Covid 19 : fin de partie ou fin de première mi-temps

JHM COHEN 3 6 2020

Chronique du 3 juin 2020

Sur les ondes de RCF: version sonore

 

Jacques Cohen, bonjour. Avec vous, nous sommes toujours très heureux de faire le point sur l’épidémie. Nous avons l’impression qu’elle est finie, tout le monde ressort, les terrasses de café, on est place D’Erlon, place Ducale, quel est votre diagnostic ?

Le pic épidémique est fini, néanmoins la suite est parfaitement incertaine. Nous avons quelques informations nous permettant d’avoir quelques idées, non pas des certitudes, mais des idées, sur ce qu’il peut se passer ou pas.

La première chose c’est de regarder en Chine, à Wuhan, là où a eu lieu le 1er pic épidémique.

iran 4 6 2020

Iran après la fin du Ramadan le 23 Mai.

Avec une politique d’exérèse des sujets contacts et des malades très rigoureuse, il n’y a pas eu de cas pendant 2 mois, et ensuite une toute petite bouffée, les Chinois ont alors décidé de tester tout le monde. Wuhan c’est comme la région Parisienne, cette ville représente plus de 10 millions d’habitants. Le résultat est bon pour eux, mauvais pour nous. Je vais vous expliquer pourquoi. Il est bon pour eux parce qu’il y a une circulation virale de 300 cas par 10 millions, soit 3 pour 100 000. Avec leur méthode d’investigation massive et de mise à l’écart non seulement des porteurs, mais des sujets en contact à part d’eux, c’est quelque chose que les chinois vont pouvoir contrôler, descendre à 1 par million ou en dessous, soit à un seuil où le virus va mourir.

Le virus est une petite chose fragile, il ne peut survivre que dans un individu. Et dans un individu donné, il ne peut pas rester bien longtemps. Il n’a que 2 ou 3 semaines pour trouver quelqu’un d’autre. S’il ne trouve pas, il est expulsé et quand il est dehors, il est mort. Donc s’il descend en dessous de 1 par million, malheureusement pour lui et heureusement pour nous, il a toute chance de mourir.

Je vous ai dit qu’il s’agissait d’une bonne nouvelle pour les Chinois d’avoir trouvé 300 cas sur 10 millions, mais elle est mauvaise pour nous. Parce qu’actuellement nous avons une circulation virale, que l’on peut deviner par les pays alentour, parce que chez nous le dépistage est lamentable. Sans détailler, à partir de 250 hospitalisations par jour dont 25 en réanimation, de 85% de cas inapparents, et d’un portage contagieux de 10 jours environ, on peut estimer notre réservoir viral à 5 pour 10 000 ou juste en dessous. Soit pas loin de la possibilité de foyers sporadiques.

Ce résultat va probablement descendre, mais risque de se stabiliser au même niveau qu’à Wuhan, et nous, nous serons incapables de l’éradiquer. Après, tout dépend du bon vouloir du virus, il peut décider soit de prendre ses vacances, purement et simplement, soit de disparaître définitivement, ou de revenir un peu comme il voudra.

L’autre point important à voir est qu’en période comme nous sommes actuellement, post épidémique, on retrouve un peu la phase prodromique que l’on avait avant. C’est-à-dire que le virus redevient sensible aux conditions sociales, aux distanciations sociales, à la densité de population et aux comportements. Et il n’y a qu’un pays au monde où il y a eu un rebond. Je ne parle pas de la traînée qui correspond au fait que le pic épidémique met plus longtemps à redescendre qu’à monter, phénomène qui se produit partout, plus ou moins de façon importante selon la ségrégation que l’on réussit des sujets contacts. En Italie, la traînée a été assez longue parce qu’il y a plusieurs générations qui vivent ensemble, de même qu’en Espagne. La traînée, nous en avons une petite finalement, pas très importante, il y a de petits rebonds qui ont été vus en Belgique, ou même un peu chez nous, mais surtout le gros rebond se produit en Iran. L’Iran où les religieux sont au pouvoir, qui ont donc décidé que toutes les réunions religieuses pouvaient être maintenues envers et contre tout depuis le début du Ramadan. Le résultat est que le rebond n’est pas une petite bosse sur la courbe, il est arrivé, hier, pratiquement au niveau du pic principal. Il semble également en comparant les courbes des nouveaux cas et celle de la mortalité, que le virus soit moins mortel et que sa virulence s’atténue peut être. Ce qui pourrait être très important pour le choix des mesures à prendre en cas de résurgences si ce phénomène se produit ailleurs également. On ne prend pas les mêmes mesures pour une épidémie qui remplit les camions frigorifiques à l’arrière des hôpitaux ou pour une épidémie de rhumes sans mortalité. Mais tout cela nous ne le savons pas pour l‘instant.

