ont fait un vaccin les premiers avec un objectif qui a été rempli, qu’ils veulent en améliorer le résultat, ce qui est parfaitement à leur portée. Et ils ne voient pas pourquoi les occidentaux sont en train d’expliquer que leur truc ne vaut rien.
Jacques COHEN, je me permets de vous interrompre sur le fonctionnement et la qualité de ces vaccins, parce qu’il me semble que vous vouliez mettre en avant aussi aujourd’hui l’aspect épidémiologique de ces vaccins et il nous reste deux petites minutes pour faire le lien avec.
Eh bien, nous avons en France un effet de ciseaux et des objectifs contradictoires. Nous avons un objectif de vaccination globale de la population pour sa protection globale alors que nous ne disposons absolument pas des doses pour le faire. Et c’est forcément en cas de pénurie déshabiller Pierre pour habiller Paul, comme vous connaissez bien. Et en la matière, la politique de protection des populations à risque comporte des trous béants, par exemple, celle des obèses de moins de 50 ans qui sont parmi les plus vulnérables, ils ont presque 40% de mortalité quand ils sont hospitalisés. Et bien, eux, ils ne sont pas vaccinés de façon prioritaire, donc il s’agit déjà d’une caricature de trous dans la raquette, si je puis dire. Et autre problème de protection, il y a d’autres catégories sur lesquelles il faudrait commencer à faire des efforts, pour lesquelles il faudrait des politiques différenciées, par exemple, les transplantés qui ont des traitements immunosuppresseurs, on s’est aperçu que cela ne se passait pas très bien, qu’il pouvait y avoir des décès malgré la vaccination. Donc, on devrait déjà commencer à faire des choses sur mesure pour différentes catégories à risque, et pas seulement essayer d’annoncer des centaines de milliers de vaccinés en 1 seule dose dont on sait aussi que c’est la meilleure façon pour faire se propager les variants plus rapidement, parce qu’une vaccination incomplète, c’est inciter le virus à essayer de se faufiler dans les interstices.
Merci, Jacques COHEN, de nous avoir éclairés, on vous retrouve dès la semaine prochaine avec d’autres actualités santé, à très bientôt, Jacques COHEN.
À très bientôt.