JHM COHEN 8 06 2020
Après la fin du pic épidémique, il convient de mesurer son ampleur, son hétérogénéité géographique comme celle des victimes, pour en tirer des enseignements. On ne peut tout aussi péremptoirement affirmer que le confinement n’a servi à rien que lui attribuer d’avoir empêché les prédictions les plus apocalyptiques de se réaliser !
Pour décrire et analyser, ce sont les statistiques de mortalité, remarquablement rapportées par l’INSEE, qu’il faut regarder.

L’ensemble du pic épidémique de Covid-19 est là, comparé aux deux années précédentes. En ordonnée, la mortalité journalière.
L’analyse n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser. Déjà la surmortalité brute est de 26 000 ou de 18 500 si on la déduit de l’année 2019 ou de l’année 2018. On voit aussi que la ligne de base n’est pas plate, car on meurt toujours plus en hiver qu’en été. On devine aussi en fin de courbe une baisse de la mortalité post épidémique.
Morts en plus et morts en moins….
Durant le pic épidémique, il faudrait tenir compte des « morts en plus » pour d’autres causes et des « morts en moins » évités par le confinement. Les plus évidents des morts en moins sont les accidents de circulation qui ont baissé des deux tiers. Mais leur nombre absolu est de nos jours très bas: en temps « normal » de l’ordre de 3000 par an. Il devient épidémiologiquement négligeable. Plus significativement, il a été constaté une nette baisse des accidents vasculaires cérébraux de l’ordre du tiers. Ces « morts en moins » minorent dans les courbes, l’effet de l’épidémie. Mais il y a des morts en plus, faits surtout de la pathologie coronaire et des troubles du rythme cardiaque qui n’a pas été hospitalisée et traitée aussi vite et aussi bien que d’habitude.
Une autre mortalité non négligeable a vraisemblablement baissé si les habitudes historiques persistent, c’est celle des suicides. La mortalité par suicide est mal connue et très sous-estimée dans les certificats de décès. Au minimum de 4 fois celle des accidents de la route. On peut flairer cette baisse par un résultat surprise dans la recherche des « fruits mûrs ».
Les « fruits mûrs »…
On peut l’appeler plus poliment la mortalité inéluctable anticipée, mais l’image fait mieux comprendre. Il s’agit des personnes dont la fin était proche et que l’épidémie n’a emporté qu’avec quelques jours ou semaines d’avance. On peut déjà approcher cette population par l’étude de la mortalité après la fin du pic épidémique. Elle n’est pas négligeable parmi les personnes âgées où elle pourrait représenter au moins 15% des victimes. Mais la surprise est de trouver une mortalité en moins persistante chez les jeunes. Plutôt qu’une subite discipline routière au déconfinement, on peut faire l’hypothèse qu’il faudra vérifier ultérieurement que l’effet anti-suicide de l’épidémie soit rémanent au moins pour quelques semaines…
Finalement, les additions ou soustractions des mortalités en plus ou en moins ne changent pas grand choses aux totaux…

La sous mortalité relative post pic épidémique chez les vieux mais aussi chez les jeunes est frappante.
La mortalité secondaire….
Une variable n’est pas encore disponible. Celle des sujets sortis vivants de réanimation mais en piètre état, en particulier cérébral, dont la vie en sera largement abrégée.
« Taken together »…
La mortalité de l’épidémie estimée par les données INSEE va se situer entre 20 et 25 000 personnes, soit autour de 400/ million d’habitants, un peu en dessous des 30 000 morts des statistiques du ministère de la santé qui compte 19 000 décès hospitaliers et 10 000 en dehors dont les ehpad, dont pourtant la non hospitalisation n’a pas été la règle mais l’exception dans la plupart des régions. Une telle discordance n’a rien de scandaleux en temps réel, avec un décompte approximatif des cas suspects non prouvés, des doublons entre ehpad et hôpitaux. On en retrouve même la trace dans l’imprécision de nombre de certificats de décès avec un nombre considérable de morts en « d’autres lieux ». Elle permet juste de rappeler qu’avant de critiquer les erreurs de comptage d’autres pays, il convient de se rappeler que nous sommes tous dans la même situation inéluctable.

