Jacques HM Cohen 12 11 2021
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On retrouve avec nous Jacques COHEN pour sa chronique santé. Professeur, bonjour !
Bonjour !
Jacques COHEN, aujourd’hui, on va s’intéresser à la stratégie vaccinale, d’ailleurs, le Président de la République, Emmanuel MACRON, s’est exprimé cette semaine. Il a conseillé aux Français, même presque obligé certains Français, à aller prendre une troisième dose de rappel. Quel est votre regard, Jacques COHEN, sur ce sujet ?
On constate que l’immunité vaccinale diminue, y compris pour les vaccins qui étaient présumés avoir la plus longue durée d’action (les vaccins RNA) et en conséquence, il faut des rappels. La question, c’est quelle population faut-il vacciner avec ce rappel ? Certainement, comme cela a été dit, les sujets de plus de 65 ans. On pourrait nuancer en commençant par regarder si les gens ont encore beaucoup, pas beaucoup ou pas du tout d’anticorps. Mais on fonctionne – vous l’avez vu ces temps-ci – un peu comme autrefois à l’armée « la même chose pour tout le monde à l’entrée ! » Bon, c’est comme cela.

Combattre le virus !
( Hercule contre l’hydre de Lerne. Mosaïque romaine. Musée de Valence ) ©Paul Veysseyre.
Ensuite, la question qui va se poser un peu plus largement c’est que l’on va descendre peu à peu à devoir revacciner tous les gens qu’on a vaccinés, sinon, ce n’est pas très logique de l’avoir fait. Et là, on tombe sur un os.
Comme vous le savez, j’avais dit que la vaccination des moins de 30 ans, en particulier des garçons avec les vaccins RNA, était d’un mauvais rapport qualité-prix et que ce n’était pas justifié, qu’il fallait focaliser sur les sujets à risque dans cette phase d’âge et sur tout le monde au-dessus de 30 ans. Egalement reprendre le problème des très vieux dont une bonne partie n’est pas vaccinée, et là, on a un sérieux trou. Mais ce qui est fait est fait. Maintenant, on a vacciné avec un certain nombre d’incidents. Mais si on ajoute une troisième dose, là, c’est un peu – j’ose à peine le dire sur cette antenne – tenter le Diable, c’est-à-dire augmenter le taux d’effets secondaires. Donc ce qu’il faut regarder, c’est qu’il faudrait vacciner effectivement largement, mais il ne faudrait pas forcément le faire en vaccin RNA. Nous nous sommes laissés enfermés à n’avoir que des vaccins RNA. Les vaccins inertes, c’est-à-dire virus entier ou polypeptide Spike, existent ailleurs. Il y en a même un aux États-Unis qui n’a pas été autorisé sur place, mais qui l’est à l’export. Et puis surtout, il faut regarder ce qu’il se passe ailleurs. Il y a chez nous une discussion pour savoir s’il faut descendre en âge et vacciner les enfants à partir de 5 ans, etc. En Chine, la question ne se pose pas. Tout le monde est vacciné à partir de 2 ans en virus entier tué, un vaccin extrêmement classique qui a beaucoup moins d’incidents et d’effets secondaires que les autres. Ils ont quand même déjà dépassé le milliard d’individus vaccinés ainsi. Il faudra probablement une troisième dose. La question se pose de savoir s’il faut la faire avec la même chose ou avec un boost de RNA, c’est ce qu’ils sont en train de regarder. Les Indiens ont aussi fabriqué plus d’un milliard de doses en virus entier tué, et je crois qu’ils ont vacciné à peu près à 500 millions de personnes. En zone occidentale, il n’y a, en virus entier tué, que VALNEVA. Pendant très longtemps, on les a totalement snobés, c’est une boite Franco-Autrichienne, je vous rappelle. Les Anglais en avait pris et finalement ont dit qu’ils avaient assez d’autres choses, que ce n’était plus la peine. Et enfin, l’Union européenne vient de passer un accord de précommande après une négociation qui a duré – excusez du peu – de janvier à novembre pour, je crois, 27 millions de doses en 2022 et autant plus tard. Ce n’est qu’un début, je pense, parce que cela va partir comme des petits pains. Parce que c’est la solution pour pouvoir vacciner les jeunes, et que l’on devrait se remuer pour faire une nouvelle usine ou demander à des fabricants classiques qui ont de grosses capacités de production, comme SANOFI, de produire ce vaccin en masse. Donc là, j’espère que l’on va mettre le deuxième pas après le premier et que l’on va s’engager à disposer d’un vaccin tué qui permettra de revacciner les sujets fragiles, de vacciner et revacciner les jeunes à partir de 2 ans. Pour l’instant, on n’en est pas encore là au point de vue doses. La seule solution, c’est le RNA puisque c’est la seule chose dont on dispose, de façon regrettable, mais c’est ainsi. Il faut que les gens aient un rappel en RNA de façon à garder une bonne immunité.
Jacques COHEN, vous dites que c’est regrettable que l’on dispose seulement de vaccins RNA, pourtant, si c’est le choix qui a été fait, c’est parce qu’à l’exemple que vous donniez en Chine ou en Inde, il parait que ce sont des vaccins qui marchaient beaucoup moins bien. Alors qu’en est-il selon vous ?
