JHM COHEN 06 06 2020
Les français goûtent aux joies retrouvées du déconfinement sans trop se plier aux mesures résiduelles de distanciation. Encouragés par la propagande gouvernementale qui martèle chaque jour les chiffres rassurants de la décroissance du pic épidémique, ils considèrent l’épidémie comme terminée. Ce qui sera vrai si le virus décide de prendre ses vacances ou même de partir pour toujours. Malheureusement, plusieurs signaux sont passés au rouge et devraient être pris en compte.

Un rebond net en Arabie Saoudite
Plusieurs nouvelles inquiétantes concernant la suite de l’épidémie de Covid-19
= des rebonds en Iran plus haut que le pic principal, un rebond d’ampleur également en Arabie Saoudite. Un rebond également en Israël à partir d’une levée des précautions de distanciation dont l’abandon des masques pour cause de canicule après une gestion sévère de la première phase épidémique. Tout cela dans un contexte de chaleur sèche qui aurait dû écraser un virus présumé saisonnier. Ce qui suggère qu’il ne le sera peut-être pas.
L’épidémie prend de l’ampleur en Egypte et en Afrique, comme au Mexique ou en Inde. Réalisant une désynchronisation de la pandémie, source de réinfection des pays où le virus est déjà passé. L’épidémie se répand surtout parmi les 1, 2 milliards d’habitants de l’Inde, ainsi qu’au Pakistan, avec donc un gros retard sur les autres pays asiatiques.
L’épidémie prend une allure de plateau sans pic mais à un niveau important dans de nombreux pays dont les USA et la Russie. Suggérant qu’elle y durera bien plus longtemps que là où des pics épidémiques se sont déclenchés.

On peut craindre un long plateau en Russie. Avec il est vrai une moindre mortalité qu’ailleurs, sans doute par la rareté relative des populations cibles. La commémoration de la parade de la Victoire de 1945 le 24 juin, sans doute décidée au plafond du pic vers le 8 mai, me parait compromise.
En Europe occidentale, après des pics et des traînées de redescente du pic plus longues qu’en Chine ou dans les autres pays ségrégationnistes stricts des contaminés et de leurs sujets contacts mis en quarantaine, il persiste une circulation virale assez importante pour être au dessus du seuil des foyers sporadiques. D’autant que tous les pays occidentaux ont entamé leur déconfinement sans attendre la disparition des nouveaux cas symptomatiques comme en Chine et donc que la circulation virale soit descendue en dessous du seuil clinique.
La seule bonne nouvelle est qu’il semble qu’une certaine atténuation du virus soit décelable dans plusieurs pays où la persistance ou l’augmentation des cas contrastent avec un nombre assez stable et bas de patients entrant en soins intensifs.
L’échéance du 15 Juin, la persistance de l’impréparation française et les mesures inadaptées préconisées par le conseil scientifique.
Nous pourrons juger en France le 15 Juin de l’influence des rassemblements des fêtes religieuses musulmanes, catholiques et juives qui s’accumulent dans la dernière décade de mai ainsi que des fêtes laïques de rassemblements familiaux ou amicaux de fin du confinement. Si le virus est vraiment saisonnier, il continuera à disparaître. Si le risque de traînée, rebond et résurgences persiste, un coup de semonce au minimum, sera visible dans les courbes.
La seule chose qui compte en effet c’est la circulation virale et son appréciation. Quelle soit considérablement plus basse qu’il y a deux mois, ne devrait pas conduire le conseil scientifique à dire que l’épidémie est sous contrôle. Mais à surveiller le niveau résiduel, et l’immunité acquise de la population. Sur ce dernier point aucune enquête sérologique d’envergure n’est réalisée.
Parmi les indicateurs disponibles le nombre de nouveaux hospitalisés par jour, le nombre de nouveaux patients en soins intensifs, sont les plus informatifs. Faute de disposer d’un nombre de nouveaux positifs détectés fiable. Puisqu’aucune enquête par sondage parmi la population asymptomatique n’est réalisée.
La disparité géographique de la circulation virale, qui parait évidente cliniquement avec des zone sans virus, n’est pas publiée. C’est pourtant sur elle que devront reposer des mesures différentiées. Non pas à l’échelle des grandes régions, mais au plus du département, voire d’une agglomération.
Le dispositif de dépistage des foyers ( « clusters » ) pêche par sa lenteur, celle des tests surtout, et le peu de rendement du recensement des sujets contacts ( 3 par personne quand on en attendrait une bonne douzaine ). Comme du caractère volontaire et relatif des quatorzaines qu’il entraîne. Malgré des tailles de plusieurs dizaines voire quelques centaines de sujets, les foyers décelés n’ont pour l’instant pas conduit à des bouffées épidémiques. Si le virus garde son potentiel intrinsèque ceci devrait se produire en 2 à 3 mois au plus, vers des résurgences dont la taille dépendra de notre rapidité de réaction. Plutôt qu’un reconfinement généralisé, c’est le bouclage de la ville foyer et des restrictions de circulation qu’il faudrait avoir prévu. Comme cela a été réalisé en Vénétie.

Bouclage d’un quartier à forte contamination ( Bnei Brak ) en Israël
En effet, faute d’une politique à la chinoise, il est illusoire d’espérer réduire la circulation virale au 1/ million et au dessous, incidence de disparition du virus, comme d’espérer une immunisation d’éradication des 2/3 de la population. L’immunisation du 1/4 de la population, seuil anti-pic épidémique qui laisse la possibilité d’une épidémie de bas niveau en plateau, est déjà réalisée dans certaines zones et sera atteinte partout où le virus persistera pour la fin 2020. Sauf si le virus décide tout seul de prendre des vacances ou de disparaître à jamais.
Dans l’incertitude, le maintien de mesures de distanciation, le dépistage et l’exérèse des sujets porteurs devraient être un objectif bien plus prioritaire de de se féliciter de la fin du pic épidémique et d’encourager à la reprise économique sans conditions. L’apathie gouvernementale à mettre en place des outils de surveillance et sondage en population générale, dont l’INSEE saurait parfaitement préparer l’échantillonnage, risque d’être un point majeur du passif gouvernemental si le virus n’a pas la bonne idée de renoncer de lui-même à persister chez nous. La responsabilité politique n’est pas de parier sur une seule hypothèse mais de préparer les mesures pour affronter diverses situations.
Premier rendez-vous le 15 juin, si nous sommes capable d’ici là de mesurer la circulation virale et non pas les seuls cas cliniques graves hospitalisés.
Une émission radio et une vidéo sur RCF: https://youtu.be/PzCJnkIgQj0