Covid19: la seconde vague en France et ailleurs

JHM Cohen 15 10 2020

 

Alors qu’une mauvaise compréhension de cette seconde vague conduit à une polémique sur son existence même, il convient de rappeler qu’elle ne devrait pas être discutée, mais que ses modalités variables doivent être précisées telles que je les ai annoncées en Août

Si les alarmistes et rassuristes ont des prises de position idéologiques lues dans le marc de café, les contours prévisibles ou incertains de cette seconde vague doivent être dessinés. On pourra dès lors esquisser les politiques qui restent du domaine du possible, durant cette vague ou dans ces suites.

hospit occitanie 14 10 2020

En Occitanie, zone de faible première vague, la remontée du nombre d’hospitalisés est symptomatique d’une seconde vague.

Si les modélisateurs réductionnistes imaginent cette vague en pic aigu gaussien unique et uniforme sur tout le pays, il est bien plus probable qu’une marée montante soit sa forme dominante, avec des coefficients de marée variables selon les endroits. Et que par endroit, se surimposent des pics d’emballement épidémique aigu. Il est également possible que l’épidémie avorte par endroit ou globalement, sous l’effet des mesures prises ou spontanément, ce qu’on ne peut prédire, pas plus que la surface finale sous la courbe épidémique. Rappelons que les premiers signes de reprise de circulation virale dès juillet ont été remarqués dans les zones où le virus avait circulé plus qu’ailleurs, dans l’Est notamment. Pour autant, ces premiers cas n’ont pas conduit à une seconde épidémie plus importante ou plus précoce qu’ailleurs ni à aucun pic local. Au contraire, actuellement la région Est semble, non pas préservée, mais faire face à une marée montante plus lente qu’ailleurs, à l’opposé de la déferlante qu’on aurait pu attendre.  A Marseille et en Aquitaine, la montée épidémique semble avoir hésité vers un pic rapide, puis ralentir et même avoir stagné une dizaine de jours, avant de reprendre une allure de marée insidieuse. En revanche, la situation en Isle de France de début d’emballement de pic épidémique aigu à court terme semble acquise  Ces exemples pour rendre humble vis-à-vis d’un phénomène épidémique qui se modifie sous nos yeux à mesure que nous l’observons comme l’avait si bien décrit Charles Nicolle.

Une cinétique virale complexe et inattendue

Les particularités de la contagiosité et de la propagation de ce virus sont notables: non seulement la contagiosité est très hétérogène, 5 % des sujets assurant plus de 80% de la transmission, mais les foyers épidémiques de taille limitée avortent volontiers sous l’effet de confinement et distanciations sociales comme constaté d’abord en Chine sur la vingtaine de foyers secondaire de l’épidémie initiale, tous contrôlés en moins d’un mois avant même l’ère des tests de dépistage, à la grande surprise de tout le monde médical occidental. On constate aussi que les mortalités moyennes par pays ont peu de sens quand elles varient de 80 à 1800 par million d’habitants, d’un endroit à l’autre. Ce dernier chiffre paraissant un plafond de verre des pics épidémiques à Bergame comme à New York. Le mécanisme de ce plafond reste incompris. L’immunité du troupeau souvent invoquée étant une notion bien différente. Il faut distinguer un niveau d’immunité d’éradication ici de l’ordre des 2/3 de la population pour le niveau de contagiosité du sarscov2, de l’immunité de barrière qui termine un pic épidémique aigu et étroit ou empêche son renouvellement. Qui semble ici se situer autour du quart de la population. L’immunité du troupeau au sens communément admis d’une immunité d’éradication n’est nullement acquise, même sur les lieux d’un pic aigu comme le montre la reprise lente de l’épidémie en seconde vague à New York. L’immunité de groupe n’est pas faite que de sujets immuns par exposition au virus, une susceptibilité individuelle variable conférant une protection plus ou moins partielle ou totale d’une partie notable de la population semble y contribuer.

L’horloge interne de la seconde vague

cas par millions 14 10 2020

Même en tenant compte de l’augmentation du nombre de tests, la seconde vague est significative partout, ce que confirme la croissance régulière du nombre de positifs parmi les tests pratiqués/

On peut constater l’émergence d’une seconde vague au même intervalle de temps après le début de la première, presque partout sur la planète, indépendante de l’évolution de cette première vague. L’évolution de la première vague est très variable selon les mesures prises contre elle de retour à une circulation silencieuse chez les bons élèves allemands par exemple au maintien d’un plateau ou de pics erratiques selon les événements sociaux  ou les politiques chaotiques chez les mauvais élèves comme en Iran ou aux USA. Mais l’apparition de la seconde vague est indépendante de ces suites de la première vague. On la voit aussi bien chez les bons élèves que les mauvais. Aux USA elle débute sur la côte Est dans les états « bons élèves » alors même que la première vague n’est pas terminée ailleurs. En Russie, elle se superpose au plateau élevé épidémique qui a succédé au pic initial. Et même en Suède, pays précieux par l’originalité de sa distanciation sociale, la seconde vague débute également depuis 3 semaines. 

