La drôle de guerre contre le Sars-Cov2

JHM COHEN 6 7 2020 

Sur les ondes de RCF: @lien en attente.

 

Une étrange inaction caractérise la politique gouvernementale de lutte contre la Covid-19 malgré l’affichage d’une volonté éradicatrice.  La presse, reflet de l’opinion, préfère parler d’autre chose quand des signaux clairs ne vont pas dans le sens de la disparition du virus.  Un nouveau dogme du virus saisonnier s’installe qui sous-entend qu’il nous laissera en paix jusqu’à l’automne. Ce qui n’est nullement plus garanti que toute autre  météorologie virale. Les français en déduisent que d’ici là on peut laisser filer. La distanciation sociale s’étiole dans l’indifférence et sous la pression économique. Mais surtout nous ne profitons pas du répit actuel pour mener la politique éradicatrice que nous revendiquons. Chinois en paroles, nous sommes devenus Suédois dans les faits !

Le déni est généralisé. Les indices d’activité virale chez nos voisins de Leicester à Lerida sont plus refoulés que les porteurs de virus. Les petits foyers français, escarmouches virales, n’inquiètent pas plus que le filet persistant de malades hospitalisés, quelques uns même en réanimation. Vendredi 3 juillet le site officiel français a pu afficher dans l’indifférence générale 38 hospitalisés du jour en Moselle. Soit le double de l’Ile de France. Un testing en population saine à Reims, lilliputien d’un millier de personne a ramené une prévalence de l’ordre de 3/1000, plus d’un log au dessus de ce qui était attendu. Cinq ou six cent porteurs dans la ville sont bien assez nombreux pour faire démarrer un foyer si l’un d’entre eux ou les plus disséminateurs d’entre eux visitent un lieu propice boite de nuit ou abattoir par exemple.

Le gouvernement sera bien sûr responsable de son inaction. Mais il peut invoquer comme circonstance atténuante l’adhésion massive de la population, lassée par un confinement indifférencié, dont elle perçoit qu’il n’était peut être pas la meilleure solution. De la même façon que les français voulaient la paix durant la drôle de guerre  qui lui ressemblait tant qu’on pouvait l’espérer durable… jusqu’en mai 40.

Le ministre de la santé indique  que la situation est sous contrôle et que des plans sont prêts. Comme en 1870, 1914, 1940, et… en mars 2020. Mais aucun détail n’est donné et surtout aucun débat n’est lancé sur la stratégie générale et les moyens qu’il faut se donner.

Quelles sont donc les politiques possibles.

Les pays éradicateurs n’emploient plus le confinement que comme mesure extrême locale lorsqu’un foyer se déclare. Leur arme principale, ce sont les tests. Par exemple de plus de 10 000 000 d’habitants à Wuhan où une prévalence de 3/100 000 a été trouvée, qu’on peut ainsi faire descendre sous le 1/1 000 000 où le virus meurt tout seul de solitude.

La force d’un dépistage c’est sa masse multipliée par sa vitesse…

On peut ainsi paraphraser Napoléon pour regretter qu’on n’ait réalisé aucune cartographie sérieuse du pays, Ni du virus ni des anticorps pour évaluer où il faudrait frapper. L’étude des flux de patients hospitalisés montre que ce sont les zones où il y a eu épidémie qui sont toujours celles où la circulation virale se maintient à un niveau inquiétant. Un dépistage est proposé dans 30 communes de la banlieue nord de Paris par le biais de l’assurance maladie via un 1,3 million courriers et par le canal des labos de biologie de ville. Malheureusement, tout cela est quasi symbolique de l’inadéquation de l’échelle des moyens dont nous nous contentons.

Un testing obsolète et sans infrastructure à haut débit.

