CHRONIQUE DU Vendredi 5 octobre 2018
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JC bonjour.
Bonjour !
Le sujet que vous avez choisi ce soir, c’est la réforme hospitalière. Vous en aviez déjà parlé il y a quelques semaines. Aujourd’hui, vous voudriez faire une sorte de piqûre de rappel.
Et bien, en quelque sorte une piqûre de rappel sur les dangers de l’abolition du Numerus Clausus, de la disparition de fait après celle du concours de l’internat de son successeur l’Examen Classant National final, de la disparition du concours de praticien hospitalier national… Tout ceci va conduire à un localisme, et disons-le, non seulement à une différenciation des facultés, mais à un retour en force du clientélisme et du népotisme. Vous savez que le népotisme cela veut dire de protéger la famille, les copains, les enfants des copains, etc., etc.. Donc, le redoutable népotisme du milieu médical, avec son endogamie, qui a conduit à un système clos, qui a été ébréché par la volonté du Général de Gaulle et du Professeur R Debré, du concours d’internat et de la création des CHU en 1958.

Question pour la réforme d’un concours défunt: Congrès international de Médecine en Allemagne en 1900. craniotomie…… Énumérez ce qui a changé de nos jours.
Il faut savoir que dans un premier temps, le milieu médical a trouvé une parade au concours national anonyme. Il y avait un écrit, mais il restait un oral derrière, et donc, c’est à cet oral qu’on rattrapait le coup afin de pouvoir faire passer les enfants et les enfants des amis. Le gouvernement n’a pas cédé. En 1965. l’internat a été réformé pour être exclusivement écrit, et non seulement écrit, mais corrigé par des correcteurs, des enseignants qui ne voyaient pas les copies. Alors, vous allez me dire « comment peut-on corriger des copies qu’on ne voit pas ? » Et bien je vais poser la question à Jean-Pierre BENOIT.
Il suffit qu’elles soient anonymisées Professeur.
Non !
Pas anonymisées du tout ?
Elles sont anonymisées, mais on peut toujours reconnaître une écriture ou avoir des signes de reconnaissance. Donc, le jury ne voyait pas les copies et pourtant, ils les jugeaient. À votre avis ?
Informatique ?
En 1965 ? Non.
Alors… Je ne sais pas, je ne trouve pas là.
Une colle pour J-P B.
Ah, c’est une colle ça.
Ah oui… Parce que, vous êtes aussi enseignant.
Oui, entre autres oui, mais c’est… Oui, c’est une colle.
Eh bien tout simplement, les internes en exercice, surveillés par quelqu’un de l’administration, lisaient les copies au Jury qui ne les voyaient pas. Donc, un système extrêmement lourd, extrêmement radical, parce qu’il est difficile de juger une copie qu’on n’entend qu’une seule fois : on ne peut pas rembobiner la bande ! Et bien, ce système avait été mis en place pour en finir avec le népotisme localiste. Depuis cette procédure a été remplacée par des corrections automatiques de questions à choix multiples. Qui ont d’autres défauts mais évitent la fraude.
On va cette fois donner un signal inverse puisque pour les praticiens hospitaliers, on va tout fusionner : les praticiens hospitaliers du concours national, les praticiens temporaires, les praticiens invités, les praticiens associés… Il ne restera plus que deux choses : le statut national de la fonction publique d’une part, et on ne sait pas très bien qui rentrera dedans, et les CDI puisque les autres passeront en CDI. Mais tout cela ne se décidera plus que localement, sans aucun concours national qui fixait une barre du niveau qu’il fallait avoir envers et contre tout. C’est-à-dire qu’on ne pouvait pas passer sur l’appréciation locale de sa bonne bouille si l’on n’était pas reçu au concours national sur épreuves.
JC, ce sont les conséquences si on ne rétropédale pas par rapport aux premières décisions qui ont été prises. C’était la première partie de votre démonstration. J’ai envie de vous emmener dans un deuxième axe : alors, que faut-il faire à la place ?
