Chronique du 15 janvier 2021
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Jacques COHEN bonjour.
Bonjour.
Avec vous aujourd’hui, on va aborder cette thématique des variants du Covid19 et l’évolution de l’épidémie, les conséquences également sur les vaccins. JC, d’abord le variant britannique, ça y est, il est bien là sur nos terres françaises, j’ai envie de dire.
Alors, il est là depuis un certain temps d’ailleurs, et c’est son avenir la grosse incertitude.
Le gouvernement a suivi une seule option qui est de penser qu’il va gagner, et que non seulement il va remplacer la souche habituelle, mais il va se comporter forcément comme à Londres avec un pic qui devrait survenir en début février. Ce n’est pas exclu, mais ce n’est pas la seule hypothèse, parce que schématiquement les mauvaises herbes pour pousser, il faut aussi qu’il y ait de l’eau, elles poussent quand tout pousse, elles poussent un peu plus vite et elles envahissent. Mais si rien ne pousse parce que c’est la sécheresse, les mauvaises herbes ne se répandent pas largement. Pour que ce scénario se produise, il faudrait, je crois, que le variant britannique échappe à l’immunité acquise par la première vague, parce que si ce n’est pas le cas, il peut changer un peu les choses, mais pas dans des proportions gigantesques. À Londres, il s’est répandu parce qu’il n’y a pas eu un gros pic dans cette ville en première vague.

Pourcentage de tests de dépistage positifs. On voit que la seconde vague avait été moins marquée au Royaume Uni ou en Irlande que chez nous avant la survenue du nouveau pic. A noter un encoche vers le bas dans notre courbe correspondant au dépistage massif autour des fêtes pratiqué par les français hors de toute campagne gouvernementale.
Au contraire en Suède la seconde vague se termine assez abruptement. La sélectivité de la mortalité s’est encore accentuée durant cette vague pour aboutir à la rencontrer pour plus de 90% chez les >70 ans..

Mortalité suédoise. On remarque la fin abrupte de la seconde vague avant tout effet vaccinal.
Quand on regarde la situation en France, actuellement, on voit qu’elle est assez hétérogène, du moins dans la façon dont a débuté la seconde vague et dans l’évolution de la traînée post pic. Dans les endroits où il n’y avait pas eu ou peu de première vague, on a un pic étroit, élevé, etc. Dans les endroits où la première vague était importante à Mulhouse, en Seine Saint-Denis, on a une montée lente en grosse bosse, et non pas un pic aigu, et derrière on a un peu partout la même chose, c’est-à-dire généralement un plateau avec des petites bosses, c’est-à-dire de la houle et non pas du tout une grande vague avec du surf.

Stock des hospitalisés en Normandie au 18 Janvier. Après un faible premier pic, on remarque un fort second pic suivi d’un plateau avec de la houle..

en ile de France, on ne voit globalement aucun effet Noël et nouvel an.

