Chronique du 31 janvier 2020
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Avec nous en direct par téléphone Jacques Cohen. Bonjour Jacques.
Bonjour.
La semaine dernière, on parlait de ce coronavirus qui était en train d’envahir la Chine, d’envahir le monde, une semaine plus tard, il est l’heure d’un nouveau bilan. Avec un bilan qui s’alourdit, des cas mortels, des personnes incubées, des personnes qui ne le savent pas. Où en est-on Jacques Cohen si on fait le point ?
Alors, il y a une présentation catastrophique qui est la présentation par le nombre de morts, mais celui-ci doit toujours être mis en comparaison du tableau général, parce que l’on ne voit que la pointe de l’iceberg. Les morts sont donnés par rapport au nombre de malades déclarés hospitalisés, on est dans l’ordre de 2-3%. On est très en dessous du SRAS initial celui de Hong-Kong, et encore plus de celui du Moyen-Orient, mais ce n’est pas le paramètre le plus pertinent. Il y a probablement, comme dans la plupart des maladies infectieuses virales, des porteurs sains et des formes très bénignes. Entre les porteurs sains et les formes très bénignes, il y en a souvent un grand nombre de contaminés.

Sources de rhume bénin ou redoutables tueurs, tous les CoronaVirus ont la même tête !
C’est dans le cas de la grippe, par exemple, un tiers de la population généralement est qui est porteuse de virus et pourtant seuls quelques pour cents seront malades et parmi lesquels il y aura bien sûr des morts. Mais si l’on revient donc à notre Corona, nous ne savons pas combien il y a de porteurs et cela relativise. De l’ordre de 100 000 personnes quand on est encore à moins de 500 morts. Cela ramène la mortalité de 2% à l’échelle du pour mille. Et l’autre élément tout à fait important qui manque, c’est la contagiosité. Alors, déjà, on sait que la contagiosité peut commencer sans qu’il y ait de signes cliniques et que les signes cliniques peuvent apparaître après. Ce qui veut dire probablement que des formes bénignes peuvent s’aggraver. Mais cela veut dire aussi qu’il y a certainement beaucoup de formes bénignes, qui ne s’aggravent pas, mais qui sont contaminantes. Et donc, le paramètre le plus crucial sera finalement la météo, c’est-à-dire le temps qu’il fait et la sensibilité ou pas du virus chez les porteurs sains à rester dans le nez selon qu’il fait plus froid ou moins froid. Ces virus sont souvent des virus de zone tempérée et humide, ou chaude, humide et poisseuse. Et je pense que s’il y a quelques jours de froid sec tout cela disparaîtra. Donc, concernant la diffusion mondiale, il s’agit d’un virus relativement contagieux, semble-t-il, à proximité en interhumain, c’est maintenant établi, mais est-ce que ce sera le cas sous tous les climats ? Ce n’est pas certain. Et donc, la diffusion en foyers mondiaux est plausible, sa mortalité reste incertaine, mais probablement basse, et on doit prendre comme comparaison la grippe bien sûr.
J’allais dire justement, si on prend la grippe saisonnière et si on revient en France, le coronavirus, 5 infections en France sur 67 millions d’habitants et d’après un article de nos confrères du Monde déjà 22 morts de la grippe saisonnière en France cette année. Donc, la grippe saisonnière est finalement peut-être plus inquiétante que le coronavirus ?
Elle est beaucoup plus grave, mais c’est beaucoup plus que 22 morts, ce sont les cas aigus déclarés. Il y a une deuxième façon de faire, il faut regarder la mortalité mois par mois et on s’aperçoit que les grippes annuellement ratissent, si je puis dire vulgairement, 8-10 000 personnes les bonnes années, 20-30 000 les mauvaises années. Et d’autre part, c’est un virus dont la contagiosité est moyenne, c’est de l’ordre de 1,5 à 2 contaminés par premier cas et c’est pour cela que le vaccin est efficace, parce qu’il casse la chaîne de contamination, même si individuellement il ne protège pas totalement et atténue la gravité. J’en profite pour rappeler qu’il est utile et nécessaire de se vacciner contre la grippe.
