JHM COHEN 29/06/2020
Si les pics épidémiques se terminent en Europe occidentale, la situation est bien différente sur tout le continent américain ou en Inde. Et chez nous la lutte contre les résurgences reste à organiser plus sérieusement.
Aux USA, l’épidémie continue avec des rebonds et des plateaux dans certains Etats. Ceci est dû à la fois à l’étendue du pays et ses situations locales de populations, habitat etc… très différentes, et à des politiques elles-mêmes très différentiés. Voire en dent de scie. On peut remarquer une situation proche en fait en Russie. Avec une différence notable: une mortalité russe nettement plus basse, au delà de toute discussion sur la sous-déclaration éventuelle des décès. L’hypothèse la plus probable étant que le virus ne peut tuer ses cibles habituelles si elles sont déjà morte d’alcoolisme ou d’hypertension mal soignée. On remarque aussi une faible mortalité en Haiti, qui pourrait tenir de la stimulation immunitaire permanente d’un état sanitaire globalement déplorable…
On peut aussi constater aux USA une nette baisse de la mortalité, non pas en taux mais en chiffres bruts par jour alors que le nombre de cas continue à croître. En dehors d’une population contaminée plus jeune, et d’une meilleure adaptation du système de santé, une certaine bonne volonté du virus ne peut être exclue. Qui si elle se confirme rendra complexe l’étude du rapport coût/bénéfice de futures mesures de restriction de circulation et des échanges de longue durée si la pandémie dure au delà de l’automne.
Aux USA on perçoit une certaine perte de sang froid devant la durée de l’épidémie et ses conséquences économiques. Au point d’envisager pour un testing massif de recourir à des moyens de fortune, comme le pooling des échantillons à tester, autrefois pratiqué en médecine de brousse ou de pénurie dans des pays en guerre en situation désespérée. Disons tout de suite que le principal point faible du pooling est la perte de sensibilité du dépistage ainsi réalisé. Le second est dans les délais et la logistique de tests en 2 temps….
La situation française, notre politique et ses manques.
Nous sommes en stade post épidémique, sans disparition de la circulation virale, qui persiste avec une forte différentiation géographique. Dans les zones où le virus n’avait pas atteint une forte prévalence avant le confinement, celui-ci l’a écrasé et fait disparaître. Dans les zones de plus forte prévalence et de pics épidémiques, le virus persiste à un niveau non négligeable, semble t il car on n’a pas de sondage correct, proche du niveau pouvant déclencher des foyers sporadiques voire pire.
Outre le test des cas symptomatiques et autour d’eux, plusieurs mesures sont indispensables et urgentes. i) Une étude de prévalence des anticorps témoins de l’épidémie pour évaluer à la fois la fraction de la population ayant été exposée, mais surtout sa répartition géographique précise pour orienter les campagnes d’éradication.
ii) Les tests de recherche virale en population asymptomatique sont enfin promu, mais pour la seule banlieue nord parisienne. On voit déjà sur les nouveaux cas hospitalisés que la Moselle, la Meurthe et Moselle ou le Haut-Rhin sont dans une situation aussi préoccupante. Une campagne de sondage d’une échelle significative ( de 200 000 test à un million ) pourrait orienter.
iii) Mais surtout un réseau de dépistage dans les eaux usées de toutes les communes de France est parfaitement possible et devrait être mis en place au plus vite pour guider les campagnes d’éradication.
En effet, si le virus ne concerne plus qu’un porteur par million, il a toute chance de disparaître ne pouvant trouver un nouvel hôte à temps avant d’en être expulsé. A Wuhan, une circulation résiduelle de l’ordre de 3/ 100 000 a été détectée pat le test des 13 millions d’habitants et traitée pour gagner un log puis voir le virus disparaître. En Inde le test des 29 millions d’habitants de Dehli devrait débuter cette semaine.

Test par Prélèvement pharyngé à Wuhan
Notre circulation virale se situe vraisemblablement autour du 1/10 000 et atteint par endroit le 1000. C’est maintenant qu’il faut agir, avant de voir la prévalence virale remonter lentement, donner des incidents cliniques, et une échelle ne nous permettant plus d’intervention prophylactique, situation qu’a connue la Lombardie chez nos voisins, tandis que la Vénétie a eu de meilleurs résultats par une proactivité plus grande.
