JHM COHEN
Chronique du 11 décembre 2020
Sur les ondes de RCF: https://rcf.fr/embed/2533089
Pour commencer cette émission, il est l’heure de retrouver le professeur Jacques Cohen avec nous par téléphone, Jacques bonjour.
Bonjour.
Et après s’être égaré, on peut le dire ainsi en parlant d’un autre sujet que la médecine avec vous la semaine dernière, on en revient aux campagnes de vaccination à la Covid-19 et à tout ce qu’il y a autour. Et justement la campagne de vaccination de la Covid-19, elle va arriver en France, elle a été lancée cette semaine au Royaume-Uni, JC d’une façon générale que peut-on en dire ?
Et bien, on peut dire que c’est déjà quelque chose de spectaculaire que l’on commence à avoir des vaccins en aussi peu de temps.
En revanche, il faut voir lesquels, pour qui, et être prudent sur ceux qui arrivent en tête. Parce que, que ce soit les vaccins ARN ou les vaccins à adénovirus 26 recombinant, ce sont des vaccins nouveaux qui n’ont jamais été administrés chez l’homme et dont on ne peut pas avoir de grandes certitudes, ni sur la durée d’action, ni surtout sur les effets secondaires, en particulier pour les ARN.
Il y a aussi un autre vaccin qui est diffusé très largement et au point de vue quantitatif bien plus que ceux-là, c’est le vaccin virus anti et inactivé Chinois qui est une solution éprouvée.
Les Chinois ont choisi de faire à l’ancienne, non pas qu’ils n’avaient pas les moyens technologiques de faire à la dernière mode, mais ils ont considéré que dans le doute et dans l’urgence il valait mieux faire à l’ancienne. Et je vous le dis tout de suite, je préférerais nettement recevoir celui-là.

Les vaccins mRNA viennent de loin. S’ils ont progressé en 20 ans, certains de leurs problèmes ne sont pas encore résolus… Brevet CureVac IP INSERM Genethon avec une date de priorité de 2002. Hélas abandonné en 2006 comme sans perspective d’exploitation industrielle…..
JC, on a bien compris votre position. D’ailleurs, les Chinois ont commencé leur campagne de vaccination il y a déjà plusieurs mois, c’était au mois de juillet dernier, ils sont là dans une troisième phase de vérification de certains vaccins, déjà les Chinois.
Oui, ils ont des tests d’innocuité chez eux sur plusieurs centaines de milliers de personnes. On n’est pas dans les 134 malades publiés la semaine dernière par Moderna. Et ensuite, comme il n’y a pas de virus chez eux parce qu’ils l’ont bien contrôlé, pour tester son efficacité ils testent à l’étranger dans une dizaine de pays qui vont des Philippines à l’Argentine en passant par les Émirats arabes unis et le Maroc. Et aux Émirats arabes unis, les autorités de santé ont autorisé la diffusion large hier après la fin de l’essai sur 3 000 personnes, montrant une efficacité qui est donnée à 86 %, c’est-à-dire à peu près comme tout le monde. Donc il semble efficace. Il ne semble pas y avoir d’effets secondaires significatifs et il serait préférable d’utiliser un vaccin de ce genre, éprouvé, plutôt que les vaccins ARN ou adénovirus dont on ne peut pas aborder ici, parce que c’est un peu technique, les inconvénients, mais qui sont réels, du moins, comme incertitude.
Malheureusement, ce qui a été acheté en occident et surtout en Europe ce sont des vaccins ARN ou adénovirus, sauf les Anglais qui ont réservé un vaccin virus entier et inactivé fabriqué par une firme française qui n’a pas l’air d’avoir intéressé les pouvoirs publics français.
Justement JC, vous parlez de ces vaccins ARN, on entend un peu de tout et n’importe quoi autour de ces vaccins. Le vaccin ARN on a bien compris que ce n’est pas votre favori et il y a même certaines personnes qui disent « on est en train de modifier génétiquement l’ADN humain ». JC vrai ou faux ?
Faux, trois fois faux. Il y a assez d’ennuis ou d’incertitudes sur les vaccins ARN pour ne pas aller rajouter des âneries.
Si on entre un peu dans les détails malgré tout, il y a longtemps qu’on essaye de faire des vaccins ARN, disons depuis 20 ans. Le premier brevet est de l’institut Pasteur en 2003, qu’il a d’ailleurs abandonné en 2006 en disant que cela n’avait pas d’avenir commercial, vous voyez que nous pouvons faire de très belles gaffes en la matière.
Pendant une dizaine d’années on a essayé de protéger l’ARN, parce que c’est très fragile, on a trouvé quelque astuce pour le modifier, puis finalement on a choisi de l’encapsuler dans des nano particules lipidiques. L’ennui c’est que ces nano particules lipidiques, qui permettent de faire rentrer le vaccin dans les cellules musculaires, sont pro inflammatoires ayant un effet adjuvant et si on répète les injections on aboutit à des réactions locales, voir même générales avec de la fièvre, des courbatures et des ganglions beaucoup plus importantes qu’avec d’autres choses. Donc il y a déjà ce problème-là. Le deuxième, c’est que l’ARN par lui-même. Dès qu’on met de l’ARN dans une cellule, on induit la production d’interféron et l’interféron cela donne de la fièvre, cela donne des douleurs, cela donne même éventuellement des troubles de l’humeur. C’est mal maîtrisé, parce que la réponse des différents individus n’est pas la même. On a même constaté d’ailleurs à l’occasion du Covid que 10 % des malades avaient des anomalies génétiques de la réponse interféron, ce qui n’est pas négligeable. C’est donc quand même un problème consubstantiel et ennuyeux des vaccins ARN.
