Chronique du 29 octobre 2020
Sur les ondes de RCF: @lien en attente
Avec nous par téléphone, on a le plaisir de retrouver le professeur Jacques COHEN, bonjour Jacques.
Bonjour.
Et vous êtes avec nous par téléphone, Jacques, parce qu’il faut bien se protéger, on évite les contacts, telles les consignes qui étaient données depuis le début de la pandémie de la Covid-19, mais là, on a l’impression que ça y est, l’étau se resserre, JC.
Effectivement, les distanciations sociales sont les seules mesures efficaces dont on dispose, et comme en plus je ne suis pas à Reims, mais ailleurs en France, et que je participe aux soins, c’est tout à fait bien donc de faire tout cela à distance.
Justement JC, c’est ce que l’on va voir avec vous, cette pandémie, c’était il y a presque 1 an d’ailleurs, qu’elle était en train de naître en Chine. Si aujourd’hui, on fait le point, où en est-on JC ?
Nous sommes dans une deuxième vague. Une deuxième vague qui est curieuse, parce qu’elle débute dans l’hémisphère Nord, dans tous les pays à peu près en même temps, qu’ils aient été bons ou mauvais élèves dans la gestion de la première, c’est-à-dire qu’ils aient eu un pic aigu et plus rien, ou qu’ils aient eu des traînées, des rebonds, des résurgences, de grands plateaux. Que ce soit les bons ou mauvais élèves, on a le redémarrage d’une vague, comme si c’était un phénomène intrinsèque au virus, ce qui est le plus probable, dont on ne connait pas le mécanisme. Il n’y a qu’une seule chose sûre, c’est qu’il n’y a pas de génération spontanée, et là où le virus a été éradiqué, il n’y a pas de deuxième vague.
JC, pourtant on a entendu un gouvernement qui nous martelait, qui nous répétait, il y a quelques semaines, on est prêt, on sera là pour la combattre, on a anticipé. Et on a l’impression que c’est un peu la panique générale, là finalement JC.
Je constate surtout que les mesures qui ont été prises sont des mesures inadéquates.

Métro parisien: un non-sens épidémiologique…
La première des choses était de réduire les transports en commun et de ce point de vue là, même le concept de supprimer plus de bagnoles en ville en plein pic épidémique est une ânerie monumentale. Dire aux gens qu’il faut s’empiler dans le métro, lequel est bondé juste avant le couvre-feu, c’est un non-sens en termes de santé publique. Il valait beaucoup mieux accepter pour quelques mois encore, qu’il y ait un peu plus de voitures pour réduire la transmission. De même préserver les entreprises et les lieux de travail, c’est possible si on est capable de faire de très nombreux tests barrières à l’entrée, il faut faire des millions de tests, sinon c’est un vœu pieux.
Quant au confinement, du moins du couvre-feu, au départ c’est une histoire un peu complexe et spectaculaire sur les bars ou restaurants, mais cela n’a pas de grande efficacité, c’est une gesticulation.
Finalement, ce couvre-feu JC, c’était peut-être un camouflet, une préparation psychologique à la population pour leur dire « le confinement, il va revenir ! ».
Je pense qu’il ne faut pas prendre les gens pour des idiots, qu’il ne faut pas les infantiliser. Il aurait bien fallu lui dire plus honnêtement, où on en était et ce qu’on envisageait de faire, que de s’agiter en demi-mesure. D’autant que la question du confinement, elle pouvait se poser, soit comme l’économiste Esther Duflo l’a proposé, en septembre pour essayer de casser la montée de la vague et de protéger Noël. Je pense que cela n’aurait pas très bien marché si l’on n’avait pas couplé cela à des campagnes d’éradication du virus à la chinoise où l’on fait 1 million de tests par jour dans une zone et on la vide – Et là maintenant, on est un peu embêté, parce que sur un sommet de pic, le confinement ne fait pas grand-chose ou rien, voir même il l’aggrave dans les habitations de forte promiscuité. En revanche, c’est sur la gestion de la fin du pic que le confinement est efficace pour le faire descendre, et si on le couple avec des bouclages localisés et des campagnes de millions de tests, là on peut éradiquer le virus en fin de pic. Pendant le pic, il y aura beaucoup trop de monde pour qu’on puisse éradiquer quoi que ce soit. Problème d’ailleurs, sur les signes de remontée, tels qu’on les voit par exemple à Lyon, qui semble être en avance sur le reste de la France : il est très plausible que le second pic va être beaucoup plus élevé que le premier. De ce point de vue-là, la réaction c’est « on confine », mais le problème c’est que le confinement c’est du demi-fond pour quelques semaines. Or, si on le fait maintenant, sera-t-on capable de le maintenir sur 3 mois, pour la période où il serait le plus efficace, couplé au testing de masse, j’en doute. Donc paradoxalement, le confinement c’était avant ou après, il va probablement être décrété ce soir au mauvais moment.