Disons le nettement: le prélèvement du cavum trop aléatoire dans sa réalisation, est abandonné dans de nombreux pays au profit de la gorge ou de la salive. Les générations de tests se succèdent mais nous en somme toujours principalement à la première génération de pcr semi manuelles. Les tests rapides ( une heure hors tout ) ne sont déployés qu’en peu d’endroit, et les gros automates tournent au ralenti faute de logistique d’amont comme d’aval. Il faudrait disposer d’une force de frappe d’un million de test par 5j au minimum à déployer sur les zones de circulation virale. Avec les capacités du suivi des dépistés. Avec la différence qu’il y a entre avoir des capacités de test plus ou moins latentes et inemployées et une telle force de frappe. Comme en 1940 d’avoir des chars mais sans divisions blindées capable de mobilité et de frappes ponctuelles…

Les moyens du suivi des cas et de leurs contacts sont tout aussi insuffisants comme l’atteste le nombre moyen de sujets contacts supposés par patients: à peine 3.5 !! Le suivi humain est lent et parcimonieux et le suivi technologique ne peut y pallier à la fois dans son faible déploiement et dans ses critères très insuffisants.

La circulation des personnes et des virus. La bataille des frontières.

Sous la pression économique d’un pays qui vit du tourisme, les frontières sont ouvertes aux ressortissants de nombreux pays sur des critères politiques et non de santé publique. Avec la bénédiction de l’UE, il est ainsi possible à des charters anglais de se poser à Biarritz et d’y relâcher sans tests ni même masques leur cargaison en provenance d’un pays encore en pleine épidémie.

C’est sans doute ce qui étonnera le plus  rétrospectivement dans quelques années. De ne concevoir que de décliner les variantes de la quarantaine et du confinement. Un sujet est contagieux dès qu’il excrète du virus, même sans signes cliniques ni fièvre. Le test systématique aux frontières devrait arrêter les porteurs. On peut compléter le test d’une prise de température 2 fois par jour avec retour au centre médical au moindre doute. Et d’un second test au bout de 6 jours si le sujet vient d’une zone de forte activité virale.

Ce test devrait être systématique et lié au transport aérien.

Lorsqu’il sera question de protéger les vieux en les enfermant et de laisser le virus circuler parmi les jeunes, il faudra se souvenir que sauf enfermement de leurs personnels avec les vieux, ou d’un apartheid de béguinages, les vieux finissent par être contaminés par les jeunes. Là encore, c’est le test viral et thermique du personnel, systématique et répété, voire quotidien en période d’épidémie, qui peut limiter la contamination des personnes âgées, avec l’évitement bien sûr des rassemblements de personnes.   

Et la Suède…

Le choix suédois de se contenter de ralentir le virus par une distanciation sociale réelle a conduit à une mortalité supérieure à celle de ses voisins scandinaves. Pour l’instant disent les Suédois qui évaluent soigneusement leur prévalence virale et leur séro-prévalence. Leur population immune atteignait déjà 15-20 % il y a 15 jours. Et le fléchissement de la courbe épidémique chez eux cette semaine semble indiquer à la fois que le sommet du pic est atteint et que la barrière épidémique ( et non d’éradication ) doit se situer vers le tiers de la population. Les Suédois espèrent ainsi éviter des récurrences au delà de cet automne. il est vrai qu’une distanciation sociale nordique dans un pays discipliné et où plus de la moitié de la population habite seule, n’est pas loin d’un confinement latin.  On ne peut savoir si cette stratégie isolée sera payante ou non. Il faut attendre de faire les comptes en fin de partie. A noter que la mortalité suédoise est tout aussi urbaine et de personnes âgées qu’ailleurs. Les décideurs suédois reconnaissent avoir sous estimé cet aspect et estiment que des mesures spécifiques auraient pu être prises…

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Courbe suédoise des nouveaux cas journaliers. L’épidémie semble enfin fléchir, très longtemps après la notre pour un début à la même date. Mais en espérant une meilleure immunité

En revanche, au plan économique la politique suédoise est un échec. Du fait de l’arrêt des économies de leurs partenaires commerciaux ayant appliqué une politique de confinement, leur économie a presqu’autant souffert que celles des pays voisins.

Nul pays comme nul homme n’est un île en soi-même…….

 

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