Covid-19: des nouvelles du front du pic

Chronique du 10 décembre 2021

Sur les ondes de RCF: @ lien

Avec nous on retrouve par téléphone le professeur Jacques Cohen pour sa chronique d’actualité. Bonjour professeur.

Bonjour.

Et on continue de s’intéresser à la Covid-19 avec des nouvelles du front, si j’ose dire, et notamment une première question, JC, sur les vaccins. C’est vrai qu’au moment où on milite pour la troisième dose, JC, on est en droit de se demander est-ce que les vaccins protègent vraiment ?

Les vaccins protègent pour l’instant des formes graves d’une façon franchement significative. C’est une chose importante à dire, car les vaccins protègent beaucoup moins contre la contamination, mais la plupart des vaccinés font des formes très atténuées par rapport à ce qu’ils auraient fait, compte tenu de leurs facteurs de risque, sans avoir reçu le vaccin. La vaccination ne réduit pas suffisamment la diffusion virale pour éviter les pics, là-dessus nous sommes tout à fait déçus, mais cela fait plusieurs mois qu’on s’en doute, cela a des implications sur les choix de stratégie vaccinale, mais ce n’est pas ce que nous traiterons aujourd’hui.

Donc, la diminution de la contagiosité par le vaccin qui pourrait être utilisée pour contribuer à l’éradication ou à diminuer la densité virale en période de basses eaux, quand il y a peu de circulation (en période de pic cela ne sert pratiquement à rien puisque la réduction ne dépasse pas l’ordre de 50%). En revanche, pour ce qui est de la gravité de la maladie, là, la chose est tout à fait nette. Si on regarde les statistiques de patients en réanimation ou sous oxygène, il n’y a pas photo, la réduction est de l’ordre de 10 fois, mais elle n’est pas homogène quand je dis 10 fois parce qu’on réduit beaucoup moins les formes graves chez les sujets en mauvais état que sur des sujets en assez bonne santé. Donc là aussi, il ne faut pas infantiliser la population : les sujets très âgés, fragiles, ou avec des raisons de mal répondre au vaccin, restent vulnérables malgré le vaccin et il faut prévoir des stratégies de protection pour eux qui soient différentes, basées en grande partie sur la distanciation sociale et j’espère bientôt sur les anticorps ou les médicaments en tout début d’infection. Mais malheureusement pour l’instant, on ne dispose que de quantités misérables d’anticorps monoclonaux. Les médicaments eux, il n’y en a pas du tout en France, et nous sommes là dans cette vague, je l’espère pour la dernière fois, où nous n’avons guère de moyens d’intervention.

JC, on le répète semaine après semaine, mais prenons en compte ces éléments. Vous restez tout de même un médecin favorable à la vaccination ?

Par définition. Vous savez, je vous ai toujours dit qu’un immunologiste anti-vax c’est aussi rare qu’un boucher vegan. Même si je n’aurais pas vacciné les hommes de moins de 30 ans avec des vaccins mRNA.

JC, on continue avec vous de balayer cette chronique et l’actualité Covid-19, vous parliez justement du pic, si on balaye la cinétique de cette crise sanitaire, où en est-on en ce moment ?

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Avalanche de neige ou nuage inoffensif ?

Alors, on est dans la montée à front raide du pic qui va bientôt culminer. Alors, vous allez me dire si c’est à 8 ou 10 jours près pour le sommet, ce n’est pas bien important. Et bien si, parce que quand on est en phase de montée raide, quand on monte vite, et bien si on monte 8 jours de plus, on monte beaucoup, beaucoup plus haut. Et donc par rapport aux capacités hospitalières, en particulier, c’est quelque chose de tout à fait sensible et il est très difficile de prédire au jour près le sommet du pic, mais c’est quelque chose qui est important, car comme vous le savez, notre principal problème pour le système de santé, il est dans les capacités hospitalières. Et ce qui est vraiment d’une grande tristesse c’est que ce n’est plus en lits ni en matériels que les problèmes se posent, mais en personnels, et beaucoup moins d’ailleurs en médecins parce qu’on pourrait en trouver en cherchant bien, qu’en infirmières et en aides-soignantes. Là il y a une mauvaise appréhension des éléments critiques qui conduit à une situation qui pour l’instant est maîtrisée et qui a de très bonnes chances de le rester si le pic s’arrête dans moins de 8 jours, mais s’il monte encore pendant deux semaines, là on va tomber sur des difficultés majeures.

Et comment peuvent être évitées et anticipées ces difficultés, JC ?

