Covid19 un vaccin inerte trimérique chinois prometteur

Chronique du 24 septembre 2021

Sur les ondes de RCF:https://rcf.fr/actualite/chronique-dactualite/embed?episodeId=153270

On retrouve avec nous par téléphone, le professeur Jacques Cohen. Jacques bonjour.

Bonjour.

Et on s’intéresse de nouveau au vaccin contre la Covid-19. Avec une nouveauté annoncée du côté des vaccins inertes par nos amis chinois, qui ont d’ailleurs eu de très bons résultats. De quoi s’agit-il exactement JC ? C’est vous le spécialiste, c’est vous qui allez nous expliquer tout cela.

Je vais essayer. Et bien, les médias chinois et US relayent une grosse nouveauté qui est la fin d’un essai de phase 3 avec d’excellents résultats, non seulement sur la forme courante, mais sur les variants, d’un vaccin inerte ou inanimé, le vaccin Clover . Il est un peu différent des autres. D’ailleurs tous les vaccins inanimés sont différents les uns des autres. Celui-ci est fait d’un trimère de la protéine spike complète, c’est-à-dire la configuration normale du trimère à la surface du virus et il est employé avec un adjuvant, qui d’ailleurs a une origine américaine, de façon à obtenir une bonne réponse. Car il faut que je vous rappelle que les vaccins inertes, en quelque sorte inanimés ont besoin d’un supplément d’âme et donc il leur faut tous un adjuvant et que les adjuvants c’est un sujet compliqué.

Mais avant d’aborder la complexité des adjuvants, nous allons voir la complexité des vaccins inertes. On a tous entendu parler de ce que Sanofi en a presque fait un, et puis que cela a raté et qu’il fallait recommencer. Pourquoi ces vaccins inertes sont compliqués à faire ? Ce n’est pas seulement parce qu’il faut produire les protéines. Pas du tout, c’est parce qu’en dehors des vaccins du virus entier, si l’on veut prendre un morceau ou des morceaux, il y a plusieurs façons de faire. Soit on prend ce qui sert à l’attachement du virus sur la cellule, c’est le fameux spike, la pointe de la couronne du Coronavirus, mais on peut prendre tout le spike ou certains morceaux, des polypeptides. Et puis on peut descendre en taille et prendre de petits peptides, c’est-à-dire des motifs que l’on considère comme les meilleurs pour l’immunisation ou pour éviter certains motifs qui pourraient donner des anticorps indésirables qui renforceraient l’infection, par exemple. Mais plus on descend du virus entier jusqu’à des peptides, moins c’est fort comme immunogène, et donc il faut ensuite trouver des astuces. Alors, une des astuces c’est de coupler ces peptides sur un porteur qui soit une protéine très immunogène et éventuellement vis-à-vis de laquelle les sujets sont déjà immunisés comme l’anatoxine diphtérique, l’anatoxine tétanique, etc… mais c’est compliqué. On peut aussi considérer qu’on veut mettre des motifs, non plus seulement du spike, mais de la nucléocapside pour essayer d’avoir une réponse cellulaire. C’est par exemple un montage comme cela assez compliqué qu’a essayé le vaccin russe Vektor avec comme résultat qu’il ne marche pas ou très mal, parce que ce n’est pas très immunogène comme cela. À l’inverse, les Cubains ont fait un système qui a l’air de marcher, mais il marche parce qu’il y a un bon adjuvant et parce qu’ils choisissent un schéma d’administration à 3 injections.

ramon et zoeller

L’inventeur des adjuvants Gaston Ramon et son assistant Zoeller dans les années 20.

Pour les vaccins inertes ou inanimés, il est habituel que l’on fasse des schémas de vaccination plus longs que 2 fois 3 semaines, on met 1 mois entre les deux premières injections et on met 2 mois avant la troisième. Moyennant quoi, on obtient une immunité beaucoup plus durable dans beaucoup d’autres modèles que le Covid, et je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas pareil.

Ensuite il y a l’adjuvant. Alors, les adjuvants c’est compliqué, ce n’est pas un excipient, ce n’est pas le goût du citron ou de l’orange, l’adjuvant c’est une substance qui aide à la réponse immune, et pour les vaccins inertes elle est indispensable. Alors, il y a beaucoup d’adjuvants et c’est un peu la quadrature du cercle. Plus on a un adjuvant fort, plus il y a d’effets secondaires. Et si on n’a pas un adjuvant assez fort, il n’y a pas assez de réponses. C’est un peu ce qui est arrivé à Sanofi avec son adjuvant issu de chez GSK, et d’ailleurs Clover avait commencé ses essais avec cet adjuvant-là, celui de GSK. Et finalement, ils sont passés à un adjuvant différent, celui de Dynavax. Qui est d’ailleurs utilisé aussi par Valnéva pour le virus entier, mais Valnéva l’emploie associé à de l’aluminium, il en met une petite dose. J’avais l’impression que Clover, ne mettant que cet adjuvant, était obligé d’en mettre une grosse dose et là aussi cela ne nous aurait pas dit si dans le futur, dans la vraie vie, on aurait eu des effets secondaires plus marqués. Mais CLOVER précise sa composition comme SCB-2019 (CpG 1018/Alum). Donc, le même choix que Valneva de réduire le risque de la nouveauté, sans l’annuler totalement.