Je vous interromps, Jacques Cohen, mais nous, en France, aujourd’hui, les vacances vont arriver, le Premier ministre nous a invités à en prendre, est-ce que finalement, d’après vous, dans les semaines qui viennent, nous allons quand même vers l’éradication de l’épidémie ? On s’aperçoit quand même, tous les jours, que dans les CHU, il y a moins de personnes contaminées, il y a moins de personnes en réanimation, il y a moins de personnes décédées.

Comme je vous l’ai dit, le pic épidémique se termine, mais cela ne présage pas de la suite. Nous avons une circulation virale résiduelle, et nous avons un certain nombre de jalons pour décider, on pourrait dire des check-points ou des milestones en jargon moderne. Vers le 5 juin, nous saurons si la fin du Ramadan, en Iran, donne une explosion qui s’emballe à la façon d’un pic épidémique ou pas. Si tel est le cas, je serai, à ce moment-là, assez pessimiste sur le moyen terme. Mais il est possible que le rebond se termine là-bas en étant monté un peu plus haut qu’ailleurs.

Pour nous, le prochain point de jalon aura lieu le 15 juin, parce que nous aurons eu la fin du Ramadan, les fêtes musulmanes, les fêtes catholiques, nous aurons même eu une fête juive, nous aurons eu toutes les fêtes laïques de tous ceux qui ont fêté la fin du confinement. Si le 15 juin, il ne se passe rien, nous pourrons dire que le virus a décidé de prendre ses vacances.

france 4 6 2020

Nouveaux cas par jour en France. Les imperfections de notre dépistage se voient tout aussi clairement que les corrections et rattrapages multiples….

Donc dans l’agenda, le 15 juin est une date à retenir, mais est-ce que, d’après vous, ce virus est saisonnier ? Parce que la météo s’améliore, parce qu’il fait chaud, il a tendance à disparaître un peu comme la grippe, quitte à revenir ensuite lorsqu’il fera plus froid ?

C’est possible, mais ce n’est pas prouvé. Parce que malheureusement dans sa famille, nous avons des comportements très différents les uns des autres. Sur ces frères et sœurs, les deux autres SARS et MESR, l’un a fait une seule apparition et a disparu complètement, l’autre s’est implanté chez les chameaux et donne de temps en temps des cas humains en Arabie Saoudite, mais n’a pas l’air de vouloir quitter le désert. Et parmi les autres Corona, il y en a 4, un n’a fait qu’un seul passage météorique, il y en a qui viennent tous les ans, surtout chez l’enfant, exactement le contraire de celui auquel nous sommes confrontés actuellement, un autre qui revient à peu près tous les 3 ans, et un autre qui est un peu plus compliqué, nous n’avons pas encore bien pu déterminer sa périodicité. En fait, certains des membres de sa famille sont saisonniers, lui peut-être, mais peut-être pas, on ne peut pas faire de paris de santé publique. Il y a des probabilités, des choses possibles, il est possible qu’il soit en train de disparaître à jamais, mais il est possible que sa circulation persistante conduise à des résurgences et à un second pic. Mais rien n’est certain en la matière et ceux qui prétendent le savoir sont des joueurs et des parieurs. Nous pouvons parier à 60/40 ou 2/3-1/3, mais en matière de santé publique, nous ne devons pas le faire. On devrait, parce que ce n’est pas fait, mettre en place une politique et des outils de repérage de la circulation virale dans la population générale, de repérage de la population protégée par la géographie et la fréquence des infections anciennes par les anticorps, avoir des outils également pour pouvoir éradiquer facilement les foyers en les dépistant très tôt, et faire une ségrégation, je n’ai pas peur de le dire, des sujets contacts, grâce à quoi nous pourrons éviter qu’il y ait des résurgences ou qu’il y ait une 2ème vague, si le virus n’a pas décidé de nous laisser tranquilles, ce qui est tout à fait possible.

Est-ce que le STOP COVID est indispensable ?

Ce n’est qu’un outil parmi d’autres et je dirais qu’il ne peut pas remplacer ceux qui ne sont pas mis en place correctement.

Le masque ?

Tant qu’il y a de la circulation virale, il est souhaitable que tout le monde porte un masque dans l’espace public.

Et la distanciation d’un mètre, de deux mètres par exemple, que l’on voit dans les restaurants ?

J’avoue que je n’y crois pas beaucoup parce que dans la transmission aérienne, il y a les crachats, les postillons, le masque suffit. Et il y a les aérosols, qui sont capricieux, et qui peuvent aller très loin, surtout dans un lieu clos.

Merci, Jacques Cohen, alors faites-nous une promesse de refaire le point dans quelques jours parce que la situation peut évoluer et nous aurions beaucoup de plaisir à vous retrouver pour nous éclairer. À bientôt.

À bientôt, ce sera très volontiers.

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