Comme toujours, anticiper, cela veut dire réfléchir à l’avance ! Et il y a beaucoup de choses que l’on fait en urgence quand il fallait y penser bien avant. Là j’ai un exemple qui peut paraître assez étonnant, la dernière circulaire de la DGS reçue hier indique qu’on a identifié l’une des raisons des difficultés des établissements privés pour contribuer au maximum de leurs capacités à écluser la vague si elle monte. Et bien, c’est que les praticiens de ces établissements sont libéraux et que si on déprogramme leurs interventions leurs recettes s’effondrent instantanément. Donc le civisme aux dépens d’une très grosse perte de revenu c’est toujours difficile à obtenir et il vient d’être décidé qu’on les indemniserait. Alors, le décider maintenant c’est peut-être quelque chose auquel on aurait pu penser avant.

JC, justement lorsque l’on parle d’anticipation et puis que l’on essaye de tirer un peu les plans sur la comète pour savoir comment agir, on a commencé à en parler la semaine dernière avec vous, il y a un variant qui est plus que jamais dans les cartons, c’est Omicron. La situation s’accélère avec ce variant, JC ?

Alors il reste énormément d’inconnu sur Omicron, en particulier sa dangerosité, mais les données de Grande-Bretagne sont très nettes, il est très contagieux y compris en Grande-Bretagne, donc il a des chances de l’être chez nous. Il est beaucoup plus contagieux que ne l’ont été tous les précédents variants, c’est-à-dire qu’il passe de l’un à l’autre beaucoup plus rapidement. On n’était pas sûr qu’il puisse s’installer hors de l’Afrique du Sud, et bien si, sa contagiosité est établie. En revanche, sa dangerosité, je viens de vous le dire, n’est pas totalement établie et surtout il est instable, on a déjà un variant du variant qui a été identifié en Grande-Bretagne. C’est l’occasion de dire que nous sommes à la traîne au point de vue détection et séquençage. Il y a une espèce de malédiction française qui est que l’on fonctionne sur les dispositifs existants, les positions acquises et leurs défenses par les différents lobbies. Et on n’a donc pas été capable de mettre en place des capacités de séquences majeures permettant de suivre l’épidémie beaucoup mieux, pour faire court, tel que la Grande-Bretagne le fait. Donc on sait par la Grande-Bretagne, mais on ne sait pas chez nous, mais il y a toutes les chances de penser que c’est pareil, qu’Omicron se répand très vite avec un temps de doublement qui est à peine de 3 jours. Donc cela ne donne pas d’idées sur la montée d’Omicron, jusqu’où il ira, s’il fera un pic ou pas et sur sa dangerosité, mais c’est quand même un signe d’alarme majeure qui est à retenir. Et d’autre part, il est à peu près certain qu’Omicron passe beaucoup plus facilement à travers le vaccin ou les vaccins que ce n’était le cas pour le variant précédent. Donc, nous avons un pic qui pour l’instant est du Delta, la question est de savoir si nous aurons un pic relativement vite, c’est-à-dire tout début janvier en Omicron ou s’il va prendre le temps habituel d’un variant pour se répandre qui est d’environ 2 mois et demi, mais c’est quelque chose qu’il faut suivre, et l’ennuyeux c’est qu’on est pour l’instant totalement incapable de le suivre efficacement chez nous.

Et d’ici là, JC, quelle attitude avoir lorsque l’on est dans l’incertitude comme cela ? Parce que c’est vrai que de fait, on se dit on essaye d’anticiper sur ce variant qui pourrait arriver chez nous, mais en même temps il n’est pas encore là. Donc comment se positionner face à ce variant ?

Et bien, il faudrait quand même améliorer un tant soit peu nos moyens de détection d’une part. D’autre part, nous en sommes à attendre les modifications des vaccins, mais cela, ça va arriver malheureusement trop tard à nouveau, c’est-à-dire une fois que le pic sera déclenché et voir passé. Sur les médicaments, et bien, il faudrait quand même là aussi insister pour essayer d’en avoir, organiser la production puisqu’il y a deux médicaments, il y en a un qui est nettement meilleur que l’autre, c’est celui qui fonctionne comme inhibiteur de la protéase virale, mais pour l’instant on n’est pas parti sur un rythme qui nous permette d’en disposer en France à temps. Donc, ce qui reste par définition, c’est la distanciation sociale et le dépistage, qui sont des choses très importante.

Et comme bien souvent, Jacques Cohen, pour en savoir plus en matière de médecine, affaire à suivre, à voir comment la situation évoluera. A très bientôt professeur.

À très bientôt, car comme vous l’avez vu, il y a beaucoup de choses à dire et nous n’avons pu aborder que certains points très rapidement aujourd’hui.

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