En effet, on peut dire que le seul adjuvant efficace et éprouvé pour ce type de vaccin, c’est l’hydroxyde d’Alumine employé depuis un siècle. On essaye de faire mieux, et on espère faire mieux, mais cela introduit un élément d’incertitude dans le déploiement du vaccin. Des vaccins protéiques, peuvent aboutir à de mauvaises surprises, les vaccins RNA ou adenovirus n’ont pas le monopole des effets secondaires. Le choix chinois de mettre en oeuvre initialement un vaccin classique fait de virus tué avec un adjuvant classique était un choix privilégiant la sécurité, qui peut être aujourd’hui modifié en prenant son temps, par exemple avec une association d’adjuvants ou une formule protéique plus sélective.

Ramon

Gaston Ramon inventeur des anatoxines et des adjuvants

  

JC, vous nous présentez ces vaccins et leur utilisation, mais est-ce que finalement ils ont tous le même contenu ? La même âme, si j’ose dire.

Ah non, les âmes sont très diverses, vous savez. Et effectivement, entre un spike entier, un morceau RBD, une protéine de liaison cellulaire entière, un segment de liaison uniquement, des peptides, tout cela est très différent. Et comme vous le voyez, non seulement le point initial de l’immunogène est différent, mais la façon de l’associer ou pas, la façon d’utiliser tel ou tel adjuvant font qu’à la sortie à partir du même ingrédient, par exemple du blanc d’œuf, vous avez un œuf sur le plat ou vous avez de la meringue, ce n’est pas du tout pareil. Et donc, chaque vaccin a son petit quelque chose et chaque âme doit être pesée pour elle-même et on doit voir ce qui est efficace ou pas. Et ce qui est sans danger.

JC, quelle va être la finalité de ces vaccins ? Parce que c’est vrai que comme vous l’avez dit, ils arrivent sur le marché chinois avec des très bons résultats. Est-ce qu’on peut les voir débarquer chez nous en Europe, en France ?

Cela va être l’ambition de cette firme que de diffuser à échelle mondiale un vaccin qui a un potentiel de grosse réactivité sur les variants, supérieur aux autres vaccins et en particulier aux vaccins RNA et dont ils peuvent espérer une action plus durable. Alors, comme d’habitude si j’ose dire, l’administration américaine va essayer de poursuivre sa politique de refoulement des Chinois. De même qu’on a vu que des vaccins virus entiers chinois qui ont déjà été administrés en Chine à 1 milliard d’individus, ce n’est quand même pas rien, sont peu diffusés dans les pays développés, ils sont diffusés dans des pays intermédiaires qui les ont acceptés, mais dans les pays occidentaux principaux, la politique de refoulement américaine a fonctionné. Mais là cela va être plus délicat, non seulement parce que c’est un vaccin, comme je vous ai dit, qui est à moitié américain, l’adjuvant est américain et ilen est de même de certains éléments pour fabriquer des trimères. Mais aussi parce que les essais de phase 3 ont eu lieu dans des pays hors influence chinoise comme la Belgique et l’Afrique du sud.

Et donc, arriveront-ils à le bloquer sans avoir l’air de le faire trop ouvertement ? C’est une chose qui reste incertaine. Donc pour l’instant, on peut dire que les Chinois ont bien joué sur deux plans : bien joué pour avoir un vaccin efficace et bien joué pour mettre l’administration US, leur adversaire, dans l’embarras.

On comprend bien avec ce que vous nous dites, JC, que, quel que soit le type de vaccin utilisé parce qu’on a déjà présenté pas mal de vaccins avec vous dans vos chroniques santé, il y a quand même une concurrence commerciale et de marché santé assez importante entre les USA, la Chine, l’Europe et tous ces continents.

Je crois que la concurrence des États-Unis et de la Chine n’est pas totalement sur le marché du vaccin, paradoxalement. Elle est dans le fait que les vaccins sont une diplomatie pour montrer la puissance d’un pays, sa bonne volonté pour distribuer dans des pays qui ont du mal à les acheter ou en fabriquer eux-mêmes, etc… Et donc la question c’est que la politique américaine a nettement changé vers une politique de blocus et de refoulement de l’expansion commerciale ou de l’expansion surtout politique chinoise. Et c’est en ce sens que les vaccins sont utilisés, de la même façon que l’on a fait des misères au vaccin Spoutnik russe qui ne doit pas être bien inférieur, et c’est une litote !, au vaccin AstraZeneca.

Et bien, on vous remercie, Jacques Cohen, de nous avoir éclairés sur ces différents types de vaccins, et notamment, sur cette nouveauté annoncée du côté de la Chine. On aura certainement l’occasion de voir l’évolution et si les bons résultats se confirment très prochainement. À très bientôt, JC.

À très bientôt.

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