JHM COHEN 8 mars 2021
Sur les ondes de RCF: https://rcf.fr/embed/2599728
Jacques Cohen, bonjour.
Bonjour !
On s’intéresse aujourd’hui à l’évolution de l’épidémie de Covid-19 et surtout à l’évolution de ses malades. Qu’entendez-vous par-là, Jacques Cohen ?
Et bien, le virus est en train de changer de cibles. Il avait jusqu’à présent une préférence considérable pour les personnes très âgées, les gros et les diabétiques. On voit arriver en réanimation une population d’âge moyen (autour de la cinquantaine) sans facteur de risque précédent évident.
Comment on explique cette mutation, Jacques Cohen ?
Ce n’est pas forcément une mutation. Le virus peut s’adapter et changer pour des éléments d’environnement sans changer la moindre base dans son génome. On a souvent un raisonnement simple qui est que le virus change quand sa séquence, son ARN change, mais ce n’est pas obligatoire. Il peut changer de comportement parce que quelque chose dans l’environnement change. Les épidémies ont toujours été des choses qui évoluent et qui ne se ressemblent pas entre telle ou telle période. Charles Nicolle disait que les épidémies changent sous nos yeux au moment même où on les examine, que l’on a le plus grand mal à les saisir parce qu’elles évoluent. Donc ça, c’est un point qu’il faut tout à fait retenir.

Hospitalisations par tranche d’âge. G Rozier Attention aux échelles en ordonnées qui sont différentes. Mais ces graphes montrent bien les tendances en fonction du temps. Augmentation nette des cas de 40 à 70 ans, tandis que les cas diminuent au delà.

Stock total des patients en réanimation en France. G Rozier Une montée préoccupante

stock total français des hospitalisés. G Rozier Une courbe plate

Mortalité hospitalière de l’épidémie en France. Une courbe plate pour l’instant. ( il faut compter 10 à 15J de décalage entre les hospitalisations et les décès survenant plus tard.
Si on cherche le mécanisme, il peut s’agir soit d’un caprice du virus, soit de mutations du virus, soit d’un autre phénomène qui serait plus inquiétant. Qui est qu’on est à un an maintenant d’épidémie en France. Nous sommes pratiquement à l’anniversaire, et l’immunité contre les Corona n’est pas forcément très durable. On pourrait avoir une immunité qui, chez certains sujets déjà exposés, est devenue insuffisante et conduit à des réinfections. Mais dont le réveil soit une immunité que l’on dit délétère, c’est-à-dire qui aggrave la maladie. Vous avez une maladie plus grave que s’il n’y avait pas d’immunité du tout. C’est quelque chose que l’on connait à la fois en matière de Coronavirus chez l’animal et dans des maladies humaines comme la dengue où cela est très classique selon les sous-types,. les sujets déjà été affectés par un sous-type, la fois suivante, ne risquent rien pour ce sous-type. Mais si c’est un autre sous-type, toute la population sera pas plus malade, mais quelques pour cent le seront nettement plus. C’est une éventualité qui serait assez désagréable et qui se poserait également pour les vaccins. On avait pris au départ ceci pour un grand risque en matière de vaccin qui finalement ne s’est pas produit. Mais cela pourra se produire à terme selon la durée de l’immunité. C’est un phénomène tout à fait important à tester, ce n’est pas un mécanisme certain pour l’apparition de « ces nouveaux malades », mais c’est quand même à étudier.
Cela veut dire, Jacques Cohen, que potentiellement, tout le monde peut devenir un malade de la Covid-19 ? Même si c’était déjà le cas avant, là, on sent qu’il y a une sensibilité même sur des sujets qui n’étaient pas spécialement atteints d’une maladie ou d’une autre au préalable.
C’est-à-dire que la maladie peut être plus grave la deuxième fois, mais ce n’est pas certain et ce n’est que pour une toute petite fraction des sujets parce qu’on ne voit pas d’un seul coup des gens de 20 ans en réanimation, ce qui aurait par exemple été le cas pour la grippe où on sait que les grippes graves peuvent frapper des gens très jeunes. Là, nous avons en quelque sorte une sélectivité du virus qui s’est décalée. Parce que la diminution parmi les personnes âgées, en France, il est difficile de l’attribuer aux vaccinations compte tenu de la faible population que nous avons vaccinée jusqu’à présent. Donc c’est un bien un comportement du virus qui change et qui aboutit à ce que l’on ait un décalage avec une population préférentielle un peu plus jeune. À noter d’ailleurs que comme c’est une population plus jeune, même s’il y a plus de gens qui vont en réanimation, ils n’en meurent pas tous, loin de là. La mortalité elle-même n’a pas bougé et par rapport au nombre de cas, elle a même nettement diminué.
C’est l’occasion d’ailleurs de remarquer que l’épidémie est hétérogène en France, que schématiquement, dans les zones où il y a eu un gros premier pic, l’épidémie n’a pas du tout le même aspect que dans les zones où il n’y en a presque pas eu. De plus, selon les régions, on a des pics indépendamment de leur médiatisation. Il y a eu un pic à Perpignan, tout le monde s’en est foutu, il y a des régions avec un taux de maladie tout à fait important avec une grosse bosse et un plateau qui est en train de descendre. Comme une bosse s’amorce en ile de France, le gouvernement et les médias s’en préoccupent bien plus que de la situation ailleurs en France.
Par million d’habitants, savez-vous quelle est la région de France où il y a le plus de morts en seconde vague jusqu’à présent ? C’est la Franche-Comté avec des taux qui vont s’approcher de ceux de la Belgique ! Cela donne aussi quelque chose de désagréable, si on extrapole ces taux – en ajoutant 5 ou 10 % de plus puisque cela commence à descendre – et que l’on regarde ce qu’il manque aux autres régions pour rattraper, on constate qu’il manque environ 40 à 50 000 morts comme potentiel létal. En quelque sorte les parts de marché que le virus pourrait avoir à conquérir. Alors, fort heureusement, comme toute entreprise, il ne conquerra pas forcément tout le marché potentiel théorique, soit parce que lui-même n’en aura pas le pouvoir, soit parce que la vaccination l’en empêchera, mais toutes choses égales, la cinétique de l’épidémie serait de faire encore plusieurs dizaines de milliers de morts, sous la forme d’un plateau avec de la houle et une mer plus ou moins formée par endroit.

