Sur les ondes de RCF@lien en attente
Avec nous aujourd’hui, Jacques Cohen, que nous avons le plaisir de retrouver, en dehors d’ailleurs, de ces questions d’actualité du vendredi, Jacques Cohen, bonjour.
Bonjour.
Aujourd’hui, on va évoquer, bien évidemment, l’épidémie que nous traversons et que nous connaissons. À quelle vitesse va-t-elle aujourd’hui ? Est-ce que cela ralentit ? Est-ce que cela augmente ? Est-ce que cela stagne ? Où en est-on exactement ?
Alors, il faut regarder cela d’un point de vue français et d’un point de vue plus large. Nous sommes à peu près au sommet de pic, semble-t-il, en France, tout en sachant que nous avons une épidémie qui a plusieurs composantes.
Certaines très rapides, là où il y a eu peu de choses la dernière fois, d’autres, au contraire, lentes, et dont on ne sait pas si elles vont être cassées par le confinement ou pas là où il y a eu des pics importants, c’est le cas dans l’Est. Donc, on a deux éventualités dans l’Est, ou bien cela va continuer à monter lentement ou bien le confinement va avoir un effet. Il faut ajouter que pour les autres endroits, que ce soit les pics très précoces ou les pics classiques, sur Paris par exemple, les délais et l’allure font que le confinement n’est pas la cause de l’amélioration que l’on constate. Et l’essentiel du problème se situe dans que va-t-il se passer une fois arrivé au sommet du pic ?
La politique qui est déjà définie en Allemagne est de considérer que nous sommes partis pour tout l’hiver ! On peut considérer nous concernant que des mesures variables seront à prendre pour limiter la traînée, les rebonds et les résurgences, et peut-être pour faire des éradications massives.

Nombre d’hospitalisés. France entière. La courbe est le produit de plusieurs épidémies distinctes sur notre territoire ( cf plus bas )
Parce que l’on peut, soit redescendre rapidement, soit rester en plateau, soit avoir une traînée variable. Et la question va se poser, quand l’épidémie va redevenir sensible aux mesures de distanciation, de renforcer les mesures pour éviter une traînée interminable. Peut-être faut-il, d’ailleurs, les alléger auparavant. Donc cela est un point tout à fait incertain et important. Alors, nous avons de bonnes nouvelles, c’est le cas de la Belgique. La Belgique avait, lors du premier pic, une très forte mortalité, elle a un deuxième pic à front relativement raide, mais qui descend très vite. Inutile de vous dire que l’on ne sait pas pourquoi, il semble que le virus fait ce qu’il veut et ce virus est un virus farceur, si l’on peut employer le terme.

En Belgique, un pic étonnamment étroit

Pays Bas Un pic déjà moins pur qu’en Belgique

La seconde vague en Espagne, morcelée par une politique de confinement sélectif avec des bouclages de villes entières.

Nombre d’hospitalisés. Les Pyrénées Atlantique, peu touchées par la première vague, souffrent cette fois d’un pic élevé, à pente de montée raide. Son plateau va se situer à plus de 4 ou 5 fois le sommet du premier pic.

Nombre d’hospitalisés. Haute Savoie Un pic bien plus important dans une autre région de faible première vague.

Nombre d’hospitalisés. Saône et Loire. Plus d’hospitalisés que lors du premier pic mais déjà une pente de montée plus faible

