CHRONIQUE du vendredi 16 novembre 2018
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JC, bonjour.
Bonjour !
L’actualité, bien évidemment, ce soir et ce week-end, notamment demain, ça va être les gilets jaunes qui vont tenter de paralyser la France et ce soir, vous allez nous présenter deux axes finalement : le pouvoir d’achat et la situation des français, et puis d’un autre côté les gilets jaunes. Est-ce qu’il y a vraiment un débouché politique ? Quels sont les axes que l’on peut en tirer ? D’abord, le pouvoir d’achat qui a dégringolé pour les français.
En effet, les indices utilisés par l’INSEE, on savait tous qu’ils sont légèrement tripotés, mais peu de gens se sont rendu compte qu’ils le sont maintenant énormément.
En effet, l’indice d’inflation par exemple, est corrigé de la modernité de certains de ses items. par exemple un ordinateur, si le modèle suivant,lorsqu’on le remplace au bout de 5 ans, a un potentiel de faire 10 fois plus vite ou peut mettre plus de choses dans sa mémoire, il n’est pas compté pour le fait qu’il coûte maintenant 120 sur une base de 100, il y a 5 ans . Il est compté sur le fait que ses performances étant 10 fois plus élevées, il ne vaut plus que 12 et ainsi de suite. D’autre part dans l’indice, le logement ne compte que 6 % et je ne sais pas s’il y a beaucoup de gens qui peuvent lever la main si on leur demande si leur logement leur coûte moins de 6 % ou 6 % au maximum de leur pouvoir d’achat.
Au point que même l’INSEE s’en est rendu compte et a essayé de faire un indice des revenus mobilisables, c’est-à-dire en enlevant tout ce qui relevait des dépenses obligatoires. Seulement, par exemple les transports, ne sont justement pas mentionnés dans ces dépenses obligatoires alors que pour certains, les transports sont une charge considérable pour aller au travail, et pour d’autres, c’est juste une chose qui correspond aux loisirs. Tout cela est assez flou, mais les français en ont une perception qui est comme lorsqu’on regarde un jeu de bonneteau, on ne sait pas où est le…
Qu’est-ce que le bonneteau JC ?
Et bien, vous prenez 3 gobelets et vous prenez un dé, je le manipule et je vous demande où est le dé.
Cela se passe à Paris, on voit cela souvent dans les rues du côté du quartier Barbés notamment.
Par exemple, mais on voit cela sous une forme beaucoup plus sophistiquée du côté de Bercy. C’est-à-dire que l’inspection des finances est parfaitement capable de vous proposer à somme nulle de compenser les dépenses accrues de carburant, c’était le thème de la réunion interministérielle qui devait proposer des mesures pour atténuer les choses. Si c’est à somme nulle, cela veut dire que de toute façon, il faudra faire circuler le dé entre les gobelets et que de toute façon, les gens paieront.
À la fin du jeu généralement dans le bonneteau, le jeu des gobelets, les gens s’aperçoivent qu’ils n’ont pas trouvé exactement où était le dé, mais qu’il n’est sûrement plus dans leur poche. Pas plus que les billets qu’ils ont parié sur la position du dé.

Si l’on regarde les courbes rouge ou bleue qui expriment le nombre de litres de carburant obtenu avec une heure de travail, on voit que le prix des carburants fluctue. Mais aux points bas les gouvernements précédents on lâché de quoi rétablir un peu de pouvoir d’achat. Aujourd’hui, pour la première fois, le gouvernement se propose d’alourdir la fiscalité alors qu’on est déjà au point bas précédent. Il n’est pas besoin d’être grand analyse financier pour prédire qu’enfoncer une ligne de résistance respectée par tous les gouvernements précédents ne peut qu’avoir de graves conséquences ( graphique Vincent Flibustier Payknow ).
Au moment où vous nous avez parlé des indices, l’indice d’inflation et l’indice INSEE qui a été fait pour compenser un petit peu, pour comprendre un petit peu mieux, pourquoi tout simplement ne pas modifier l’indice d’inflation ?
C’est un peu comme pour un certain nombre de taxes, par exemple la taxe d’habitation. À force de faire un système de plus en plus compliqué, de plus en plus sophistiqué, on n’ose plus y toucher parce que tout va s’écrouler. C’est là où se situe le problème. Cet indice est faux, il est devenu complètement faux. On le voit puisque nous avons eu une période de plus faible inflation que l’on a décrite comme une période de déflation, d’inflation négative, mais on n’est jamais rentré franchement en déflation parce que dans une déflation, classiquement, il y a un effondrement économique, un arrêt de consommation et d’investissement par anticipation des acteurs économiques, et cela n’est jamais arrivé. On est arrivé à une inflation très faible, mais nous n’avons jamais basculé dans le rouge, alors que les chiffres ou les indices tels qu’on les présente disaient qu’on était déjà dans cette situation, ce qui n’était pas encore le cas.