Les vaccins inertes, on sait que leur schéma idéal n’est pas deux fois à trois semaines d’intervalle. Le schéma idéal c’est trois fois avec un mois d’écart la première fois puis deux mois d’écart la seconde et enfin, un rappel entre six mois et un an. C’était donné comme un défaut décisif et rédhibitoire par la presse occidentale, mais maintenant que l’on sait que les RNA au bout de six mois commencent à descendre sérieusement, je trouve que cet écart n’est plus si majeur entre les deux types de vaccins.
Alors justement, Jacques COHEN, vous nous parlez de cette comparaison entre deux types de vaccins. Toujours est-il, les vaccins, est-ce que cela peut au contraire faciliter l’infection quelque part parfois ?
Dans d’autres maladies, c’est arrivé. Cela arrive pour la Dengue entre les 4 sous-types, c’est arrivé pour des Coronavirus chez l’animal, chez les poulets par exemple. Pour le SARS-CoV-2 (la Covid), ce n’est pas arrivé jusqu’à présent, mais cela ne veut pas dire que ce soit totalement exclu si un variant changeait l’équilibre entre les anticorps protecteurs et les anticorps facilitants reconnaissant des parties différentes du Spike. On peut imaginer des mutations sur le Spike qui abolissent les anticorps protecteurs et qui laissent persister les anticorps facilitants, parce qu’il y en a un petit peu, mais pour l’instant la balance est largement dans l’autre sens. D’autre part, on peut essayer de faire des vaccins avec des peptides et éviter la zone dans laquelle il y a des anticorps facilitants. Mais cela demande du travail et c’est plutôt le développement de vaccin de seconde, voire de troisième génération, sur lesquels on devrait travailler dès maintenant. Pour l’instant, encore une fois, c’est un problème qui ne s’est pas posé, nous avons eu de la chance, il faut le dire, dans cette vaccination à la fois sur un taux d’effets secondaires des RNA qui est acceptable en épidémie grave, qui ne le sera pas forcément très longtemps et avec une efficacité remarquable à court terme, ce sont déjà de très bonnes nouvelles que nous avons eues.
Jacques COHEN, à défaut de disposer d’autres outils en attendant, il y a eu cet appel à la vaccination pour une troisième dose, notamment chez le public de plus de 65 ans. Vous encouragez tout de même les personnes à aller faire ce rappel ?
Bien sûr ! Comme je vous le dis, on pourrait nuancer par le taux d’anticorps résiduel, mais si on n’en dispose pas, il vaut mieux revacciner et chez les sujets de plus de 65 ans, les complications graves des vaccins RNA que l’on voit chez les sujets jeunes sont très rares. Il y a probablement d’autres petites choses, mais quand on compare aux dangers de la maladie, il n’y a pas photo, c’est ça qu’il faut prendre comme logique. Les vaccins actuels ne sont pas parfaits, mais la maladie ne pardonne pas ou pardonne rarement en fonction de l’âge et d’un certain nombre de problèmes. Non seulement il faut vacciner et revacciner les sujets âgés, mais en dessous de 65 ans et même en dessous de 30 ans, les sujets qui ont un facteur de risque, que ce soient les trisomiques qui ont un très fort facteur de risque ou les déficits immunitaires, les surcharges pondérales, les diabètes, tous ces sujets-là, même jeunes, doivent être vaccinés convenablement et donc revaccinés au besoin. Parce que certes, il y a des risques, mais chez eux, la maladie est un risque bien plus considérable.
Cela ne vous gène pas qu’on impose des choses différentes en particulier côté pass selon l’âge, en inactivant le pass des sujets de plus de 65 ans sans rappel au 15/12 ?
Pas du tout. Parce qu’on a toujours fait ainsi avec des contraintes pour le bien public qui se sont pas forcément les mêmes pour toute la population. Même parfois pour des choix altruistes sans bénéfices directs. Je vais prendre un exemple dans l’autre sens. Personne n’a jamais présenté comme une discrimination le service militaire qui appelait les jeunes et envisageait qu’ils puissent se faire trouer la peau pour la collectivité ! En revanche, je trouve tout à fait anormal qu’on se soit laissé enfermer à ne disposer d’ici là que de vaccins RNA, quand il y a largement sur la planète des vaccins avec moins d’effets secondaires.
Avec une dernière question avant de se quitter, Jacques COHEN, c’est vrai qu’il y a ce vaccin contre la Covid avec une épidémie qui est en train de reprendre notamment en Europe et en France, mais en parallèle de cela il y a les autres virus de l’hiver, on pense à la grippe, la campagne vaccinale a également commencé, est-ce que c’est possible de cumuler vaccin Covid + vaccin grippe en un laps de temps assez réduit ?
Il y a eu des recommandations de les faire en même temps, cela me parait un peu exagéré puisque cela potentialise les effets secondaires, je pense. Mais si on s’écarte de plus de huit jours, il n’y a aucun problème, il faut faire les deux.
Et bien les conseils sont bien donnés. Un grand merci, Jacques COHEN, de nous avoir éclairés sur les stratégies vaccinales. On se retrouve très bientôt !
À très bientôt !