Sur les ondes… La guerre froide est rallumée

Chronique d’actualité enregistrée sur RCF Reims mercredi 13 mai : https://rcf.fr/actualite/la-guerre-froide-est-rallumee

JPB: Question d’actualité avec vous Jacques Cohen. Alors c’est vrai que le 9 mai dernier quand on a regardé les infos, on a vu la place Rouge avec, comme si c’était les belles heures de la guerre froide, les défilés militaires avec Vladimir Poutine. Est-ce qu’on revient à la guerre froide aujourd’hui ?

Il faut bien constater en effet que la guerre froide est rallumée. Le défilé comportait des chefs d’Etat, le président chinois, le président Indien d’ailleurs et plusieurs chefs d’Etat mais aucun occidental, lesquels étaient tous invités, mais ont tous refusé de venir.

Il suffit de comparer à la situation du 6 juin 2014 où Vladimir Poutine est venu sur les plages de Normandie. On a, de fait, une coupure à nouveau. Un rideau de fer selon la formule de Churchill qui fait que les uns ne vont pas aux commémorations des autres, même lorsqu’on commémore la même chose. La même chose, c’est-à dire la victoire commune sur le nazisme donc c’est une première constatation.

La tribune de Moscou du 9 mai ne comporte pas d’occidentaux et à l’inverse, la tribune de Gdansk, de Danzig où a été commémoré le déclenchement des hostilités, ne comportait bien évidement pas de Russes qui n’étaient pas invités et ne comportait que des délégations de niveau restreint. Les chefs d’Etat occidentaux ayant cette fois-ci choisi ne pas aller faire une démonstration à proximité de la Russie.

Cela montre bien qu’il y a une question de frontière, j’allais dire de ligne de front et d’hostilité réciproque. Mais ce qui m’a le plus frappé, ce n’est pas tellement le défilé du matin, c’est celui de l’après-midi. L’après-midi, comme traditionnellement en ex Union soviétique, il y a un grand déflié populaire après le défilé militaire du matin de la victoire, et chacun vient avec le portrait de son ancêtre, de son père, de son grand-père qui est mort ou a été blessé pendant, ce qui est appelé la grande guerre patriotique. Et toute la population est là.

Le défilé de Moscou fait plus de 200.000 personnes. Je me rappelle d’un défilé où je représentais la municipalité à Orel. Il y avait pour une ville de 600.000 habitants probablement plus de 50.000, 60.000 personnes l’après-midi. Donc ce qui est frappant aussi, c’est la démonstration de la prégnance de la seconde guerre mondiale en Russie.

Et il faut regarder ce qui est présenté comme films. Il y a bien sûr tous les films mémoriels qui passent. Ce qui m’a frappé c’est que c’était systématiquement des films où il y avait des pertes. Il y a très souvent des films de guerre où ceux d’en face tombent par brassées et où les héros sont invulnérables. Et bien là ce n’est pas le cas. Ce sont systématiquement des films où les pertes chez les bons sont très lourdes, voire totales, mais la mission est remplie etc. Donc cela laisse aussi à réfléchir sur l’état d’esprit de réarmement moral correspondant au réarmement de la guerre froide, tel que le défilé militaire l’a montré.

Dans la perspective effectivement où le point faible des occidentaux c’est qu’on peut tout au plus avoir des décès parmi des troupes hâtivement repeintes comme nationales Mais que dès qu’il commence à y avoir des pertes sérieuses, il peut y avoir de gros soucis politiques. Et là les Russes tiennent à montrer que cela n’est pas le cas chez eux.

Peut-être avez-vous raison Jacques Cohen mais certains vous diront il n’y a quand même plus les pays de l’est comme autrefois, l’Allemagne coupée en deux, la Tchécoslovaquie, la Pologne etc

Bien sûr ! C’est là l’inquiétude de la Russie. La Russie se considère comme le dos au mur. Elle considère qu’elle n’a plus le glacis qu’elle a gagné par la Seconde Guerre mondiale, qu’elle n’a plus de glacis, que même les pays Baltes ne sont plus reliés à la fédération de Russie. Et que donc toute agression, tout conflit se trouve directement devant chez eux. C’est un élément important à prendre en compte.

Comme toujours, toute réthorique guerrière permet d’unir la population contre l’ennemi extérieur. Il faut bien reconnaître que les occidentaux, principalement les Américains, n’ont pas une attitude pour le moins bienveillante et apaisante par rapport à ce genre d’anxiété.

Donc une situation qui peut dégénérer, qui peut durer. Ou qui peut se résoudre si la prochaine administration américaine décide d’une remise à plat ou d’une négociation sérieuse qui permette de revenir à des relations apaisées qui sont l’espoir et l’avenir de l’Union européenne. Les principaux pays pénalisés par la rupture avec la Russie, ce sont les pays de l’Union européenne parce qu’ils ont tout à fait intérêt à faire du commerce avec la Russie.

L’Ukraine reste vraiment la question, le problème ?

L’Ukraine reste un problème parce que l’Ukraine est composite par définition. Il faut bien se rendre compte que l’Ukraine géographique ne correspond, comme la Pologne géographique, qu’à un résultat historique et qu’une grande partie de l’Ukraine actuelle a été polonaise à de nombreuses reprises, voire même recemment pour Lvov, donc Lviv maintenant en Ukrainien. Que la partie Est n’avait été rattachée que par Khrouchtchev dans un jeu tactique interne entre les différents partis communistes de l’Union soviétique. Et que le développement économique de la région agricole de l’Ouest ne correspond pas à celui de l’Est. Si l’Ukraine avait eu un démarrage économique significatif, compte tenu de ses multiples ressources, à partir de la chute du rideau de fer, de la chute de l’Union soviétique, tout se serait résolu par ce développement économique. L’élan allant vers l’unification du pays. A partir du moment où, malgré des atouts colossaux, l’Ukraine s’est assez mal débrouillée. -Il faut bien le dire, c’est quand même le seul pays qui a eu plusieurs plans du FMI interrompus pour non respect- . A partir du moment où l’Ukraine ne se développe pas, les tendances centrifuges l’emportent.

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