JC, à partir de là, quand vous dites « on peut partir sur une période peut-être de 3 mois, mais vous en doutez », il y a quand même les fêtes de Noël, quand vous dites cela, vous inquiétez les personnes qui nous écoutent et qui se disent, « cela voudrait dire qu’à Noël on pourrait peut-être, si le confinement vient à se prolonger sur une longue durée, être tout seul chez soi, ne pas être en famille ». C’est le sacrifice qu’il va falloir demander à la nation, peut-être, cette année JC ?
C’est assez plausible, même si on n’a pas de certitude pour l’instant.
JC, vous qui êtes dans le milieu hospitalier, vous parlez de cette deuxième vague, de ce deuxième pic qui pourrait arriver assez rapidement. Comment vous sentez la tension, justement, et le milieu hospitalier, les soignants que vous rencontrez au quotidien, comment cela se passe ? On recommence à s’agiter davantage ?
Non. Au point de vue réflexe de traitement des malades et d’organisation des services, les choses ont progressé. A la fois au point de vue fatigue et surtout gestion du personnel et du manque de personnel principalement, c’est tout à fait négatif.
Le personnel est fatigué, il est énervé aussi par l’absence de mesures sérieuses de réorganisation des hôpitaux. Au contraire, les primes sont rédimées en comptant le nombre de jours au front, si j’ose dire. C’est bien plus dangereux au point de vue impact de mégoter ainsi, que de ne pas donner de prime, c’est la pire des situations. Donc là, c’est la fatigue et le manque de personnel qui risquent de se faire sentir, surtout si le pic est plus élevé. A l’inverse, on sait mieux soigner, on laisse des gens à la maison, on fait beaucoup moins de ventilation en réanimation, on a des petits moyens avec de l’oxygène, tout cela représente des progrès. Le personnel ne se pose pas la question de savoir s’il pourra faire face ou pas, il fait avec ce qu’il a, c’est le réflexe de tous médecins.
JC, si vous deviez adresser un mot à nos auditeurs qui savent qu’on rentre dans une période hivernale où il y a la grippe saisonnière, où il y a ce Covid qui traine, c’est quoi le bon réflexe à avoir ? Au-delà des gestes barrières, etc. Si on sent qu’on a le moindre symptôme, etc. Tout de suite on consulte, on fait très attention.
Il faut déjà être raisonnable et n’hospitaliser que sur la gravité des symptômes. Mais dès qu’on a quelque chose il faut être isolé, et si possible consulter pour être dépisté, même si bientôt, cela va devenir quelque peu aléatoire. L’important c’est d’essayer de diminuer la transmission, d’une part, et pour chaque personne de surveiller. S’il a une forme bénigne, qu’il reste à la maison ou s’il a besoin de soin plus important. Et de ce point de vue, je suis très surpris qu’on n’ait pas acheté plusieurs dizaines de milliers d’oxymètres pour que tous les médecins traitants puissent distribuer larga manu à leurs malades en phase initiale. Quelque chose qui permet de suivre si les choses vont s’aggraver ou pas. On en est réduit à dire aux gens, vous allez compter jusqu’à ce vous n’ayez plus de souffle, si vous comptez jusqu’à 30 c’est bon, si vous comptez jusque 10 ce n’est pas bon. On a quand même des moyens modernes qui permettent d’avoir plus de choses, des appareils qui ne coûtent rien- actuellement cela doit valoir 20 ou 25 €- et malheureusement ce n’est pas assez répandu.
Eh bien, merci JC de nous avoir éclairés sur la situation de la pandémie au moment où on fait le point, on sait que cela va évoluer de jour en jour, de semaine en semaine, on vous retrouvera JC régulièrement, même par téléphone, parce que les studios vont de nouveau être fermés, on n’aura plus le plaisir de vous croiser physiquement, mais toujours un plaisir d’avoir vos analyses pertinentes à l’antenne, par téléphone, JC, à très bientôt.
Merci, merci, et surtout surveillez bien ce qui se passe à Lyon, qui semble avoir 15 jours d’avance sur le reste du pays, au moins.
Eh bien l’information est donnée, et on peut suivre l’actualité sur votre blog, jhmcohen.com.
Absolument, à bientôt.
À bientôt, merci.