Cumul des décès ( en rouge ) et ratio par 100 000 habitants ( en rose ). La Franche-Comté et le grand Est sont largement en tête. Si l’on considère que la mortalité peut encore y croitre de 10 à 20% selon l’aspect de leurs courbes longitudinales, Et que les autres régions recèlent un potentiel équivalent, le virus peut encore espérer ajouter à son tableau de chasse la moitié de la mortalité déjà acquise, dans le plateau actuel ou lors d’une future nouvelle vague. Sauf effet de la vaccination ou d’un médicament.
D’ailleurs, Jacques Cohen, puisque vous évoquez la vaccination, vraiment d’un mot parce que c’est vrai que l’on sait très peu de choses, mais il y a certains pays, notamment nordiques, qui ont pris la décision de suspendre le vaccin fourni par Astrazeneca. Pourquoi cela ? Est-ce que vous pourriez éclairer nos auditeurs, peut-être, qui peuvent être parfois inquiets au moment de se faire vacciner ?
Ou, on ne peut pas pour l’instant tirer de conclusion de signaux d’alarme qui vont être étudiés et dont on va voir s’ils sont réels ou pas parce que quand on commence à vacciner de grosses parties de la population, les coïncidences deviennent faciles. Là, il y a 2 morts subites et des thromboses, mais les thromboses sont des pathologies courantes. Cependant, il semble finalement s’agir de thromboses multiples qui sont là des choses bien plus rares.
Donc on ne peut absolument pas savoir pour l’instant si c’est un problème réel pour les vaccins de type adénovirus globalement – j’en doute un peu puisque les autres adénomes comme Sputnik par exemple n’ont pas donné ce genre de chose, si c’est un problème de lot – parce que l’on peut toujours dans une fabrication, surtout en urgence, avoir des pépins – , s’il y a un co-facteur environnemental ou médicamenteux, ou si c’est une immunité préalable contre le virus Sars-cov2 ou contre un autre adenovirus que l’AD 26 employé dans ce vaccin qui conduit à une immunité délétère.
Les pays nordiques qui ont suspendu cette vaccination ont des habitudes de précautions strictes correspondant à ce que l’on fait d’habitude pour des vaccins. On n’y tolère aucun incident dans une circonstance où jusqu’à présent d’autres pays considèrent que l’on passe en perte et profit quelques incidents sans trop savoir s’ils sont reliés au vaccin ou pas, parce que l’on a besoin de couvrir toute la population rapidement.
Si nous en étions, nous, à pouvoir couvrir toute la population, ce serait une bonne chose, malheureusement, comme vous le savez, nous trainons derrière les autres avec 5 % de la population couverte.
On continuera évidemment de suivre l’évolution avec vous, semaine par semaine, Jacques Cohen. Il nous reste quelques secondes avant de se quitter. Le mieux pour se protéger du virus, ce sont toujours les gestes barrière et je sais que vous aimez insister là-dessus.
J’insiste sur les gestes barrière, j’insiste sur les tests barrière en espérant que nous finirons par disposer de tests rapides décentralisés comme cela est maintenant pratiqué dans de nombreux pays. Par exemple, en descente d’avion à Moscou, vous avez un test qui dure 20 minutes qui est un test génomique sensible de type Lamp. C’est ce que nous devrions avoir par exemple pour les tests barrières dans les écoles, l’inverse de la centralisation des crachats en direction des laboratoires de biologie, des prélèvements faits par leur personnel, etc., ce qui est une situation tout à fait déplorable d’inefficacité logistique.
Merci, Jacques Cohen de nous avoir présenté cette évolution de la Covid-19 avec nous aujourd’hui. On vous sentait un peu essoufflé, rassurez-nous, pas de problème respiratoire chez vous, Jacques Cohen ?
Non, je n’ai aucun problème respiratoire, je porte un masque FFP2! Je n’ai pas enlevé le masque étant dans une coursive d’un bâtiment public, je suis à la FAC et donc ce que vous entendez, c’est probablement ma respiration légèrement modifiée par le masque.
Cela nous rassure et cela rassure les auditeurs. Jacques Cohen, on vous dit à très bientôt, à la semaine prochaine !
À très bientôt et merci de votre sollicitude. J’ai déjà eu une dose de vaccin et j’encourage tout le monde à se faire vacciner ou plus exactement toutes les personnes à risque, car nous n’avons pas de vaccin à gaspiller pour l’instant puisque nous n’en sommes pas à l’objectif de couvrir toute la population, faute de doses.
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