Il y a bien sûr une exception: les pays éradicateurs vrais n’ont pas de seconde vague. Car il n’y a pas de génération spontanée du virus !!!

Le mécanisme qui peut ainsi assurer une véritable horloge interne de l’épidémie par transmission lente, indifférente aux feux de paille des suites de la première vague est inconnu. On peut cependant par analogie avec la grippe de 1918-19 supposer que le virus a ainsi le potentiel de 3 vagues sur 18 mois environ.   

Ce virus est de plus certainement encore instable vu le peu de temps passé depuis qu’il a pris pied dans l’espèce humaine et peut réserver encore d’autres surprises.

Quelle politique mener aujourd’hui ? 

Nous ne pouvons tout d’abord pas rejouer le match et proposer de réaliser maintenant ce que nous avons raté quand l’occasion s’en présentait. L’éradication du virus par tests massifs était à notre portée lorsque la circulation virale avait diminué après la première vague. Nous aurions pu dépister, isoler un volume raisonnable de patients contaminés et surtout de sujets contacts. En période de second pic c’est illusoire car nous ne saurions que faire des dépistés positifs, submergés déjà par les patients symptomatiques. Ce n’est cependant que partie remise, car il faudra le faire suite à la seconde vague pour empêcher la troisième.

Si  nous nous inscrivons dans la durée, le compromis du coût matériel et moral des mesures à prendre, doit être comparé au coût humain de l’épidémie. Nous devons donc trouver une distanciation sociale acceptable, préserver notre activité industrielle et de formation, non télé travailable, et barrer la route au virus pour qu’il ne puisse atteindre  les plus fragiles, en particulier les ehpad. 

Concernant la distanciation sociale, les transports en commun sont un point faible majeur auquel les pouvoirs publics ne veulent pas s’attaquer. Il faut à  rebours du long terme privilégier les transports individuels. Si le vélo ou la trottinette peuvent être des solutions dans les centre villes, les gens qui viennent travailler à Paris depuis Saint Denis ou Marne la vallée, ne peuvent se permettre cette gymnastique hygiénique. Les mesures éradicatrices anti voitures, comme les coronapistes instaurées dans de nombreuses villes sont hélas parfaitement contre productives du point de vue de la lutte anti épidémique quand il faudrait réduire les transports en commun, tout particulièrement souterrains en acceptant temporairement d’aider les banlieusards à venir travailler en voiture.

Il faut aussi isoler les zones de faible propagation virale où l’on peut écraser l’épidémie des zones de forte épidémie, en limitant les déplacements interzones, ce qui semble là aussi refusé d’emblée par les pouvoirs publics.

Des barrières de dépistage

Les personnels des ehpad, ceux des entreprises ou établissements d’éducation peuvent être systématiquement testés chaque jour par dépistage thermique, puis le soir en partant par test génomique plutôt qu’antigénique, en laissant un auto prélèvement buccal, salivaire ou de rinçage nasal ( et non d’écouvillonnage profond ) coulant dans l’arrière gorge et recraché dans un dispositif de prélèvement salivaire. Il existe des tests sans instrumentation avec réponse en une heure, décentralisables hors des circuits de laboratoires ( Sherlock, EazyCov… ). L’utilisation des techniques de pool peut réduire les coûts à 2 à 3 € par personne et par jour. Il est évident que personne n’attendra la réponse à la sortie du bureau ou de l’usine. Mais chacun la trouvera sur son portable le lendemain matin au réveil.  Tester ainsi par jour vingt millions de personnes grâce à 5 millions de tests poolés n’est pas un objectif techniquement irréalisable. Et son coût très largement inférieur à celui de la course au volume de tests en labo, sans doctrine d’indications rationnelle, ni logistique efficace, à coût unitaire élevé, double du tarif outre-Rhin.  

Il peut sembler étonnant de voir un immunologiste ne pas préférer les tests antigéniques ! Malheureusement, leur faible sensibilité intrinsèque ( pas d’amplification ) impose un prélèvement de haute qualité, donc nasal, réalisé par un personnel de santé, qui maintient le goulet d’étranglement des circuits actuels de test.  

A partir d’un certain niveau de marée montante de la seconde vague, ce testing de barrière serait la seule mesure permettant de faire continuer à fonctionner notre machine économique et éducative.  

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