Jacques Cohen 16 12 2021
Sur les ondes de RCF: Lien
On retrouve avec nous par téléphone le professeur Jacques COHEN. Jacques, bonjour ! Bonjour !
On avait commencé à parler il y a quelques semaines du variant Omicron et on en sait un peu plus désormais sur lui. Cela va être l’objet de votre chronique d’actu du jour, on va parler de ce que l’on sait. D’ailleurs, Jacques COHEN, sur les différents scénarios par rapport à ce variant Omicron, on entend beaucoup de choses plus ou moins vraies, qui paraissent plus ou moins possibles, qui sont très différentes. Quels sont les extrêmes de ces différents scénarios finalement, Jacques COHEN ?
Alors, nous allons commencer par le scénario rose, de ceux qui pensent que le virus va inéluctablement s’atténuer à la longue s’il reste longtemps parmi nous. Certains pensent que c’est arrivé et qu’Omicron représente le scénario rose parce qu’il est très contagieux, il va envahir et repousser tous les autres et il donne très peu de formes cliniques graves. Ainsi, nous aurions enfin le variant bénin qui balaye l’épidémie. C’est un scénario rose qui n’est pas exclu, mais qui n’est nullement certain.
Le scénario noir est dans l’autre sens, c’est-à-dire qu’Omicron est peu sensible au vaccin. Il est donc capable de donner plus de formes graves puisque l’on constate que les formes graves étaient jusqu’à présent limitées par la vaccination dans la vague Delta que nous subissons actuellement, donc Omicron pourrait en donner beaucoup plus.
D’autre part, comme il est beaucoup plus contagieux, il peut monter avec un front plus raide et donner un pic plus étroit, et qui dit pic étroit, dit quelques jours de saturation hospitalière, où on fait sauter la banque.
Ça, c’est le scénario noir. Du point de vue des délais, là aussi, il y a des incertitudes. Est-ce que ce pic sera juste derrière Delta en tout début janvier ou beaucoup plus tard ? Parce qu’il y a également pas mal de facteurs que l’on ne peut pas maîtriser du tout. Le premier, c’est que ce virus est instable, ce variant est même très instable. Les Britanniques ont déjà trouvé des variants du variant et je vous rappelle que, par exemple, la diffusion pandémique de l’épidémie vient initialement d’un petit changement, d’une seule mutation qui, dans le premier mois de l’épidémie de Wuhan, l’a rendu beaucoup plus contagieux et a balayé la souche d’origine et il est probablement d’ailleurs un petit peu moins mortel que ne l’était la souche de départ. Vous voyez qu’il suffit de pas grand-chose pour que le comportement du virus change et qu’il y en ait des retentissements sur l’épidémie. On peut rajouter d’ailleurs – cela relativise tout ce qui est fait in vitro et encore plus les modélisateurs d’interactions – qu’Omicron, dans la vraie vie, a balayé Delta (cela s’est passé en Afrique du Sud) extrêmement vite et c’est en train de se passer en Grande-Bretagne et probablement chez nous. Il est donc très efficace sur le terrain, alors que dans les prédictions, son Spike s’attache beaucoup moins bien aux récepteurs que celui de Delta. Vous voyez donc qu’il ne faut pas être trop réductionniste sur les capacités de diffusion d’un variant viral.
JC, vous nous avez apporté quelques éléments déjà en parlant de ces différents scénarios en passant par les extrêmes du rose au noir comme vous les avez nommés, mais comment explique-t-on qu’il y ait tant d’écart entre les différents scénarios, même si l’on a bien identifié qu’il y avait des incertitudes avec vous, JC ?
Parce qu’une épidémie, c’est un phénomène cataclysmique qui comporte des amplifications et puis il peut y avoir des tas de choses, par exemple, les interactions des autres virus respiratoires. Vous savez que certains virus respiratoires sont balayés par le coronavirus, d’autres, au contraire, prennent la main et ne lui laissent pas la place tant qu’ils font leur tour de piste, c’est ce qui avait décalé l’épidémie en France en début 2020 par rapport à l’Italie par exemple. Là, on ne peut pas du tout savoir si la grippe par exemple va retarder l’épidémie d’Omicron ou au contraire, devoir céder devant lui. Tout cela donne beaucoup d’incertitudes d’autant plus que par rapport à la vaccination, on sait déjà, du moins in vitro – et cela n’est quand même pas totalement solide – que les sujets vaccinés depuis longtemps redeviennent sensibles à Omicron et que les rappels récents diminueraient cette sensibilité, mais de combien ? Nous n’en sommes pas certains. Donc là aussi, il y a énormément de différences possibles, d’autant que l’immunité antérieure par maladie et non par vaccination, on ne sait pas si elle est un peu meilleure ou pas du tout qu’une immunité vaccinale vis-à-vis d’Omicron. Vous voyez que l’on a énormément d’incertitudes sur Omicron. Pour l’instant, ce que l’on peut dire, c’est que nous venons de passer le sommet du pic Delta, il est donc encore loin d’être descendu. Le rappel vaccinal est efficace contre Delta, il a des chances de servir aussi un peu ou plus ou moins contre Omicron, c’est donc la seule chose que l’on peut faire. Les vaccins contre Omicron, le temps qu’ils arrivent, le pic sera passé, sauf vraiment si on avait la chance qu’une maladie virale intercurrente retarde le pic d’un mois ou deux. Pour l’instant, les Anglais pensent qu’il sera plutôt, dès le début janvier, accroché à celui de Delta. On peut imaginer un mois de décalage, mais en tout cas, il est peu probable qu’il attende avril pour que le vaccin contre Omicron soit disponible.
JC, on va s’éloigner peut-être un peu d’Omicron dans cette fin de chronique, mais c’est quand même votre dernière sur l’antenne de RCF pour 2021. Est-ce qu’Omicron va passer les fêtes avec nous ?

Appétissant, mais beaucoup moins tout seul…. Faites vous tous tester juster avant chaque rassemblement familial ou festif !
Comme invité clandestin, probablement, comme invité vedette, peut-être pas encore. En tout cas, c’est l’occasion de rappeler que pour Delta et encore plus pour Omicron, les principales mesures sont la distanciation sociale et les tests. Il ne devrait pas y avoir de réunions de famille avec des personnes âgées où l’on n’ait pas testé tout le monde la veille ou le jour même. Ceci est tout à fait important. La meilleure chose, c’est d’écarter tout sujet porteur et c’est la politique de tests systématiques pour les grandes occasions, mais j’espère que plus tard, il y aura à nouveau des tests systématiques une fois ou deux par semaine, qui peuvent contribuer à aplatir les courbes, à diminuer et à limiter la diffusion.
En tout cas, un grand merci, JC, de nous avoir éclairés tout au long de l’année et aujourd’hui plus particulièrement sur ce variant Omicron. On vous retrouve en 2022 avec des nouvelles chroniques d’actualité et certainement des nouvelles chroniques santé puisque d’ici les prochaines semaines, cela risque de bouger pour la Covid-19 et aussi pour ce variant Omicron. À très bientôt, JC !