Nombre d’hospitalisés à Mulhouse. Lieu du pic le plus important en première vague. On voit un second pic en vague lente dont le sommet, ou plutôt le plateau, ne peut encore être prédit.
Il semble cependant que les différents pics en France soient le produit de la densité de population et de contacts sociaux d’une part, de l’immunité déjà acquise par la première vague d’autre part.
Nous avons encore pas mal d’incertitudes, la seule chose que l’on peut dire c’est que l’on arrive à peu près au sommet du pic (sans savoir combien de temps on va rester sur ce niveau de crête), que la mortalité est très nettement moindre que la dernière fois (peut-être de l’ordre de la moitié), mais qu’il reste une grande incertitude pour savoir si le virus ne va pas rentrer dans les EHPAD là où il fait le plus de morts.
Donc, JC, si on vous suit, il est difficile quand même de prédire à moyen terme. C’est un peu en fonction des chiffres quotidiens qui vont sortir que vous pourrez, vous aussi, affiner votre diagnostic, votre jugement.
C’est exact. La méthode que j’ai utilisée est une méthode comparative et non modélisatrice. Les modélisateurs travaillent avec des écrans et des chiffres, et jusqu’à présent, ils se sont toujours très largement trompés. Ils annonçaient 800 000 morts la dernière fois, ils sont revenus à 400 000 cette fois-ci, on sera certainement en dessous de 100 000, probablement au plus une fois le tout combiné autour de 60 000 maximum, c’est assez différent. Je ne crois pas beaucoup aux modélisations mathématiques, parce qu’il y a plusieurs éléments qui sont inconnus – vous qui connaissez bien les maths, vous savez qu’il est toujours difficile de faire des équations à plusieurs inconnues – et en particulier, on ne sait pas pourquoi les pics s’arrêtent. Ce n’est pas parce que la population est immunisée, ça, c’est pour expliquer pourquoi il n’y aura pas de nouveaux pics. Là en l’espèce, la question justement qui est importante, c’est celle de la troisième vague ou pas, mais ce n’est pas encore une certitude. On a l’impression que la montée lente dans l’Est ou dans certains endroits où il y a eu un pic important sous-entend que cette fois-ci on va arriver à l’immunité de barrière. Ce n’est pas l’immunité d’éradication, c’est l’immunité de barrière, celle à partir de laquelle il n’est plus possible de faire des pics rapides, des pics aigus, ce qui n’empêche pas de faire des plateaux, des bosses, etc. Mais pour un virus aussi fragile, si nous arrivons à l’impossibilité de faire des pics aigus, cela peut le conduire tout simplement à finir sa carrière. On ne peut pas le promettre pour l’instant, mais c’est une éventualité qu’il faut avoir en tête. La troisième vague on doit la prévenir de deux façons, d’une part par cette analyse et la traque des foyers tardifs, mais surtout par des mesures à prendre d’éradication virale et de tracking des résurgences quand nous en serons à cette phase-là. Encore une fois, je pense que nous allons y être aidés par le fait que nous allons arriver au niveau de barrière qui est autour de 25 % de la population, ce que je me permets de vous le rappeler, j’ai toujours prédit.
C’est exact JC, d’ailleurs on peut se référer à votre blog, mais pour terminer, c’est une question un peu à chaud, on n’avait pas prévu, mais qui vient forcément à l’esprit : depuis quelques jours, on entend parler de vaccins, ici ou là, avec des taux de réussites « plus ou moins élevés », quel est votre sentiment ? Est-ce qu’on peut espérer quand même un jour prochain avoir un vaccin et dans quel délai ?
Alors, ces informations-là sont tout à fait intéressantes et importantes. J’allais dire, si cela n’avait pas été sur cette antenne, que ce sont des informations miraculeuses, parce qu’on n’attendait pas une telle efficacité. Les trois vaccins validés disent tout de suite que c’est plus de 90 %, il y en a quatrième qui a toutes les chances de marcher aussi. Il faut garder deux types de réserve là-dessus.
Premièrement, on ne sait pas combien de temps dure cette immunité, et donc on sait aussi que les vaccins vivants ont une immunité plus durable que les vaccins tués, que les vaccins virus entiers ont une immunité plus durable que les vaccins contre une seule protéine, mais pour l’instant on n’en sait rien, premier élément.
