JHM COHEN 26 01 2021
Sur les ondes de RCF: https://rcf.fr/embed/2569433
Les médias et semble-t-il les pouvoirs publics semblent focalisés sur l’attente d’une grande vague du variant anglais en mars. Sans assez considérer l’épidémie actuelle en France, son hétérogénéité du plateau à des bosses voire des pics, dont la dynamique n’est pas dépendante du variant anglais attendu pour mars quand une grosse bosse aura lieu bien dans une partie de notre pays. On continue également à n’envisager qu’une politique nationale globale. Au lieu de différentier les mesures dans une longue guerre de tranchée, quand il faut colmater des brèches ou réduire des saillants par des mesures spécifiques, de bouclage localisés et de tests massifs.
Pour une longue guerre de tranchée, il faut certes regarder à demain, mais aussi à aujourd’hui et à après-demain.
L’épidémie aujourd’hui
Le plus frappant est une triple hétérogénéité. La seconde vague d’automne n’a pas pris la même forme ni la même ampleur selon celle de la première vague. Pics aigus où la précédente vague fut faible ou absente, montée moindre voire à pente très lente dans les zones les plus atteintes auparavant. Un plateau post pic avec de la houle s’est installé un peu partout. Une 3 éme composante est celle d’un pic épidémique classique à front raide débutant dans certaines villes de la moitié sud du pays qui aurait déjà dû justifier des mesures spécifiques.

L’hétérogénéité de l’épidémie est déjà visible à l’échelle des grandes régions

elle l’est encore plus en regardant l’évolution du stock des hospitalisés vers Perpignan

Nice….

Marseille

ou au contraire Paris

Lyon

ou Strasbourg

et tout particulièrement Mulhouse foyer majeur de la première vague printanière où la houle lente n’a pas encore atteint son sommet en 3 mois
L’épidémie de demain
Certains pensent la prédire en observant ce qui s’est passé au Royaume Uni et en pariant sur le sujet chez nous de son variant. C’est possible mais rien n’est sûr. Le Royaume Uni n’a pas connu notre pic de novembre et son variant pour remplacer la souche courante en France a besoin d’une épidémie active, sans buter comme elle sur l’immunité acquise.

Deux illustrations de la modestie des prévisions modélisées quand elles sont honnêtes…

Les recalages permettent toujours de faire coller les courbes à l’épidémie de la veille, mais ne disent guère ce qui se passera demain….
L’épidémie d’après demain et un peu plus tard
Au fur et à mesure de l’extension de l’immunité acquise, le virus mute pour survivre. Il n’y a pas 2 ou 3 variants mais des dizaines poussent , du brin d’herbe au sequoia. Certains diffusent peu, d’autres auront plus de succès. Le critère cardinal d’un variant est sa capacité à échapper à l’immunité naturelle donc à recontaminer des survivants. A la longue, ce sont non seulement les variants les plus contagieux qui gagnent, mais aussi les moins mortels voire les moins pathogènes. Car de deux variants de même contagiosité, celui qui tue ou cloue au lit à moins d’efficacité de transmission. Mais auparavant, il y aura des soubresauts et même des épidémies, avant que le sars-cov2 ne suive le chemin du coronavirus OV43, devenu cause de simples rhumes. Sars-cov2 peut aussi rater son insertion dans notre espèce et disparaitre. Malheureux vagabond SDF précaire qui doit changer de domicile tous les 15j en arrivant à infecter un nouveau porteur.
Les vaccins et les variants
Les vaccins peuvent aider les variants par la pression de sélection qu’ils induisent comme leur couper l’herbe sous le pied, en réduisant le réservoir viral avant qu’ils n’émergent largement. En ce sens, une vaccination a efficacité dégradée par du retard de seconde dose serait une catastrophe.
On envisage d’ajouter au fur et à mesure les motifs du spike des variants dans le vaccin. C’est plus facile à dire qu’à faire. Surtout en temps utile, quand on voit les difficultés de diffusion du premier vaccin. Il faut y ajouter une particularité des vaccins arrivés en tête. On ne peut multiplier leurs injections. Parce que les effets secondaires s’aggravent pour les vaccins ARN et parce que les injections deviennent inefficaces par l’immunité induite anti coronavirus pour ceux-ci. Les vaccins virus entier et protéiques reprendront là un gros avantage.
Mais il faut rappeler que nous ne pourrons, par les vaccins disponibles actuellement en Europe occidentale ou en y produisant les catégories manquantes disponibles dans d’autres pays, lutter sérieusement contre le virus avant la fin de l’été au minimum. Et plus probablement en 2022.
Et un médicament ?
Si nous nous sommes toujours pas arrivés pour la grippe, il y a des médicaments efficaces contre l’épidémie HIV et l’éradication de l’hépatite C est en vue. Et les encéphalites herpétiques mortelles ont quasiment disparu. Le sars-cov2 embarque dans son génome ce qu’il ne trouve pas dans la cellule hôte. En particulier, mais pas seulement, une hélicase nettement différente des enzymes de nos cellules. Si on peut raisonnablement penser qu’on finira par trouver un médicament, on ne peut dire s’il sera là le mois prochain ou dans 3 ans.
Quelle politique ?
Si les confinements « durs », chinois ou plutôt asiatiques ont une certaine efficacité, on ne peut en dire autant des variantes de confinement « mou » occidental dont les inconvénients sont majeurs pour un bénéfice incertain. Les mortalités par million d’habitants suédoise et française sont aujourd’hui quasi identiques pour des politiques très différentes. On ne peut recommencer indéfiniment à annoncer des confinements de 3 semaines pour des vagues, bosses, plateaux, ou pics qui durent finalement 3 mois.

Une figure souvent présentée comme la preuve du succès des mesures prises. A ceci près que les départements soumis à ces mesures n’ont pas été pris au hasard mais sur leur évolution inquiétante. Et que dans les premiers visés le virus se moque de premières mesures puis fait le pied de nez d’une diminution de l’épidémie, tandis qu’il s’envole ailleurs là où on le pensait plus sage…
Pour une guerre de tranchée, il faut des tests barrières sensibles par dizaines de millions par mois pour protéger les lieux d’enseignement, les entreprises, mais aussi les spectacles, les restaurants… Encourager les transports individuels. Et des bouclages localisés avec des test massifs d’éradication là où le virus perce les lignes.