JHM COHEN le 12 111 2020
On entend enfin parler en France de dépistage massif des porteurs du SarsCov2. Le terme « dépistage massif » recouvre plusieurs politiques possibles, dont certaines sont simplistes et impraticables, d’autres inadaptées à la situation actuelle. En effet quoi de plus simple que de dire » nous savons dépister, nous dépistons toute la population et le virus disparaitra ». C’est malheureusement un peu plus compliqué dans la vraie vie.
Nous allons reprendre à l’envers le titre de cette chronique: dépister massivement dans quel but, comment et quand.
Le but du dépistage de masse: écrêter ou éradiquer ?
Il y a deux grandes orientations au dépistage de masse,
= écrêter la vague soit dans tout un pays, ce que la Slovaquie tente, soit dans un foyer aigu qu’on boucle en même temps, ce qui est tenté en Israël et surtout au Royaume uni avec une expérimentation à l’ échelle significative de toute la ville de Liverpool.
= éradiquer le virus. Comme ce fut fait à Wuhan, il s’est agi alors, après la retombée du pic d’éradiquer la circulation virale silencieuse source rampante de résurgences possibles. Plus de 10 M d’habitants furent testés plus de 2 mois après la fin de l’épidémie, 300 porteurs furent trouvés et confinés, leurs sujets contacts mis en quarantaine pour 2 semaines.
C’est je pense ce que nous devrons tenter en fin de seconde vague pour éviter la suivante.
La circulation virale résiduelle
Une objection souvent faite à cette politique d’éradication est celle de la circulation virale résiduelle, surtout silencieuse, des sujets échappant au dépistage pour diverses raisons ou surtout des faux négatifs du testing.
En fait la contagiosité de ce virus est faible de l’ordre de celle de la grippe et il ne survit pas en dessous d’une densité de 1/million car son efficacité de transmission est faible la plupart des porteurs n’arrivent pas même à contaminer un seul sujet. Seuls et c’est une originalité de ce virus 5 à 10% des porteurs transmettent. Et en fait densité virale faut il encore qu’ils transmettent si l’on peut dire le flambeau à un nouveau super contaminateur et non pas à n’importe qui, faute de quoi le foyer s’éteindra. On voit ici qu’en pleine épidémie, le dépistage de masse ne peut avoir de velléité d’éradication que s’il est réalisé 3 fois à une semaine d’intervalle. Faute de quoi il reste à établir qu’il réalise une baisse significative de la prévalence virale et qu’il puisse ainsi raccourcir la durée du pic sans prétendre éradiquer le virus.
En zone ou période de faible densité virale, l’expérience chinoise a montré qu’un seule dépistage de masse suivi de la surveillance des clusters de résurgence à isoler dès le premier cas suffisait à tuer le réservoir viral.
Les porteurs du virus dépistés et leurs sujets contacts
S’il est aisément perçu que le type de test et le type de prélèvement sont des sujets importants. Le devenir des sujets dépistés porteurs et de leurs contacts est le plus souvent sous-estimé. S’il s’git de renvoyer à la maison les sujets porteurs en leur disant simplement d’éviter d’embrasser les enfants, le dépistage est en effet de peu d’intérêt. Les seuls pays qui ont réussi à éradiquer le virus ( Chine Vietnam Hong Kong Taiwan ) ont tous isolé strictement leurs porteurs du virus en les séparant physiquement de leurs sujets contacts, eux même mis en quarantaine. Nous ne pouvons réussir cela qu’avec une forte acceptation sociale en quelque sorte récompensée par des séjours dans notre hôtellerie touristique de luxe aujourd’hui désertée et désœuvrée. La solution slovaque au refus du confinement est à mon sens exportable: quiconque le souhaite peut refuser le dépistage de masse. Mais il doit alors se confiner 15 jours avec une très forte amende s’il est surpris sans son certificat de test à ébrécher son confinement.
Le type de test
Une idée courante est de pratiquer des tests de terrains les plus simples et rapides possible et donc de recourir à des test antigéniques. C’est à mon sens une erreur pour des tests de dépistage massif à volonté éradicatrice. Même pour écrêter une vague ils ne sont pas pratiques du fait de leur trop faible sensibilité et donc de leur trop grand nombre de faux négatifs.

Chacun de ces automates peut réaliser 2 à 3 séries par 24 h de 6000 tests chacune. Ce laboratoire de taille relativement modeste peut réaliser plus de 100 000 tests par 24h.
Les tests individuels génomiques comme antigéniques ne sont pas adaptés à des flux très importants. Seuls de gros automates peuvent avoir la productivité nécessaire aux millions de tests nécessaires, même si l’on procède par zones géographiques , et même si on poole les échantillons pour diviser par 4 le nombre de tests. Il faut donc construire des usines à tests.

Un labo mobile à gros débit…
Le rendu instantané des résultats n’est pas un point critique. Un ou deux jours sont acceptables. En revanche, les prélèvements doivent être recueillis dans un milieu de conservation et inactivation virale pour leur centralisation.
La logistique d’amont et d’aval en conséquence pour vider une zone en 5 jours ouvrable par 2 millions de tests par jour est de type grande distribution ou approvisionnement industriel automobile. Les laboratoires de biologie, de ville comme hospitaliers en sont incapables.

Conditionnement des échantillons
Le type de prélèvement
C’est un point crucial peu étudié. Un test ultra sensible peut s’accommoder d’un auto-prélèvement par rinçage nasal et recueil salivaire, intrinsèquement moins sensible mais plus reproductible qu’un écouvillonnage nasal profond. La logistique d’amont peut alors être simplifiée. Si en revanche un prélèvement nasal par un personnel dédié est nécessaire, celui-ci doit être formé en plus de 5 minutes pour éviter des prélèvements douloureux inefficaces et quelques accidents graves. Qui a échelle de masse seraient rédhibitoires.
Pour le lecteur pressé
Pour éviter la troisième vague il faudra dans 3 à 4 mois lorsque la circulation virale sera revenue en dessous du 1/1000 monter des campagnes de tests massifs par zone géographique. Appuyer sur une logistique industrielle et des centres de test dédiés pour réaliser 2 à 3 millions de tests par jour et vider ainsi une zone de la taille de l’ile de France en 5 jours.
Les sujets dépistés ne seront confinés à domicile que si les sujets contacts peuvent être éloignés et mis eux mêmes en quarantaine puis testés à J7. Si ces conditions ne sont pas réunies, ils bénéficieront d’un confinement en hôtellerie touristique de qualité. Comme il fut fait à Carry le Rouet pour les premières quarantaines retour de Chine.
Il faut au moins trois mois pour mettre tout cela en place. Cela tombe bien la seconde vague ne sera pas finie dans 15 jours. Même si elle atteindra probablement son sommet à cette date, il lui restera une très longue trainée. Voire des rebonds si nous confinons et déconfinons à contre temps.
Nous avons donc largement le temps de préparer l’éradication virale à la française. Si nous cessons de courir en retard après les évènements.

Des tenues de sécurité dont on pourrait rêver dans nos hôpitaux. Et une courte pause..