Deuxième élément, c’est celui de la sécurité. Et là on est un peu embêtés, parce qu’en dehors des deux vaccins chinois, les deux vaccins qui courent en tête sont des vaccins nouveaux. L’un qui utilise un adénovirus de singe et il y a eu deux incidents d’atteintes neurologiques pendant les essais. Et l’autre qui utilise de l’ARN, ce qui conduit le plus souvent à fournir de fortes réactions fébriles et une forte production d’interféron qui peut quand même donner aussi des effets secondaires.
Pour l’instant on a une bonne nouvelle, c’est qu’il semble que les vaccins marchent, mais on n’est pas encore certain d’avoir entre les mains les meilleurs vaccins pour le long terme. Alors, faut-il les employer tout de suite ? Eh bien d’abord, de toute façon, il n’y en aura pas assez pour tout le monde au début, donc on va voir ! Et personnellement, j’ai une préférence pour les vaccins classiques quand on est dans l’inconnu, comme le sont les vaccins qui utilisent du virus entier inactivé, plutôt que les nouveautés, et il se trouve que ce sont les nouveautés qui vont plus vite, mais avec beaucoup plus d’incertitudes.
On n’a pas de dates de mise en circulation d’un éventuel vaccin ?
Alors, toujours la question c’est « quand commencent-ils ? Par exemple, au Maroc, cela commence aujourd’hui. Le vaccin chinois est diffusé à partir d’aujourd’hui et c’est parti pour 10 millions de doses en 1 mois. Alors, ce n’est pas non plus toute la population, mais c’est déjà très important.
Le vaccin Moderna ou le vaccin BioNTech étendent leur phase 3, il y aura certainement une espèce de coulage entre la phase 3 et l’utilisation réelle, mais c’est à une échelle qui n’a rien à voir avec les besoins de la population.
Et enfin, le vaccin russe, lui aussi a du mal à produire en grande quantité, et donc nous attendons des débuts, probablement dans ces temps-ci pour la plupart des vaccins, mais une disponibilité sérieuse à la fin du printemps. Et justement dans le cas de Sanofi, qui est une firme française et qui est l’un des trois grands du vaccin, l’annonce c’est qu’ils pensent avoir un vaccin à mettre sur le marché, et non pas des essais, pour le mois de juin.
Donc, finalement, le mois de juin ce n’est pas encore demain, JC.
Ce n’est pas encore demain et il est fort possible que cette affaire soit terminée d’ici là.
Question du néophyte, question aussi d’auditeurs : est-ce que la grippe normale, dont on redoute qu’elle fasse son apparition, il faut se faire absolument vacciner ?
Si on prend les références habituelles concernant la grippe, par définition son vaccin marche à 50-60 % au point de vue individuel, mais c’est suffisant pour casser les épidémies, donc je ne vois pas pourquoi se priver d’un vaccin là où il existe et quand il est disponible.
Je vous rappelle que la grippe ne tue pas que les vieillards ou les diabétiques, etc. La grippe peut aussi, en trois jours, tuer des sujets jeunes. Même les grippes bénignes en tuent quelques-uns, et donc je pense que c’est quelque chose d’évitable, si on peut casser les épidémies de grippe par la vaccination.
Autre question : le port du masque en ce moment contre le Coronavirus, est-ce qu’il est efficace contre la grippe, et puis même contre des gastros, est-ce que finalement le port du masque peut avoir des effets bénéfiques sur les autres virus ?
Oui, à ceci près que par exemple, les Entérovirus passent beaucoup plus par les mains sales que par la voie respiratoire, et puis la grippe est peut-être un peu plus résistante. On a une contagiosité très particulière pour ce virus Sars-CoV-2, c’est que moins de 10 % des sujets assurent 80 % des transmissions. C’est une contamination très hétérogène et on est certain que le masque est tout à fait efficace contre 80 % ou même 90 % des porteurs. Contre ces 10 % de super contaminateurs, on ne sait pas encore très bien, mais globalement le masque diminue la transmission, c’est maintenant démontré et il faut absolument encourager les gens à le porter.
Merci en tout cas, professeur Jacques Cohen, d’avoir été avec nous, on se reporte à votre blog, vous pouvez nous rappeler comment on fait pour aller sur votre blog, c’est très simple, je crois.
Absolument, JHMCohen.com et on arrive dessus.
JHMCohen.com et on sera dessus de notre côté. Merci en tout cas d’avoir été avec nous et à très bientôt sur RCF, au revoir.
À très bientôt Jean Pierre.