Covid19: virus des villes et virus des champs ?

JHM Cohen 24 10 2020 

 

Parmi les éléments encore imprévisibles de la vague épidémique actuelle, il y a non seulement la hauteur  qu’elle atteindra, ses proportions entre pics épidémiques et marée montante lente, mais aussi la diffusion rurale ou pas de l’épidémie. Cette dernière n’est pas seulement importante pour le sort des réfugiés virologiques, mais pour établir la durée de cette vague et préparer le type de campagnes d’éradication virale nécessaires  après cette vague. 

La météo de l’épidémie est particulièrement difficile. Non seulement nous n’avons pas d’antécédents pour ce virus récent, mais nous ne pouvons cette fois déduire ce qui nous attend des pays « en avance  » sur le notre, du fait de la simultanéité de la seconde vague à 6 mois de la première dans tout l’hémisphère nord. Indépendamment de la gestion de la première vague, et qu’elle ait été d’un pic unique et bref comme en Italie et en Allemagne, d’un rebond important  comme aux USA, d’une trainée comme en Russie, de multiples foyers explosifs pour l’Iran l’un des plus mauvais élève. Ou même en Suède à la politique de restriction sociale sans confinement, unique au monde. Bref la seconde vague a une horloge interne dont on ne sait même pas si elle ressort d’un phénomène interne au virus comme un mode de transmission rampant particulier, ou d’un phénomène extérieur climatique au sens large. Il est vrai qu’un siècle de recherche des mécanismes des épidémies saisonnières n’a conduit qu’à des échecs. On ne sait pas plus des mécanismes  des épidémies saisonnières hivernales comme la grippe ou le VRS, ou estivales, poliomyélite autrefois par exemple. 

Un virus urbain incapable de survivre à la campagne ?

Lors de la première vague, la grande sensibilité du virus à la densité physique ou sociale de la population est apparue comme un facteur épidémiologique majeur. Visible dès les courbes de mortalité de l’INSEE. Dans les régions dépeuplées, peu ou pas de cas hors de quelques foyers en ehpad, cas particulier de confinement piège.

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Influence majeure de la densité de population sur le pic épidémique

En sera t il de même cette fois ? C’est hélas dès maintenant peu probable. Cette résistance à l’épidémie peut en effet être absolue ou relative. Nous allons voir pourquoi.

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Mortalité du covid19, rurale en orange et urbaine en bleu aux USA

Aux USA, un changement net est visible depuis peu de temps. Les régions rurales épargnées par la première vague et son rebond dû à la mauvaise gestion de l’épidémie, sont cette fois particulièrement touchées. Sans qu’on puisse être certain cependant du mécanisme comme trainée de première vague ou atteinte rurale et urbaine simultanée de la seconde vague.

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cas ruraux actuels, lors du premier pic, et au début de l’épidémie ( source NYT )

Les cartes françaises de prévalence montrent bien la « diagonale du vide », arc de cercle  des Ardennes  à la mer au dessus de l’estuaire de la Gironde. La Lozère et l’Ardèche se branchent dessus et il existe aussi des taches blanches dans les Alpes du sud et en Bretagne. Ce qui pourrait paraître rassurant. Malheureusement, l’analyse de la pointe nord de l’Aisne, plus loin du monde encore que la pointe des Ardennes et des régions rurales au sud du département du nord n’incite pas à l’optimisme. L’infection par le sarscov2 y est déjà double de celle « des zones blanches ». Ces régions bordent des zones urbaines à prévalence très élevée, déjà bien supérieure aux niveaux atteints en première vague. Ce qui semble indiquer que le virus de ces zones « bave » dans la campagne environnante. En d’autres termes que la caractère inhospitalier pour le virus des zones rurales, n’est que relatif. Et que beaucoup de virus permet à ce dernier de surmonter cette difficulté. 

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Carte en taux d’incidence. « La diagonale du vide » parait cette fois menacée par les foyers avoisinants.

On ne sait jusqu’où monteront les pics épidémiques, mais on peut déjà prédire que non seulement la vague épidémique durera bien plus que ces pics du fait des zones en « marée montante » qui seront retardataires, mais que la trainée rurale secondaire des pics allongera encore cette durée de la vague épidémique. 

Quelle sera l’influence des mesures gouvernementales sur la dynamique épidémique ?

Les mesures gouvernementales auront elles un effet pour écrêter ces pics et interférer avec la dynamique propre de l’épidémie? C’est peu probable. En laissant les déplacements libres sur tout le territoire, la question des zones rurales et des régions retardataires est laissée à la libre appréciation du virus. L’absence de tests barrières sur les lieux de travail va en faire rapidement des foyers de contamination majeurs. Le maintien des transports en commun et la poursuite de l’élimination des transports individuels des banlieues aux grandes villes, parfait contre temps épidémiologique, est lui aussi un puissant facteur de dissémination virale. Nous serons donc soumis à l’histoire naturelle du virus. D’autant que les confinements localisés, qui auraient déjà dus être mis en place,  ne viendront que trop tard quand on s’y résignera, du fait d’une prévalence virale bien supérieure à celle de la première vague où le confinement a pu être efficace, particulièrement en zone rurale.

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