Chronique du 1 octobre 2021
Sur les ondes de RCF: https://rcf.fr/actualite/chronique-dactualite/embed?episodeId=156264
Dans la chronique santé, on retrouve le professeur Jacques Cohen. Jacques, bonjour.
Bonjour.
Vous voulez aujourd’hui, nous parler non pas de la Covid-19, ou en tout cas pas directement, professeur Cohen, puisque la France connait actuellement une nouvelle vague épidémique d’autres virus.
Oui, et cela a une conséquence sur l’épidémie de Covid-19, parce qu’il y a une épidémie virale de quelque chose qui est un entérovirus ou un rhinovirus et qui donne des rhumes habituels, des embarras digestifs, des formes neurologiques, et ainsi de suite. C’est intéressant et important parce que les Rhinovirus, par exemple, contre les Coronavirus gagnent toujours, ce sont des virus plus costauds et qui sont éradicateurs. La grippe aussi est un virus éradicateur, quand il y a une épidémie de grippe pendant l’épidémie, il n’y a rien d’autre. Et là, il semble que le Sars-cov-2 rencontre un virus qui le pousse du coude et qui va le luxer dehors, en quelque sorte. Pour combien de temps ? Ça c’est autre chose.

tableau général des picorna virus. virus non enveloppés ils sont généralement résistants dans l’environnement. Ils se moquent des solutions hydro-alcooliques, mais la plupart craignent la soude ou la javel ou certains comme les rhinovirus n’aiment pas du tout l’acidité.
Parce qu’on a vu en début d’épidémie qu’il y a eu un décalage de l’émergence de l’épidémie en France par rapport à la Grande-Bretagne qui était plus précoce ou à l’Allemagne qui était plus tardive ou à l’Italie qui avait 15 jours/3 semaines de décalage, et une grande partie du décalage était lié à l’épidémie de grippe qui avait lieu en France en janvier-février 2020, et qui a tenu en respect, si je puis dire, le Covid jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Lors des épidémies de virus digestifs et respiratoires, on a l’habitude de dire que c’est la grippe chaque hiver, mais il y a une bonne vingtaine au minimum de groupes de virus qui sont capables de donner ce genre de choses. Avec des gravités qui sont, si vous voulez, la plupart du temps pas bien importante ou du moins parce qu’on en a pris l’habitude depuis longtemps. On tolère que les grippes tuent un peu de monde, on tolère que les Metapneumos ou d’autres aient également un peu de casse, alors qu’on ne tolère pas celle du Covid qui est un peu au-dessus, il est vrai, que les choses courantes, mais qui n’est pas dans l’échelle par exemple des grippes graves. Donc, on a l’habitude aussi de dire qu’il s’agit d’un groupe de virus respiratoires hivernaux, saisonniers. Mais ce n’est pas tout à fait vrai. Parce qu’il y a des virus, effectivement à chaque saison froide, mais il suffit, on l’a vu ces temps-ci, de quelques jours d’humidité modérée et de climat tempéré pour voir fleurir et exploser cette histoire d’entérovirus, plus exactement de picornavirus qui est soit un entérovirus, soit un rhinovirus. Je pense, d’ailleurs que c’est plutôt un rhinovirus. Mais il n’y a pas manifestement eu de grandes recherches le concernant et notre épidémio n’est pas très bien faite là-dessus. C’est dommage parce que ce n’est pas seulement décoratif, cela concerne également l’éventualité d’un effondrement, voire d’une disparition du Sars-cov-2 sous l’effet de concurrents au sens strict, c’est-à-dire de virus installés et qui ne lui laissent plus la place. Donc, vous voyez que ce n’est pas quelque chose qui est totalement différent et distinct de la question du Covid et cela rejoint un autre problème qui est : ces virus habituels qui sont-ils ? Quand les voit-on ? On peut les voir en hiver, mais un certain nombre de ces virus sont parfaitement capables d’épidémie n’importe quand, et on a l’a vu avec le Covid19 et le sars-Cov2 qui peut survenir absolument n’importe quand. On n’est pas du tout coincé à une épidémie strictement hivernale, on a vu le Delta en France en plein mois d’août.