Alors, en comparaison, on ne sait pas encore quelle va être la diffusion du coronaV, en fonction de cela on va voir s’il prélève sa dîme si je puis dire, à une échelle qui a toutes les chances d’être légèrement inférieure à celle de la grippe ou si c’est une épidémie qui ne tourne pas à une pandémie. La grippe elle-même dans ses années les plus tranquilles ne descend jamais en dessous de 5 à 8 000 morts, si on prend en compte les personnes âgées. Et parmi les sujets jeunes, il faut voir que la grippe tue également par surprise, des sujets jeunes en pleine santé sans facteurs de risques particuliers, dont les poumons sont détruits en 2 jours. Ce sont ceux que l’on met sous circulation extracorporelle, mais même dans ces cas-là, il y a environ 50% de mortalité.
Cette grippe, il faut s’en méfier de fait ? Comment fait-on pour la combattre ? Vous avez évoqué le vaccin, c’est utile, il est encore temps de se faire vacciner ?
Bien sûr, ceux qui ne le sont pas peuvent toujours se faire vacciner, encore une fois la protection individuelle n’est pas complète, mais comme bénéfice individuel il y a généralement de l’atténuation. Il y a une grosse différence entre avoir le nez qui coule et un peu de fièvre et se retrouver en réanimation sous respirateur. Et donc, pratiquement constamment, même quand la protection individuelle est incomplète, il y a une atténuation de la maladie, et d’autre part et c’est très important, même le plus important vu la contagiosité moyenne de la grippe, la chaîne de contamination est enrayée quand la population est vaccinée, les gens ne restent pas suffisamment longtemps porteur dans le nez pour en passer à leurs voisins, etc. C’est très différent, par exemple, de la rougeole ou de la variole. La rougeole pour donner un ordre de grandeur, c’est 10 fois plus contagieux que la grippe. Le coefficient que l’on utilise, c’est généralement une douzaine ou une quinzaine de contaminés par cas, tandis que la grippe c’est 1,5.
Je reviens sur ce parallèle entre la grippe saisonnière et le coronavirus, on voit en Chine à l’autre bout du monde des queues infernales dans les pharmacies pour porter des masques, est-ce que ces masques peuvent être utile pour ne pas transmettre le virus ou se protéger de l’attraper ?
Eh bien, on pourrait faire vivre les gens en scaphandre du 1er janvier au 31 décembre, c’est un petit peu le problème. Il est certain qu’il faut des masques pour les porteurs de virus, pour les gens qui ont des symptômes respiratoires même si on ne sait pas très bien de quels virus ils sont porteurs. Est-ce que toute la population doit se promener avec des masques qui, de toute façon, ne sont pas efficaces très longtemps ? Parce que normalement ces masques sont conçus pour fonctionner environ 1h ou 2, peut-être 4h au maximum, mais ensuite ils n’arrêtent plus grand-chose. Donc, le masque n’est pas non plus une panacée, c’est quelque chose qui doit être porté soigneusement dès que les gens sont en situation, j’allais dire, de risque accru.
Donc finalement le mieux aussi pour ne pas être contaminé c’est les précautions du quotidien ? C’est un peu banal de le rappeler, mais c’est se laver les mains, c’est ce genre de gestes où il faut prendre ses précautions.
Bien sûr, et d’autre part, ne pas éternuer à la figure des gens. Et hélas, je crois aussi qu’il faut en cette saison au moindre doute arrêter de se faire la bise.
Je vous sens un peu traumatisé par le fait qu’il y ait eu des éternuements à votre visage récemment ?
Euh non, cela m’arrive couramment quand je vois des malades. Et puis je suis un peu, là-dessus, fataliste et même j’ai l’impression que j’ai été malade parmi les premiers, je parle de la grippe bien sûr, pas du corona et que donc de ce côté-là je suis à peu près paré.
Merci beaucoup Jacques Cohen, et on vous souhaite évidemment de n’attraper ni la grippe une nouvelle fois cette saison ni le coronavirus, encore moins. Merci beaucoup, Jacques Cohen, à très bientôt.
Bonne santé à tous.