A Mulhouse, à l’épicentre de la première vague, la seconde est une longue bosse à pente faible qui n’a pas encore atteint son maximum en 10 semaines
Donc, ce variant britannique, s’il n’échappe pas à l’immunité naturelle, il va rencontrer le même problème que les autres variétés de virus pour se répandre, et il ne devrait pas aller beaucoup plus loin que les autres, même s’il est un peu plus contagieux. Il peut accroître son niveau, j’allais dire sa zone de chalandise, mais pas dans les proportions que donnerait un variant radicalement nouveau qui échappe à toute l’immunité acquise. Parce qu’en effet, qu’est-ce qu’on constate ? On ne constate pas que le variant britannique. On constate une émergence de variants, des variants qui ne sont pas une seule mutation d’une base par-ci, par-là – qui d’ailleurs, ont de forte chance de se produire sous forme d’aller-retour entre le virus humains et des disséminations dans des espèces animales proches de nous et qui nous redonnent un virus comme le variant britannique qui a pu avoir 17 mutations en très peu de temps avant de revenir. L’hypothèse des épidémiologistes anglais, c’est un malade porteur chronique parce qu’immunodéprimé qui l’a mitonné. Elle est possible, mais il me parait plus raisonnable de penser aux animaux domestiques, aux chats qui eux sont comme tous les félins très sensibles, et puis des tas d’autres bestioles comme les rongeurs ou surtout les mustélidés qui peuvent le ramasser très facilement. Alors on voit d’autres variants. Pourquoi voit-on d’autres variants ? Parce qu’en quelque sorte, si le temps des variants est arrivé, c’est parce que le temps du Far West et de la ruée vers l’Ouest est fini. Le virus s’est répandu sans opposition, il n’a pas eu besoin de beaucoup évoluer pendant ce temps-là. Maintenant il commence à être confronté à une immunité acquise dans la population mondiale qui n’est pas au niveau de l’éradiquer, mais qui commence à le gêner au sens de lui rendre difficile de faire des pics étroits, et cela c’est une pression de mutation qui permet que des variants émergent, parce que le virus, si l’on peut dire, après avoir battu la campagne sans se préoccuper de son avenir, maintenant se préoccupe de se ranger en quelque sorte, c’est-à-dire de se prévoir une situation où il puisse s’adapter à l’espèce humaine, Pas forcément dans les prochains mois, mais au moins pour l’an prochain ou pour l’année d’après. En attendant il peut encore galoper. L’hypothèse la plus probable pour moi n’est pas celle du pic attendu pour début février, c’est celle d’un long plateau avec de la houle pendant 3 à 4-5 mois avant que les choses ne s’arrêtent.
Guerre éclair ou guerre de tranchées
Et donc les mesures qui sont prises par le gouvernement qui sont à visée de barrer un pic, s’avéreront, si ce pic ne se produit pas, à changer pour paradoxalement restaurer une vie sociale et une vie professionnelle et universitaire. Mais il faudra s’appuyer sur des tests barrière systématiques, pour les entreprises mais aussi les spectacles, ou les lieux d’enseignement de façon à éviter la diffusion, comme c’est fait à l’université à Singapour, par exemple. Et de ce point de vue-là, on s’est fait enfoncer par une guerre éclair et on prépare une guerre éclair. Or, je crois que cette fois-ci il faut qu’on prépare également une guerre de tranchées, en prévoyant évidemment de pouvoir faire des confinements localisés si le front cède à un endroit ou un autre, mais encore une fois on ne prépare qu’une seule possibilité, celle d’un pic aigu proche. C’est, je peux bien sûr me tromper, celle qui ne me parait pas la plus probable, mais simplement la copie mécanique de ce qu’il s’est passé jusqu’ici.
Où est passé le pic des fêtes de fin d’année ?
Malgré de nombreuses réunions familiales voire festive, il n’est pas visible dans les statistiques nationales. On en trouve en fait la trace dans les zones de faible première vague comme le Sud-Ouest ou Normandie même considérée comme traditionnellement disciplinée. Mais il n’a pas eu lieu dans les zones de forte première vague où la seconde a pris d’emblée l’allure d’une bosse assez plate et non d’un pic, puis d’un faux plat ou d’un plateau avec des ondulations comme en Ile de France. Et à Mulhouse, la bosse étalée n’a même pas encore atteint son maximum sans second pic aigu et sans trace d’un effet Noël et jour de l’an.
JC, il y a aussi un élément à prendre en compte qui s’est accéléré cette semaine, qui devrait encore continuer à s’accélérer dans les prochains jours, c’est la campagne de vaccination. Est-ce que ces variants vont influer quelque part sur la campagne de vaccination ? Est-ce que le vaccin tel qu’il a été testé va permettre de pouvoir nous protéger contre ces différents variants ?
Je retournerais d’abord la question dans l’autre sens.
Dites-nous.