Il faut rappeler que les épidémies de polio autrefois, parce que la polio qui a été éradiqué grâce à la vaccination, faut-il le souligner, était un virus sporadique, mais avec des épidémies qui la plupart du temps étaient estivales. Donc, le tableau des virus est beaucoup plus vaste à la fois pour leur nombre et leur type, et pour leur saison que ce qu’on a pris l’habitude de voir à une période où la grippe était hégémonique. On a l’habitude de dire, surtout au vingtième siècle, lors de la plupart des épidémies respiratoires, « c’est la grippe! ». Et ce n’était pas toujours vrai, là maintenant ça ne l’est plus franchement, et cela ne l’a pas toujours été, parce qu’on dispose d’un document extraordinaire qui est une étude en 1780, lors d’une épidémie qui semble bien une grippe, de toutes les épidémies, dites à l’époque épidémies respiratoires catarrhales de 1510 jusqu’à 1780 . On constate que la partie physiopathologique en était folklorique. Les traitements étaient également quelque peu distants de ce que l’on fait de nos jours. On peut cependant noter que le fébrifuge et tonique de confort tout nouveau dans la grippe en 1780, c’était l’écorce de quina quina, la quinine.
Mais au point de vue description clinique c’était très bon. Et ces descriptions cliniques permettent de voir qu’il y avait des grippes et qu’on savait les reconnaître, mais que la plupart de ces épidémies respiratoires n’étaient pas des grippes. Par exemple, Louis XV a été atteint dans une épidémie, je crois que c’est en 1744 je ne le sais plus par cœur, il a été malade pendant 1 mois, il avait attrapé cela à Metz en voyage, il a pensé qu’il avait un risque vital et il était très inquiet. Il s’est beaucoup confessé, il a avoué quelques petits péchés, ses confesseurs lui ont expliqué que la maladie c’était pour le punir, en foi de quoi il a décidé de faire une action expiatoire, et comme il en avait les moyens, l’action expiatoire vous la connaissez, ce fut de construire le Panthéon. On oublie que le Panthéon est dû à une épidémie ou du moins à une victime – et encore un malade n’est pas un décès – de cette épidémie qui était Louis XV. Cette épidémie n’était pas une grippe manifestement. Donc, on a à nouveau un bouleversement et on ne sait pas si on va reprendre un tableau classique avec des grippes annuelles ou si on va avoir de la place pour différentes épidémies d’agents variés, lesquelles peuvent être plus ou moins méchants, il n’est pas obligatoire qu’ils soient très méchants. Bien sûr le Sars-cov-2 et ses variants n’ont pas encore dit s’ils disparaissent ou s’ils vont nous poser encore des problèmes de bouffée épidémique sérieuse avec les variants.
Il n’est pas certain que l’on va voir revenir l’hégémonie des grippes annuelles. L’empire des grippes touche peut être à sa fin, pour laisser place à un monde épidémique plus chaotique !!
JC, vous venez de nous proposer une miniconférence sur les virus saisonniers qui chassent la Covid-19, mais j’ai tout de même une question. Parce que vous l’avez dit, ces virus saisonniers chassent la Covid-19 seulement un temps finalement, mais on n’est pas débarrassé pour autant de la Covid-19. À un moment elle va revenir, peut-être d’une manière différente ? Ou peut-être…
On ne le sait pas. Les bonnes nouvelles arrivent quelques fois, le virus peut très bien disparaître, chassé par d’autres virus. Parce que n’oubliez pas qu’un virus c’est une pauvre petite chose qui ne survit pas hors de sujets et pour le Covid il a moins de 2 semaines quand il rentre chez quelqu’un, il faut qu’il se prépare à déménager parce qu’il faut qu’il se trouve un nouvel hôte. On sait que le sujet va se débarrasser du virus ou éventuellement même mourir, mais enfin c’est rare, mais il ne pourra pas rester durablement dans un même sujet. Il faut qu’il change de sujet en moins de 2 semaines, et pour lui c’est une angoisse parce que s’il est à la rue il ne survit pas, il ne peut pas survivre comme SDF. Cela n’existe pas un virus SDF, du moins pour cette catégorie de virus relativement fragiles, ce n’est pas comme la variole. Et donc, il peut y avoir des événements intercurrents qui ont des conséquences majeures sur la cinétique de l’épidémie, bien sûr, mais aussi sur sa fin. Alors, je ne peux pas vous promettre que l’on va voir survenir cette situation de disparition du virus, fin de l’épidémie ! on en parle plus !, mais cela fait partie des choses possibles, tout autant que des épidémies récurrentes de variants plutôt méchants ou à la fin un virus assagi qui reste dans notre espèce en ayant un comportement voisin des autres virus qui se sont acclimatés chez nous depuis longtemps.
Et comme bien souvent lorsque l’on parle échéance, Jacques Cohen, j’ai envie de dire affaire à suivre. On ne peut pas lire dans des boules de cristal, même si on peut avoir déjà quelques premières indications, on en reparlera sûrement très prochainement avec vous. À bientôt JC.
À bientôt.