Grippe ou Covid-19 : « Que Choisir » ou la prévision de l’épidémie

 

JHM COHEN 10 3 2020

Si « Que Choisir » faisait un banc d’essai comparatif de la Grippe et du Covid-19, ses évaluateurs auraient bien du mal !

La Grippe est bien connue, mais pourtant déjà difficile à utiliser comme référence : Même si on écarte les grippes historiques type « grippe espagnole » dont la mortalité a dépassé le 1/1000 de la population mondiale, la grippe tue de façon variable, de 2000 à 20000 personnes en France les bonnes ou les mauvaises années soit 3/100 000 à 3/10 000 de la population générale. Mais en fait de façon très inégalitaire et variable selon les années. Le plus souvent des très vieux. Mais parfois ceux-ci sont au contraire protégés par une immunité ancienne. En 2019 la grippe a tué un peu plus de 8000 personnes en France. Cette année, l’originalité est qu’il y a des décès chez les enfants de moins de 15  ans ce qui est assez rare. Mais on ne peut encore les quantifier avec précision.

Qu’en est il pour le Covid-19 ?

Le seul foyer permettant un recul et des effectifs raisonnables est celui de WuHan 12 millions d’habitants et de toute la province du Hubei environ 66 millions, comme notre pays donc. L’épidémie y est en régression ce qui permet d’établir un bilan. Mais sa transposition ne peut être certaine : en Corée du sud par exemple, l’épidémie semble plafonner à un échelle bien moindre. A moins qu’il n’y s’agisse de prodromes d’une épidémie encore à venir.

Une autre gageure est l’extraordinaire différentiel de mortalité selon l’âge et semble t il le tabac. Globalement 1.4% des hospitalisés, mais aboutissant à 20 % de décès au-delà de 80 ans en Chine. Et sans aucun décès en dessous de 10 ans. Dans cette dernière catégorie, la grippe est indiscutablement plus mortelle que Covid-19. Chez les vieux et les personnes fragiles, le match est incertain.

De plus, les populations âgées chinoise et occidentales ne sont pas comparables : les octogénaires chinois sont proportionnellement moins nombreux mais ont dû survivre à la guerre sino-japonaise, l’occupation et la longue marche, à la guerre civile, au grand bond en avant, à la révolution culturelle,… Ce qui a certainement sélectionné des durs à cuire !! La principale incertitude de mortalité chez nous concerne leurs contemporains, relativement bien médicalisés en Ephad, et tenus souvent la tête à peine hors de l’eau par le traitement de leur hypertension, de leur diabète, de leur surpoids, de leurs insuffisances cardiaque, respiratoire, ou rénale.

Pourquoi les chiffres de mortalité des cas de Covid-19 diagnostiqués ou hospitalisés sont sans grande valeur ?

Parce que non seulement les tests ne diagnostiquent que les porteurs à un instant t et nullement la prévalence, mais parce que l’échelle du testing varie selon les pays. Les coréens qui ont réalisés les tests les plus massifs en ont réalisé 140 000 tandis que les USA affichent le taux de mortalité le plus élevé en n’ayant réalisé jusqu’à la semaine dernière que 1250 tests ! Tout cela ne permettant nulle part une étude de prévalence. Quant aux hospitalisés, ils l’ont été en Chine sur une logique d’éradication en enfermant les malades, refusant qu’ils restent à domicile. Même si tous n’ont pas obéi loin de là, les 80% d’hospitalisés « bénins »  ne le seront pas chez nous.

Les seuls éléments fiables sont la mortalité rapportée à la population générale exposée et la structure des cas, de bénins à sous assistance respiratoire. Si on met entre parenthèse la question des plus de 75 ans.

On constate à WuHan, parmi les hospitalisés 5 % des patients en soins intensifs dont 3 % sous O2 et ventilation au masque, et 2 % intubés sous respirateurs. Les circulations extracorporelles ( ecmo ) ont été anecdotiques ( 5/1000 ) et il n’est pas sûr que nous en ayons beaucoup plus qu’eux pour les cas très graves où la ventilation artificielle ne suffit pas. Ni qu’on puisse ainsi grand-chose quand les poumons sont détruits.

Lorsqu’on convertit en nombre de patients par million, ce qui au fond est à  l’échelle de la zone de« chalandise médicale » du chu de Reims on doit attendre 200 patients en soins intensifs dont 60 sous respirateur. C’est une lourde charge mais gérable si le pic ne se produit pas sur 3 à 5 jours. Et si le tri d’amont parmi un millier de patients n’est pas trop chaotique et capable d’extraire vite les cas graves de la cohue.