Vous parlez des taxes par exemple, et là aussi pour le pouvoir d’achat, on remarque l’augmentation multiple des taxes, des contributions que l’on demande aux français.
Par exemple dans le bonneteau, il y a l’augmentation des tarifs d’électricité et de gaz où l’on affiche des augmentations finalement presque raisonnables, en mettant entre parenthèses que l’on a créé des contributions variées éminemment écologiques, mais qui surtout font que les augmentations sont à 2 chiffres quand on les présente à 2 ou 3 %.
On l’a dit, le pouvoir d’achat et la situation des français est un des éléments de ce blocus gilets jaunes, mais il y en a un second, ce sont les débouchés politiques.
Alors, c’est la première fois depuis 1956 que l’on a ainsi un mouvement d’une grande ampleur qui n’a aucun leader et aucune organisation qui le soutienne.
Pour rappel, que s’était-il passé en 1956 ?
En 1956, la croissance avait démarré, mais beaucoup de gens étaient restés au bord du chemin. Il y avait donc une extrême pauvreté en France. Il y a eu le mouvement de l’Abbé Pierre sur les mal-logés et les gens qui n’avaient pas de quoi manger, car cela existait encore. Et il y a eu un mouvement qui était basé sur le discrédit total des partis politiques – ce qui va vous rappeler quelque chose – qui était le mouvement de Pierre Poujade, dont le slogan était « Sortez les sortants ». Il a obtenu une cinquantaine de députés et a eu une base sociale assez importante un certain temps. Cela n’a pas duré très longtemps d’abord parce qu’avec la croissance économique qui persistait, on a pu résorber une grande partie des poches de pauvreté et surtout, moins de 2 ans après, le Général De Gaulle présentait une alternative politique cohérente qui permettait de résoudre les problèmes que la 4e République n’avait pas su résoudre. Donc, le mouvement de Pierre Poujade est parti en fumée à ce moment-là.
Et vous faites un parallèle entre la situation aujourd’hui et le mouvement de 1956.
Oui, car la situation aujourd’hui est que l’on ne sait pas encore si c’est cette fois-ci, ni sur qui ni sur quoi, va se concrétiser le mécontentement populaire, mais il a peu de chance dans un monde dont on ne voit pas de transformation heureuse rapide, de disparaître aussi vite lorsqu’il sera installé, que le mouvement de Pierre Poujade.
Quelle peut être l’issue de ce mouvement à la fois pour le gouvernement, puisque c’est l’axe que l’on a choisi aujourd’hui, et pour les citoyens français ?
Alors, le premier élément est que le mouvement est confronté à quelque chose d’inattendu, c’est que venant d’un ras-le-bol diffus, la mesure phare, la question du prix du carburant va permettre au gouvernement de jouer, cette fois-ci, plutôt à la corrida et de faire foncer les gilets jaunes sur ce prix-là, alors que les questions sont multiples, ou d’arriver à noyer les revendications, l’épreuve de force, dans un catalogue de revendications et d’essayer de décourager le mouvement de cette façon-là. Cela peut marcher, mais de toute façon, il est inéluctable que faute de solutions à des problèmes tout à fait réels, ceux-ci resurgissent d’une façon ou d’une autre assez rapidement, même si ce mouvement-là s’essouffle.
S’il ne s’essoufflait pas, on peut arriver à voir des choses extrêmement variées, dont des affrontements inattendus, voire des conflits entre ceux qui ont des voitures et ceux qui n’en ont pas. C’est une situation extrêmement instable d’autant que le gouvernement va avoir comme tactique, c’est bien évident, « c’est nous, ou le chaos », afin de montrer que la rue c’est la chienlit comme disait autrefois le Général.
J’imagine bien que vous n’avez pas la solution, sinon, certainement que le gouvernement l’aurait aussi, mais quelle peut être l’issue finalement, et la bonne solution ou la meilleure solution possible ?
Sur les carburants, il faut revenir au système Jospin, c’est-à-dire que les taxes soient flottantes et puissent diminuer quand le prix du carburant augmente trop de façon à ne pas continuer à surcharger les usagers de taxes supplémentaires.
Et pour ce qui concerne les autres axes que le carburant par exemple, JC ?
Là, on rentre dans le problème que la dépense publique en France est énorme, que jusqu’à présent, on a proposé que des mesures bienveillantes, mais qui consistent à ne fâcher personne, ce qui n’aboutit qu’à trouver des solutions pour quelques semaines ou quelques mois, mais à accumuler les problèmes à long terme, et on arrive bientôt au bout de ce système d’expédients et de recours du genre « encore 5 minutes, Monsieur le bourreau ».
Merci JC, d’avoir été avec nous ce vendredi soir pour nous présenter donc le mouvement des gilets jaunes. Donc c’est demain, partout en France, 1 500 actions environ sont prévues un petit peu partout dans le pays, dans l’hexagone. Merci JC d’avoir été avec nous ce soir.
Au revoir, à bientôt !
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