Ensuite, dans la cellule il faut produire l’antigène, on ne sait toujours pas s’il est exprimé à la surface de la cellule ou s’il est mis en miettes et présenté par des récepteurs spécialisés qu’on ne verra pas maintenant, dit de classe 2. Qui ont l’inconvénient d’en faire une cellule présentatrice de cette cellule musculaire. On appelle les cellules présentatrices des cellules présentatrices professionnelles. Ce sont des cellules du système immunitaire. Quand c’est fait par des cellules amateurs, il y a de fortes chances que cela déclenche un mauvais contrôle de la réponse immune. Donc, là-dessus, on a également quelques réticences. On sait par les premiers essais que tous ces ennuis ne sont pas à une échelle cataclysmique, néanmoins on a des effets secondaires modérés chez pas mal de gens, ne serait-ce qu’on a une lymphopénie majeure chez tout le monde ou presque, qu’on a de la fièvre ou des douleurs musculaires chez la moitié, qu’on a des ganglions au moins à la deuxième injection. Tout cela n’encourage pas et on va chercher sur de grandes populations si on ne va pas trouver des gens qui, un peu plus susceptibles, vont faire un peu plus d’ennuis.
Alors pourquoi faut-il l’utiliser quand même ? D’abord parce qu’on n’a rien d’autre et que c’est prévu sur les populations les plus à risque, c’est-à-dire si vous avez plus de 80 ans – vous en êtes très loin Alexis -, si vous êtes obèse et diabétique, si vous l’attrapez, vous avez un risque de mortalité du Covid de l’ordre de 10 %, chez un homme. Et donc d’avoir un inconvénient qui traîne autour du pour cent ou du pour mille comme risques, et bien, vous l’acceptez.
En revanche, à votre âge, à votre corpulence et à votre bonne forme physique, je ne vois aucune raison de se précipiter sur des vaccins incertains comme les vaccins ARN ou à adénovirus. Néanmoins quand on aura des vaccins à protéines recombinantes comme celui de Novavax ou surtout de Sanofi, quand on aura des vaccins tués, virus entiers disponibles, je le recommanderais à ce moment-là à tout le monde.
JC, on a présenté les types de vaccins, on a présenté également des pays qui ont commencé à faire vacciner leurs populations. En France, il y a eu un ordre de présenté pour les publics qui allaient être prioritaire sur cette campagne à vaccination, il y a même comme on a l’habitude le faire, une personne qui a été nommée spécifiquement pour ce plan, un Monsieur vaccin français. JC, que faut-il retenir du plan de vaccination français ?
Alain Fischer dont je partage les réserves et l’attitude, a été nommé j’allais dire quand les jeux étaient faits. C’est-à-dire que des hauts fonctionnaires ont géré les achats et qu’on demande à Alain Fischer de gérer l’application. Ce qu’il fait en commençant par dire que ce n’est pas en serinant que tout ira bien, que l’on convaincra la population. C’est en présentant franchement, ce que l’on sait, ce que l’on ne sait pas et les inconvénients éventuels au fur et à mesure. En Suède, le professeur Tegnell, responsable national de santé publique a d’ailleurs dit qu’il ne commencerait la vaccination que fin janvier ou en février quand il aurait laissé les autres essuyer les plâtres, c’est une attitude qui n’est pas totalement déraisonnable.
JC, en attendant de voir ce qu’il va se passer d’ici là, il y a une période de fêtes qui arrive, il y a le Premier de l’an, avant cela même il y a la fête de Noël, bien évidemment les gens ont envie de se retrouver en famille, entre amis aussi parfois. Que faut-il faire, faudrait-il tester avant Noël ? Ce sera ma dernière question dans cette chronique.
Et bien évidemment, on a tous envie de réunions familiales et on sait tous qu’il ne faudrait pas en faire du tout. Donc entre les deux, les situations sont tangentes. Et un élément très important qui pourrait être développé et qui va se développer comme on va pouvoir, sous forme de marché noir, de bricolage, parce qu’il n’y a pas de politique gouvernementale en ce sens, cet élément essentiel, ce sont non plus seulement des gestes barrières, mais des tests barrières ! C’est-à-dire qu’il faut tester le plus de gens possible juste avant les fêtes avant d’aller voir les grands-parents ou les arrières grands-parents (quand on les a encore). Et bien, il faut tester tout le monde et renoncer si on est positif, bien sûr. Et de cette façon-là, on peut limiter, je ne vous dis pas ramener à zéro, mais limiter la transmission à l’occasion des fêtes, la limiter d’autant plus qu’on utilise des tests sensibles. De ce point de vue là j’ai une grande réticence sur les tests antigéniques qui ne sont pas assez sensibles en conditions réelles. Ils sont pourtant les seuls qui ont été relâchés en grand public via les pharmacies, ce qui me parait dommageable. On a d’autres tests rapides, en moins d’une heure, éventuellement sans instrumentation, qui soient faits en salive ou en gratouillis nasal, qui permette un bien meilleur rendement et qui écrémerait beaucoup mieux les positifs avant les fêtes.
Et je pense que c’est ce qu’il faut essayer de faire, « faites un test génomique avant les fêtes, débrouillez-vous ! » si j’ose dire, les Français sont débrouillards.
La génération la plus à risque a connu comme enfant des situations et des périodes où il fallait faire des choses au marché noir ! Et bien, il faut que leurs enfants et petits enfants apprennent à en faire autant. On doit pouvoir arriver à se débrouiller, même si malheureusement il n’y a pas eu de politique systématique mise en place convenablement.
Merci JC de nous avoir éclairées dans cette chronique sur la campagne de vaccination à la Française et puis les tests à effectuer avant Noël, à très bientôt JC.
À bientôt, et bonne chasse aux tests.