Les « autres lieux » reflètent plus les imprécisions des certificats de décès que la mortalité dans la rue ou dans les bistros fermés
Regarder en gros mais aussi en détail
Ces chiffres globaux cachent une grande disparité géographique, qui n’est encore que partiellement accessible. Le gouvernement ne met en valeur que les chiffres des grandes régions, qui ont peu d’intérêt. Les chiffres départementaux sont accessibles mais pas ceux des agglomérations. L’étude des pics épidémiques localisés n’est ainsi pas encore réalisable. Il serait pourtant très important de voir si le plafond de verre des 1200 morts par million constaté ailleurs s’y vérifie.
Dans de nombreux départements, le pic épidémique n’a pas eu lieu !

Dans près de la moitié des départements la surmortalité épidémique de moins de 10% n’a pas l’ampleur d’un pic épidémique
Deux causes peuvent être considérées: a) le confinement survenu là en phase de densité virale encore faible a été efficace. De la même façon que dans la vingtaine de foyers secondaires hors Wuhan en Chine, pris autour du millier de cas et de la centaine de morts, qui se sont effondrés. b) L’épidémie n’a pu atteindre la masse critique d’emballement du pic épidémique lorsque la densité de population ne permettait pas une transmission inter-humaine suffisante.

Influence majeure de la densité de population sur le pic épidémique
L’INSEE ne relève en effet qu’un seul paramètre pertinent discriminant les départements selon leur surmortalité qui va de nulle à 50%: la densité de leur population qui a pu être étudié jusqu’au niveau communal.
Les deux causes ci-dessus sont sans doute vraies pour tel ou tel endroit, isolément ou associées.
Ai-je dit plus ou moins de bêtises que d’autres ?!!!
Début mars, j’annonçais une cinétique épidémique à venir, la nécessité de reporter les élections municipales, et proposé de réutiliser les bureaux de vote en centres de consultations avancés.
Le 15 mars, j’annonçais que le pic épidémique débutait, ne pourrait être endigué par un confinement trop tardif dans les régions où il était entamé et donné une échelle de l’épidémie de 2 à 10 fois Wuhan du fait de l’incertitude de l’évolution de la situation dans les ehpad.
Le 18 mars, je fixais à la lumière de l’expérience italienne débutante pour borne supérieure infranchissable de l’épidémie, 10 fois la mortalité de Wuhan soit 35 000 personnes et un pivot de 10 000 morts hors ehpad. Quand les épidémiologistes modélisateurs numériques impénitents prédisaient 300 à 800 000 décès. A l’exception notable à souligner de Catherine Hill dont le pronostic n’était « que » de 64 000 victimes. Comme elle raisonnait « hors tout » en assimilant toute l’épidémie possible à un pic unique, son erreur n’était pas forcément si considérable, mes propres comparaisons à la grippe espagnole conduisant si le sars-cov2 conduit à des résurgences, nouveaux pics et seconde vague, à 50 000 victimes.
Une fois de plus en matière d’épidémie, la méthode relativiste, comparative historique et contemporaine, s’est montrée supérieure aux modélisations mathématiques nourries de conjectures, et trop peu de chair et de sang.
Fort heureusement, rien n’est sûr pour l’avenir et l’épidémie peut en rester là. A 25 000 victimes. Surtout, l’évolution de l’épidémie n’est pas inaccessible aux interventions humaines en dehors du vaccin. La surveillance de la circulation virale par tests massifs en population asymptomatique, par étude systématique des eaux usées devrait permettre des éradications ciblées à la racine et même sous terre des foyers de résurgences, en imitant le modèle chinois. Mais si nous nous contentons de célébrer la fin du pic épidémique, il nous faudra compter sur le bon vouloir du virus Sars-Cov2.