Et bien, je pense qu’il faut, puisque les études de médecine sont payées par la collectivité, que celle-ci choisisse combien de personnes doivent être formées. Et pour cela, la meilleure solution c’est le concours, le concours d’entrée. Alors, les préparations pourront avoir lieu où les gens voudront, mais ils se présenteront à un concours d’entrée à des écoles nationales de médecine. Ces écoles nationales, elles auront comme conséquence d’abord que les gens seront payés convenablement tout de suite, dès la première année, mais qu’ils devront 15 ans. Cela permettra aussi qu’ils puissent exercer là où on a besoin d’eux pendant les 5 dernières années de ces 15 ans, et pas forcément là où ils voudraient aller ultérieurement. Et d’autre part, les postes de spécialité ouverts dans cette filière le seront dans les spécialités « utiles », si j’ose dire, et pas forcément pour les ostéopathes, les acupuncteurs, ou les naturopathes du 4e orteil gauche.
Il y aura également les spécialistes, comme vous les évoquez.
Bien sûr, ces écoles formeront et des généralistes et des spécialistes, mais avec une grille de répartition des spécialités qui évitera l’évaporation actuelle vers les microspécialités.
Et ce modèle, il est appliqué déjà ailleurs, donc pourquoi ne pas l’appliquer en France ?
Il existe des habillages différents, c’est-à-dire que la sélection d’entrée est le cas de la plupart des pays, avec de grandes variantes entre l’école d’État ou les écoles privées, comme la situation des facs américaines qui recrutent après l’équivalent de la Licence, mais qui recrutent sur un nombre de postes qu’elles décident souverainement, ce qui reste le contraire de décider qu’il ne faut que tous ceux qui auront 10/20 aux examens, aient le droit d’être médecin après une scolarité heureuse, pendant laquelle on ne leur fera pas la moindre misère.
Dans quelle mesure on pourrait appliquer ce système en France ? Cela prendrait combien de temps ? On imagine que ce serait quand même assez long à mettre en place malgré tout.
Je ne pense pas. Pour que les étudiants sortent comme médecins spécialistes, cela prend toujours une douzaine d’années, mais pour ce qui est de mettre en place, cela prend très peu de temps. Rappelez-vous qu’il y avait autrefois plusieurs filières de ce genre sous la forme des écoles de santé militaire, qui soignent d’ailleurs aujourd’hui essentiellement des civils. Mais on peut très bien recréer des filières qui seraient dans les facultés actuelles, mais avec des critères d’entrée, d’entraînement et de formation différents. Ce qui existait autrefois, où dans la même fac, Il existait par exemple à Lyon où j’ai fait mes études, un enseignement, j’allais dire « traditionnel » et un enseignement pour des étudiants de santé militaire qui avaient passé leur concours à part.
L’avis du Professeur J-PB. Vous qui fréquentez les élèves au quotidien comme professeur de mathématiques, est-ce qu’ils sont encore encouragés à aller en médecine avec l’annonce de toutes ces réformes ?
En tous cas, il y en a beaucoup qui sont intéressés par la médecine aujourd’hui, c’est un fait. Alors, est-ce que les réformes vont jouer ? En tout cas, beaucoup vont comprendre que c’est peut-être un peu moins difficile, je ne sais pas ce qu’en pense JC, s’il n’y a pas de Numerus Clausus. Donc, cela sera peut-être plus simple pour eux, en tout cas l’impression qu’au départ ce sera plus facile.
Alors JC, vrai ou faux ?
Vrai et faux. Une partie des promoteurs de cette réforme veulent casser le système de santé – surtout la couverture sociale par la Sécurité sociale et les mutuelles – par l’inondation, c’est-à-dire de faire comme en Italie ou en Tunisie, où on a énormément de médecins qui ne trouvent pas forcément du travail. Mais on pourra enfin casser l’efficacité du lobbying de la profession si cela déborde. C’est la position de ceux qui veulent que l’on fasse rentrer un maximum de gens. Ceci dit, les facultés ne sont quand même pas extensibles et les doyens de faculté vont, certes, vouloir récupérer plein de pouvoirs supplémentaires par cette réforme, mais pas forcément augmenter considérablement le nombre d’étudiants, éventuellement le doubler. Mais quand on a 1200 candidats et que pour l’instant on avait 250 reçus, alors que je vous rappelle d’ailleurs qu’il y a une quinzaine d’années il y en avait 75, et bien là, cela semble plus facile. Ce qui est à craindre, c’est qu’on va les faire s’engager dans une filière où on sera obligés de raboter en cours de route à plusieurs reprises, parce que de toute façon on ne peut pas laisser faire et qu’il va falloir rétropédaler, d’une façon ou d’une autre.
Merci JC d’être venu nous présenter ce vendredi votre point de vue. À très bientôt JC, vendredi prochain, fidèle au poste ?
Très probablement.
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