JHM COHEN 12/04/2020
Il n’y a jamais eu autant d’incertitudes sur le devenir de l’épidémie.
La situation de l’épidémie.
L’épidémie est très hétérogène sur le territoire français. Bien moindre à l’ouest d’une ligne Le Havre/Nîmes. Et encore moindre dans les départements ruraux à faible densité même dans l’Est comme en Haute-Marne et dans les Ardennes. Le foyer majeur du Haut-Rhin s’est étendu au Bas-Rhin et à la Moselle, tandis que celui de l’Oise a peu diffusé en particulier vers le nord où se situe une population qui serait particulièrement vulnérable. En région parisienne, la Seine Saint-Denis présente une surmortalité mensuelle quasi double de celle de Paris intra-muros. Sa population déshéritée, la promiscuité de son habitat et les emplois maintenus hors télétravail semble l’expliquer. Mais le Haut-Rhin subit une sur-mortalité triple de celle de la Seine Saint-Denis sans pour autant avoir une structure de la population comparable. Brouillard…..
L’épidémie marque le pas partout en même temps. Alors qu’on aurait pu attendre des cycles épidémiques identiques mais désynchronisés. Là où l’épidémie est très faible on peut même envisager sa disparition rapide. En région parisienne et dans les grandes villes de la moitié Est du pays, plutôt qu’un pic c’est un plateau ou un palier qui est atteint. Pour juger de sa durée, il ne faut pas regarder en Espagne ou le pic a été bien plus aigu mais vers l’Italie. Non pas pour la statistique globale du pays favorisée par les foyers jugulés du centre et du sud aboutissant à une baisse nette de l’épidémie à l’échelle du pays, mais en Lombardie, où la mauvaise nouvelle est que le plateau montre la coalescence des pics de différents foyers. Et surtout qu’il ne diminue qu’à peine en 10 jours, au contraire de la courbe de type WuHan. On ne peut donc en prédire la durée du plateau en IDF. Brouillard….
En revanche, la gravité des nouveaux, et on espère derniers, cas lombards semble nettement moindre que dans les semaines précédentes. Le même phénomène semble se produire en France en plusieurs endroits. Brouillard…..
Les tests anticorps pour sortir du confinement et lutter contre les résurgences.
Ces tests de première génération signent un contact avec le virus datant de plus de 2 semaines. Ils semblent en défaut par faux positifs et faux négatifs dans 10% des cas dans chaque sens. C’est suffisant pour faire de l’épidémiologie rétrospective de la circulation virale. Mais leur valeur prédictive individuelle reste médiocre.
On pourrait penser qu’à la guerre comme à la guerre, on peut baser un déconfinement sélectif sur eux. Malheureusement, une étude recherchant parmi ces anticorps, ceux qui protègent vraiment contre la maladie, dits anticorps neutralisants ( du virus ) a rapporté un résultat catastrophique: 30% des porteurs d’anticorps ne seraient pas en fait protégés contre une réinfection éventuelle. La seule nuance favorable est qu’il s’agit de sujets jeunes ayant fait une forme bénigne. On peut rassurer les plus âgés qu’eux ne feront pas deux fois la maladie. Mais ces jeunes non protégés risquent de (re) devenir des vecteurs dans les résurgences virales. Baser le déconfinement sur les anticorps ne permettrait de délivrer des permis de circuler et travailler fiables à 90% qu’aux plus de 45 ans. Brouillard….
La saga de l’hydroxy chloroquine
Le sujet est devenu un sujet politique, et les modalités d’études prospectives un champ de bataille. Une enquête simple n’a toujours pas été diligentée: il y a en France plusieurs milliers de personnes sous traitement chronique au Plaquenil° pour une maladie auto-immune qu’il ne serait pas bien difficile de contacter. Quel est leur taux de contamination? Brouillard !
Lutter contre les résurgences. Ou la seconde manche.
Les résurgences sont vraisemblables puisqu’il est peu probable qu’une immunité d’éradication virale ait été atteinte dans la population. Il faut probablement que les 2/3 de la population soit immune pour cela. En revanche par endroit une immunité de barrière anti-épidémique de l’ordre de 15 -25% a peut-être été atteinte. En fait on n’en sait rien faute de tests anticorps ! Brouillard….
Si des épidémies de contagiosité analogue comme la grippe de 1918-19 ont connu des rebonds résurgences et second pic, il n’est pas possible d’en être certain concernant Covid-19 dont l’adaptation durable dans notre espèce n’est pas garantie. Et son comportement ressortant déjà assez souvent de son libre-arbitre ( on disait autrefois de son génie évolutif propre ) plutôt que des mesures humaines qui lui sont opposées. En ce sens le niveau du pic new yorkais est une heureuse surprise. Faute d’échantillonnage national de prélèvements viraux pour séquences et protéomique sur culture, les données sur l’évolution du virus viendront de l’étranger et nous ne disposons pas des éléments nous concernant en temps réel. Brouillard.
La lutte contre les résurgences sera faite de dépistages les plus précoces possible. Il faudrait associer les détections d’antigènes viraux aux détections de son génome par PCR dont les faux négatifs sont nombreux. Enquêter efficacement sur les sujets contacts et les tester pour le virus et les anticorps qu’il induit. La question épineuse suivante est « que faire des sujets positifs ». L’orthodoxie épidémiologique s’oppose à leur confinement à domicile et tolère à peine la quatorzaine des sujets contacts non infectés, à retester tous les 5 jours. A l’échelle de quelques dizaines d’individus nous avons des centres de vacances et hôtels qu’on peut médicaliser de façon légère. Mais dès qu’un foyer dépassera un cas individuel ou un foyer communautaire. il faudra à nouveau confiner.

Bouclage du quartier religieux ultra-orthodoxe de Bnei Brak
Sous forme de bouclage du village, du bourg ou du quartier. Les smartphones et l’intelligence artificielle peuvent servir. Mais les barrages sont bien plus efficaces. Devant l’indiscipline des ultra-religieux en Israël, le gouvernement n’a eu d’autre ressource que de confier à l’armée le bouclage de certains quartiers et d’imposer un couvre-feu total le jour de la Pâque pour empêcher les rassemblements familiaux traditionnels. L’armée israélienne en a une certaine expérience ailleurs, qui semble avoir été dissuasive. Des tentatives analogues en Sierra Leone et au Liberia lors d’épidémie d’Ebola se sont terminées par des émeutes attaquant les barrages….
Quand donc déconfiner ?
Le plus raisonnable est de regarder à nouveau ce qui va se passer en Lombardie et de considérer qu’ayant deux semaines de retard sur l’épidémie lombarde, il est peu probable que nous pourrons déconfiner moins de deux semaines après eux. Sauf en zones de cas sporadiques si l’épidémie s’y écroule vite. Restera à gagner la seconde manche après avoir perdu la première…
https://jhmcohen.com/2020/03/29/le-covid-19-est-il-un-rasoir-a-trois-lames/
https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.30.20047365v1