Emission enregistrée mercredi 20 janvier 2016 sur RCF Reims : https://rcf.fr/actualite/la-mort-des-baby-boomers
AV: Chronique d’actualité avec Jacques Cohen. Bonjour Jacques, nous allons parler démographie aujourd’hui parce qu’on a appris que la mortalité avait atteint un niveau record en France en 2015 ?
La mortalité a atteint un niveau record au point d’effacer le solde naturel positif. C’est-à-dire que la population n’a pas eu de croissance et que, de ce fait, on a une situation qui revient à diminuer l’espérance de vie à la naissance calculée cette année. C’est un élément un peu artificiel bien sûr mais qui est un paramètre intéressant.
Alors qu’est-ce que cela veut dire ?
Cela veut dire d’abord que la génération des baby boomers, l’accroissement important après-guerre, arrive à un âge où l’on commence à mourir sérieusement. Et donc il était inévitable qu’un jour ou l’autre ce vieillissement de la population se termine par quelque chose d’abrupt qui augmente les décès.
Et puis on a eu trois événements dans l’année qui sont des causes de décès supplémentaires, qui en fait se retrouvent dans cette population. On a eu un excès par maladies infectieuses en janvier février, on a eu une canicule, et on a eu à nouveau une épidémie en octobre. Tout cela, si je puis dire, a prélevé beaucoup de monde.
La démographie n’est pas quelque chose de parfaitement linéaire. La mort ne travaille pas, si j’ose dire, tous les jours de la même façon. Et de temps en temps elle donne un grand coup de faux, histoire de rattraper le temps perdu.
Est-ce que 2015 est une exception ou cela va-t-il arriver fréquemment sur les prochaines années ?
C’est un peu compliqué parce que les trois coups de faux sont un peu exceptionnels mais la population vulnérable qui doit mourir hélas quoi qu’il arrive, elle est encore là pour 15 ans. Donc il suffira, si j’ose dire, à nouveau d’un ou deux coups de faux, ou de secouer des gens fragiles pour qu’on ait à nouveau des pics de mortalité importante.
L’espérance de vie à la naissance, donc, qui est à la baisse. Les femmes ont généralement, en France, une espérance de vie supérieure aux hommes, cela pourrait changer ou pas ?
Il y a 2 choses distinctes. Dans l’espérance de vie à la naissance, qui est un élément j’allais dire théorique, c’est le résultat de ce solde de décès excessif de 2015 qui l’a fait diminuer pour la première fois depuis au moins 40 ou 50 ans. C’est quand même quelque chose d’étonnant.
En revanche pour ce qui est de la longévité féminine, les choses, on peut le prédire, vont se gâter très rapidement. Parce que les tranches d’âge qui vont bientôt être concernées vont être des tranches d’âge qui travaillent, et surtout des tranches d’âge féminines qui fument. Et cela c’est une catastrophe.
Non seulement elles vont rattraper la mortalité liée au tabac des hommes mais elles vont la dépasser. Parce que, au-delà de la ménopause, le tabac est encore plus nuisible chez les femmes que chez les hommes.
Et là au point de vue santé publique, ce sont des campagne et des cibles qu’il faudrait définir maintenant. Il ne suffit pas de dire qu’on va continuer à augmenter le prix du paquet indéfiniment. Cela favorise les trafics et le marché noir. Mais il faut arriver à des choses beaucoup plus contraignantes si on veut éviter une diminution considérable, à ce moment là, de l’espérance de vie. Parce que l’écart homme femme actuellement est de 7 à 8 ans. S’il est dépassé et effacé pour les femmes, il faut des choses beaucoup plus contraignantes que le prix du paquet. Comme les interdictions un peu partout, comme des interdictions pour les fumeurs d’exercer certaines professions etc.
La France compte 66 millions de personnes, si on compte France métropolitaine et outre-mer, est-ce que ce chiffre ne va pas augmenter ? Comment on voit les prochaines années, est-ce qu’on a atteint un seuil pratiquement maximal pour la population française ?
A chaque fois on dit que le seuil est maximal mais finalement il y a plus de monde. Ce qui est compliqué, c’est qu’il faut tenir compte des soldes migratoires. Non seulement d’entrée de chez nous mais de sortie de chez nous. Tout cela rend assez compliqué de définir quelle sera l’évolution.
Jusque là, la population française avait une croissance de 0,6% par an en moyenne. A noter d’ailleurs qu’on a fait grand cas de l’arrêt de la baisse en valeur absolue à Reims. Mais la croissance obtenue n’a été que de 0,3, la moitié de la croissance moyenne nationale. Donc le différentiel avec le reste de la France a continué à s’accroître. Là on devrait avoir un léger tassement. Les 0,6% devraient tomber à 0,5 ou 0,45 pendant encore 4 ou 5 ans. Sous réserve de ne pas toucher au solde migratoire en positif ou négatif d’ici là.
Il nous reste une bonne grosse minute. On évoquait au début la mortalité qui a atteint un niveau record en France en 2015. Là en ce début d’année, il y a une épidémie de grippe…
Ce n’est pas une grippe. On a une histoire virale qui comporte une grande possibilité de surinfection bactérienne plus ou moins grave selon le terrain. Et donc on peut prédire que là aussi ça va sérieusement dégager, si l’on peut parler vulgairement. Sur décembre, janvier et février, cette épidémie a des conséquences très variables chez des sujets jeunes en bonne santé qui font une histoire virale qui les assomme 8 jours et puis c’est tout. Ou bien il y a des gens qui font des sinusites, des otites… Sur les personnes plus fragiles, on voit des bronchites qui deviennent des foyers pulmonaires plus graves. Et on voit des patients en réanimation qui tout simplement décèdent de leur infection.
Donc là on peut prédire à nouveau qu’on va avoir un début d’année avec un coup de faux. Et après on va attendre la grippe parce que pour l’instant on ne l’a pas encore eue. Donc on ne sait pas du tout quel sera son prélèvement. Prélèvement habituel ou prélèvement au-dessus on n’en sait rien.
On peut toujours aller se faire vacciner ?
Absolument. Plus la grippe est en retard, plus il y a intérêt pour les retardataires à se précipiter vers le vaccin.