Il est certain que l’immunité acquise par vaccination, l’immunité artificielle, s’ajoute à l’immunité naturelle comme pression pour favoriser l’émergence de variants. Parce que soit un vaccin éradique et là on est ravi, soit il n’éradique pas, mais il pousse fortement pour les mutations. Alors il semble, au moins pour le variant britannique, qu’il n’échappe pas à l’immunité naturelle et il n’échappe pas non plus donc à l’immunité induite par les vaccins. Il faut se rappeler quand même que tous ces vaccins, sauf le vaccin chinois, le vaccin virus entier inactivé, tous les vaccins ARN par exemple ou adéno ou les vaccins sub-unitaires ne travaillent que sur le spike, là où il y a le plus de variations. Et il est sûr que les vaccins qui comportent tous les antigènes du virus ont moins de risque de voir un variant leur échapper que des vaccins basés sur le spike. C’est quand même quelque chose qu’il faut aussi prendre en compte. De même dans les vaccins actuels, on ne peut pas multiplier les injections, parce qu’ils sont mal tolérés. A la troisième injection, cela commencerait à se gâter, tandis qu’on peut faire des rappels avec des virus entiers. Et d’ailleurs, on peut aussi envisager de faire des rappels avec de l’adénoV au moins une fois derrière les vaccins ARN, puis passer à des vaccins inactivés, subunitaires, etc… au virus entier, ce qui me paraîtrait le plus raisonnable. Donc, il y a encore des possibilités, il ne faut pas que les gens aient l’impression que parce que le vaccin ARN ne les protégera peut-être pas indéfiniment, les carottes seront cuites derrière. On aura encore de la ressource, si je puis dire. Mais il faut bien voir aussi que dans le futur, le virus va devoir soit s’accommoder à notre espèce, soit disparaître. Il y a des exemples : on a 4 coronavirus humains. L’un d’entre eux a fait un parcours météoritique en une seule fois, un autre passe toutes les quelques années, il y en a deux qui donnent des rhinos aux gamins tous les ans bon an mal an, selon la concurrence des autres virus de rhino chez l’enfant. Pour l’un d’entre eux, on a pu tracer qu’il vient de chez les bovins, qu’il était certainement beaucoup plus méchant au départ et on a même pu tracer qu’il est rentré dans l’espèce humaine grâce à son horloge moléculaire en 1890. 1890, c’est la précédente grande grippe avant celle de 1918. Il est possible qu’il y ait eu deux épidémies et qu’une partie de l’épidémie attribuée à la grippe en 1890 ait été cet OV43, c’est-à-dire un coronavirus des bovins qui était rentré dans l’espèce humaine, assez méchant, et puis qui finalement a fini par s’acclimater et signer, si j’ose dire, un compromis pour habiter chez nous en bonne intelligence. Donc à long terme, ce virus-là finira soit par disparaître, soit par se calmer et on rira des malheurs qu’il nous donnait avant. Et puis nous serons toujours disponibles pour de nouveaux virus.
En attendant JC, il nous reste encore quelques secondes, ensemble, dans cette chronique avec vous. JC, vous restez tout de même en attendant un pro vaccin, il est conseillé de se faire vacciner.
Oui et non, je suis bien sûr un pro vaccin, mais vous ne pouvez pas vous faire vacciner s’il n’y a pas de vaccin pour vous. L’important c’est que nous sommes en pénurie de vaccin, donc il faut protéger ceux à qui cela peut rendre le plus service, Certes ce sont aussi ceux qui risquent le plus d’effets secondaires parce qu’ils sont fragiles, mais qui peuvent l’accepter parce que le risque est bien plus important chez les sujets âgées d’avoir une maladie grave. C’était la tactique annoncée initialement, puisque nous manquons de vaccin. Et la question est pourquoi ? C’est une autre question, les Israéliens ont payé cash pour en avoir beaucoup dès le début, on aurait peut-être pu en faire autant. Mais à partir du moment où on en manque, il faut les donner à ceux qui en ont le plus besoin, donc les plus de 75 ans et puis les maladies chroniques graves. Et là on est dans une situation assez curieuse, où on a d’abord dit que les soignants de plus de 50 ans en auraient, c’est gentil pour les soignants, mais c’est piquer leurs doses aux vieux. Et puis on est dans un pays où nous avons une civilisation du passe-droit, c’est-à-dire tout le monde est président de quelque chose, susceptible à ceci, à risque de cela, et on va voir fleurir les exceptions, mais comme personne ne sait multiplier les vaccins comme il fut fait autrefois du côté de Tibériade pour le pain, le vin ou les poissons, au bout du compte si on multiplie les receveurs et qu’on ne multiplie pas le vaccin, on va accentuer le problème de la pénurie et le détournement des vaccins des personnes qui en aurait le plus besoin. Donc je ne vous le conseille pas, Alexis, vous qui en plus avez été malade, donc vous avez une immunité naturelle et vous êtes jeune, vous n’avez strictement aucune raison d’aller vous faire piquer avec un vaccin qui peut vous apporter de rares ennuis, mais dont vous n’aurez aucun bénéfice.
Eh bien, merci de nous avoir éclairés très précisément. JC, on vous retrouve certainement la semaine prochaine, vendredi, fidèle au poste, à très bientôt.
À très bientôt.