On peut ainsi prédire 3500 morts en France sur une évolution du type Hubei. Si on met de côté la question des Ephad. Où des foyers communautaires, s’ils surviennent, pourraient faire grimper le total jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de morts.

Le « Diamond Princess » et ses cobayes…..

Nous disposons d’un indice de l’effet « communautaire » par l’aventure du paquebot de croisière « Diamond Princess » Sur 3700 personnes assez âgées partageant le même système d’air conditionné, 742 ont été contaminées et 6 sont mortes. On peut retrouver l’habituelle prévalence dans la population générale de stigmates sérologiques dans une épidémie de grippe ou autres virus respiratoires. Même s’il existent encore quelques personnes qui ne sont pas tirées d’affaire, les quelques morts conduiraient, rapportés à un million de personnes exposées à un minimum de 1600 morts par million ! Rapporté à notre population en ephad, le pivot serait autour de 10 000 victimes.

Une autre élément comparatif entre grippe et covid-19 est que la grippe tue parfois les sujets jeunes en 3 jours de détresse respiratoire aiguë alors que le covid-19 prend son temps et souvent 2 à 3 semaines pour détruire les poumons. Est ce une bonne nouvelle ? Pas vraiment. Si la phase critique et donc la durée de passage en soins intensifs est bien plus longue pour le Covid-19 , ceux-ci en seront bien plus embouteillés.

L’Italie nous montre-t-elle une évolution potentiellement différente de l’épidémie ?

La première impression est celle d’une souche plus mortelle mais de diffusion plus lente. Mais lorsqu’on prend comme référence la population de la zone contaminée, la mortalité par million d’habitants est tout à fait du même ordre que celle observée en Chine, si l’épidémie plafonne bientôt en Italie du Nord.

Reste à voir la vitesse de diffusion de l’épidémie dans le reste du pays. Et si là comme ailleurs le virus ne s’épuise pas après un certain nombre de passages inter-humains.

Que peut on prévoir chez nous ?

La durée de la phase prodromique pré-épidémique et son hétérogénéité, indiquent une épidémie de foyers désynchronisés. Débordant par endroit le système de santé, tandis qu’il sera l’arme au pied dans d’autres régions. Les premiers foyers épidémiques massifs devraient prendre place la semaine prochaine entre les deux tours des élections municipales, qui auraient dû être reportées par simple bon sens épidémiologique.

Il s’agit par les mesures de retardement, non pas de réduire le temps de l’épidémie selon le lapsus ministériel, mais de réduire le pic en l’étalant, ce qui certes allonge l’épidémie, mais permet au système de santé de mieux la gérer.

Passer de la guerre de tranchées à la guerre de mouvement.

Il faudrait se préparer au plus vite à transférer malades ou médecins et matériels, d’un zone à l’autre dans une guerre de mouvement à laquelle notre administration de la santé n’est pas du tout préparée.

Un pilotage central est à instaurer au plus vite par une salle d’opérations rue de Ségur, « War Room » ou « Grand Quartier Général », en prise directe sur les soignants de terrain, par dessus l’appareil des ARS, des autres administrations et conseil de l’Ordre, champions de la guerre de tranchées, mais peu adaptés à une guerre de mouvement et à l’improvisation.

En ce sens, l’initiative de terrain à Charleville de déployer un labo sur un parking sous une tente fournie par un Régiment du Génie et de prélever les cas suspects en « Drive Test » par la vitre dans leur voiture, selon un exemple chinois vu sur le Net montre que nous avons les ressources humaines pour faire face et s’adapter hors des protocoles bureaucratiques.

Source Johns Hopkins le 10 3 2020:

Pays

Malades

Morts

Population/millions

Morts/millions

Corée

7513

54

52

1,04

Hubei

67760

3024

66

45,82

Japon

581

10

127

0,08

Italie

10149

631

15

42,07

Espagne

1646

35

47

0,74

France

1784

33

66

0,50

Diamond Princess

742

6

3700 personnes

1621,62

L’épidémie n’a pas atteint son pic en France ou en Espagne comme en Italie hors du Piémont ( population prise comme référence 15 millions sur un total de 60 millions d’Italiens ).

Le cas de la Corée est à suivre très attentivement car l’épidémie semble y plafonner à une niveau faible, comme dans certains « petits » foyers secondaires chinois.

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