Nous ne pouvons tester deux fois toute la population française en un mois. Il nous faut donc cibler des campagnes focalisées. Et être capable de répondre à des foyers éventuels prenant de l’ampleur qu’il faudrait coiffer par un test de toute la ville ou le département, mis en quarantaine…
La capacité de tests et sa mise en oeuvre
Notre capacité de tests fait irrésistiblement penser à l’aviation française de 1940, largement obsolète, indisponible là et quand on en a besoin. On peut aussi ajouter qu’une capacité de test s’use quand on ne s’en sert pas..
Même en les simplifiant, il faut aborder des aspects techniques pour comprendre les données du problème. Le testing massif suppose des structures de recueil des échantillons dédiées et non pas les labos de quartier qui ne pourront en assurer le flux. Il suppose de renoncer au prélèvement du cavum par voie nasale, de réalisation trop aléatoire pour passer au prélèvement pharyngé ou salivaire comme dans de nombreux pays. Le type de test est aussi un souci. Il y a plusieurs générations successives de tests. Les premiers tests de pcr en 5 h, à l’échelle artisanale des labos de recherche, ont été étendu dans les centres de référence, puis dans les labos d’analyse académiques qui auraient dû d’emblée passer aux 2 générations suivantes: les tests en une heure qui changent la vie des services d’urgence qui n’ont plus à mettre à l’écart pour 24h des malades incertains. Les tests sur automates à gros débit de 1000 à 8000 par jour et par machine. Quelques gros automates ont été achetés en Chine en urgence mais confié à des labos académiques n’en ayant pas l’expérience, ni les infrastructures d’amont et d’aval. Globalement, on doit constater une incapacité à développer les tests par les labos de référence par définition inadaptés à l’échelle industrielle, comme l’incapacité des labos de routine des CHU à s’y substituer efficacement. Les laboratoires privés habitués aux collectes et traitement centralisé des échantillons, s’y sont mieux adaptés mais ont développé des capacités inutiles en tests de première génération, ainsi fort heureusement que des capacités sur automates plus adaptées mais encore insuffisantes. Les labos de contrôle vétérinaires pourtant équipés pour des tests massifs, ne semblent à nouveau guère sollicités…
De nouveaux tests mieux adaptés au dépistage massif ainsi qu’au suivi épidémiologique de chaînes de contamination par les séquences complètes directement dérivées du dépistage, de la famille dite NGS sont aujourd’hui disponibles commercialement avec 3000 tests en 24h sur une pièce de 5 francs d’autrefois par nanotechnologie. On peut regretter que notre pays n’a pas été pionnier de leur adaptation au dépistage du Sars-Cov2. Bientôt d’ailleurs des tests de la génération suivante dépisteront ainsi non pas seulement le Sars-Cov2 ou quelques autres virus d’un panel, mais tout type de virus connu ou pas.
Quoiqu’il en soit et dès aujourd’hui nous devons mettre en place un outil d’intervention de terrain permettant de tester un million de personnes en 2 à 3 jours et d’en prendre ne charge les conséquences.
Que faire des positifs et de leurs sujets contacts ?
Si les explosions de pics épidémiques du Covid-19 sont à front raide, la redescente est considérablement plus lente que dans d’autres épidémies. Le principal paramètre de cette traînée étant la ségrégation des porteurs et malades peu graves d’un côté, de leurs sujets contact d’un autre, qui a été réalisée ou pas selon les pays. Les pays totalitaires à surveillance étroite de leur population pat bloc d’immeuble sont eux d’emblée outillés, nous devons trouver des moyens compatibles avec nos valeurs grâce par exemple à la mobilisation de notre industrie du tourisme hélas bien désœuvrée.
L’Europe et les frontières
La mesure proposée par l’UE d’une liste de pays de libre accès ou d’interdiction est stupéfiante d’archaïsme. Les tests existent et devraient être systématiques à l’entrée dans un pays de l’UE par exemple dans l’aéroport de départ. La seule mesure pays par pays, pouvant être d’instaurer une quarantaine courte de 5 jours avec 2 tests viraux en début et fin pour les personnes en provenance de pays de forte prévalence virale. En développant des capacités d’accueil spécifique pour cela. Ce qui dissuaderait peut être quelques touristes, mais en encouragerait d’autres à quitter leur zone à risque pour des pays où le premier pic épidémique étant terminé leur sécurité, passée cette quarantaine, sera bien mieux assurée.
Les frontières.