CHRONIQUE du lundi 3 décembre 2018
sur RCF:@lien en attente
JC, bonsoir.
Bonsoir !
Merci d’être avec nous. Alors l’actualité, c’est bien sûr les suites de ce qui s’est passé ce week-end à Paris et dans toute la France avec les gilets jaunes. Sur le plan politique, quelle est votre analyse aujourd’hui ? Quelle est la marge de manœuvre du gouvernement et du Président Macron ? Le Premier ministre reçoit les responsables politiques, les a reçus tout au cours de cet après-midi.
Ce qui compte, c’est le Président. Et le Président s’est inconsidérément et dangereusement exposé. Il est donc maintenant en train de se replier, si j’ose dire, derrière le Premier ministre mais avec quelques difficultés. Il s’est exposé en faisant moult déclarations, y compris depuis l’Argentine, ce qui a exaspéré les Gilets Jaunes. Et il a fait un raisonnement initial qui paraissait logique, mais qui méconnaissait l’élément émotionnel. En effet, le Président Macron souffre d’une anosmie émotionnelle. Il est un très bon débatteur, logique, avec sang-froid, mais il ne perçoit pas la valeur émotionnelle d’un mot ou d’une situation chez son interlocuteur. Ce qui lui permet d’être un rationnel, j’allais dire, intégral. L’ennui, c’est que la société, les gens et la politique ne sont pas des choses intégralement rationnelles. Et l’émotion, l’exaspération de la population devant l’avalanche de taxes en tout genre, conduit à un raz de marée, duquel il aura du mal à se dégager.
Pourtant, que peut-il faire aujourd’hui ? Il y a quand même des solutions pour se sortir de ce, j’allais dire, bourbier !
Après avoir dit qu’il ne reculerait jamais, et bien il lui reste à reculer ! Et pour cela, à annuler les prochaines taxes, puisqu’il y en a toute une vague supplémentaire prévue au 1er janvier, faire un ou deux gestes symboliques sur les taxes déjà existantes, sur les questions de CSG ou des choses comme cela en plus, un petit peu de revalorisation des minimas. Il pourrait arriver ainsi à ce que la population comprenne que le message est passé et que l’on va arrêter de tourner la vis d’un quart de tour tous les 8 jours.
Parce que l’on voit mal une troisième manifestation samedi prochain, encore !
Il est parfaitement possible et probable qu’il y ait à nouveau des manifestations. Je ne pense pas, au point de vue des rythmes, qu’il soit capable de désamorcer les choses avant la fin de la semaine.

Place de la Concorde 6 février 1934
Donc, les syndicats, les personnels politiques, les partis politiques peuvent s’engager aussi ? C’est ce qu’il va proposer, peut-être des grands débats, au niveau départemental, au niveau régional ?
Alors, le débat c’est un peu le retour 50 ans en arrière. Un retour à mai 68. Tout le monde peut bavarder. Mais ce que les Gilets jaunes ont vu, c’est ce qu’ils avaient dû subir comme politique fiscale et dont ils veulent l’annulation. S’il n’y a pas de choses significatives sur ce terrain-là, les débats n’iront pas bien loin.
Alors, on a parlé également de référendum. Certains proposent des référendums.
Certains proposent des législatives, d’autres un référendum. Le référendum me paraîtrait plus logique, d’autant que comme il n’y a pas d’alternatives et de solutions sur le plan politique, le Président pourrait s’en sortir, après avoir constaté que les Français ne veulent pas la politique écologique ou soi-disant écologique qui est proposée et dire qu’en tenant compte de la volonté des Français, il modifie sa ligne directrice et renvoie le gouvernement. Cela serait jouable. La seule solution permettant de perdre un référendum et d’y survivre. S’il y a un référendum qui se termine en épreuve de force, il le perdra.
Mais comme vous l’avez dit, JC, on attend quand même des décisions rapides, des mises en place de référendums c’est quand même très long…
C’est deux mois.
Enfin quand même, là on veut peut-être des réponses dans l’urgence, pratiquement.
Oui, mais je pense que ceux qui pensent qu’il faut une réponse dans la semaine se trompent. Parce que le simple fait de mettre au point une liste de choses qui ne soient pas purement « du vent », pour parler court, et que les Gilets jaunes admettent, cela ne peut pas se faire en 5 jours. Et là, on tombe quand même sur un problème qui est que l’on a en même temps, parmi les multiples sujets en France dont on a reporté les solutions de longue date, on a une crise du maintien de l’ordre.
Alors, pour en revenir à une question que l’on aura l’occasion d’approfondir avec vous, la question de la sécurité et du maintien de l’ordre ! Simplement d’un mot, on a vu parfois les policiers, semble-t-il, un peu dépassés.

6 février 34 place de la Concorde
Ils ont été très mal employés, parce qu’il y a une incohérence de doctrine. Le maintien de l’ordre est maintenant conçu pour qu’il n’y ait aucun contact entre manifestants et force de l’ordre pour gérer des masses, pour protéger des périmètres, et il est totalement impuissant vis-à-vis de casseurs/voltigeurs et de petits groupes. De plus, les périmètres d’interdiction sont de plus longs, la ligne à défendre est de plus en plus longue. Cela mange de plus en plus d’effectifs. On arrive à une impasse où on ne peut et on ne sait plus intervenir hors de ce périmètre protégé. On verra cela une autre fois, probablement dans quelques jours. Mais le fait d’avoir abandonné des forces rapides et mobiles, par exemple le peloton motocycliste voltigeurs des moniteurs de la préfecture de police en 86, le fait d’avoir réduit le type de matériel employé pour être absolument sûr qu’il n’y aura jamais de morts, risque un jour ou l’autre de conduire des policiers submergés à devoir se servir de leurs armes. Et qu’on rencontre une situation qui soit plus du genre 6 février 1934 que ce que le Préfet Lépine avait réussi, c’est-à-dire un succès total, d’un maintien de l’ordre où en 20 ans, il n’y a pas eu un mort.
Merci JC d’avoir été avec nous, on se retrouve, comme vous l’avez dit, dans l’actualité cette semaine. A bientôt !
A bientôt.