Chronique du 30 avril 2021
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JC, le virus face au déconfinement, opportunité ou indifférence ? Et tout de suite, j’ai envie de dire, si finalement on voit qu’il ne se passe rien alors que les Français vont progressivement être relâchés ? On parle d’une réouverture en 4 étapes, on aura tendance à dire que les mesures qui ont été prises pendant tous ces longs mois n’auront finalement peut-être servi à rien ?
C’est une éventualité non négligeable. En effet, nous avons des mesures de confinement mou et variable avec des demis, des quarts, des trente-deuxièmes de mesures, et maintenant, le pari qui est fait c’est que l’infection va dégringoler, j’allais dire, un peu quoiqu’on fasse. Ce n’est pas faux, ce n’est pas impossible, ce n’est pas certain.

Divination étrusque….
Alors tous les gens qui sont rivés sur des paramètres affirment que le virus ne peut que repartir à la hausse, que pour lui ce déconfinement est une opportunité. Ce n’est pas certain, parce qu’il faudrait que le virus ait souffert du confinement et je n’en suis pas certain. On n’a aucune preuve scientifique de l’un et de l’autre puisque ce sont des modèles comparatifs, ce n’est pas de l’expérimental. Ce qui est sûr c’est qu’il ne s’est rien passé, à partir des grands mouvements de population des fêtes de Noël et de Nouvel An.
Cela pourrait quand même faire réfléchir sur le fait que les restrictions ou pas n’ont pas forcément une grande influence pour un virus dont il faut rappeler les caractéristiques. C’est-à-dire que l’essentiel de l’infection est souterraine, qu’il n’y a pas de signes cliniques, et que même chez les gens porteurs de signes cliniques, l’infection est maximale 2 ou 3 jours avant les signes cliniques. C’est dire que l’essentiel de la transmission est souterraine, elle ne se voit pas, on est sous l’eau comme un iceberg.
Donc évidemment, en dehors de testings systématiques avec isolement des sujets détectés, qu’on ne fait pas, malheureusement je vous le répète régulièrement, je ne crois pas beaucoup que les mesures prises aient une grande efficacité. Alors si le virus choisit de repartir à la hausse dans quelque temps, tout le monde dira que c’est parce que les mesures ont été levées. Si le virus ne repart pas à la hausse, certains diront c’était parce que les mesures ont été efficaces.
Mais tous les paramètres liés à la circulation virale montre qu’elle n’est pas redescendue et ne semble pas prévoir de descendre rapidement. Donc nous verrons, mais nous aurons peut-être enfin la preuve que la seule politique de prévention majeure c’est le testing systématique et l’isolement des positifs de façon à permettre de traquer la bête et d’éviter sa diffusion. Tandis que les mesures plus ou moins symboliques pourrissent sérieusement la vie, mais n’ont pas forcément une grande efficacité.
JC, pour argumenter un petit peu ce que vous nous disiez. Parmi les indicateurs du niveau de la Covid notamment, les traces de la Covid dans les eaux usées, elles, pour le moment ne baissent pas ?
Exactement ! Alors on n’a pas encore un indicateur en France qui soit très raffiné qui descende très très bas avec un réseau suffisamment maillé. Mais quand on ne regarde là que la cinétique, et bien, on voit que la cinétique virale dans les eaux usées ne baisse pas ces derniers jours, et donc sauf nouveauté, cela veut dire que le virus continue à circuler. C’est une bonne et une mauvaise nouvelle, parce que cela veut dire que la partie souterraine, la partie émergée de l’iceberg est importante. Est-ce que cela veut dire qu’il y a moins de formes cliniques ? On ne peut pas l’affirmer, puisqu’on n’a pas de réseau épidémiologique correct, de sentinelles pour cela. En revanche, pour ce qui est des patients en soins intensifs, on est autour de 5 800, on est dans une espèce de plateau peut-être descendant, mais on ne sait pas du tout si on va avoir une descente importante et rapide ou si on va rester dans un système ondulant de plateau. Ce qui est sûr c’est que quand il y a eu des vagues hors de Paris, hors de l’Ile-de-France, j’allais dire tout le monde s’en foutait. Quand il y a eu quelque chose d’important sur l’Ile-de-France et le Nord de la France, ce qui fait, c’est vrai, un bon tiers de la population, on a considéré que c’était une grande vague, mais il n’est pas certain que cela ne soit pas simplement un mouvement de houle sur un fond en plateau. Donc nous verrons ! Personne ne peut prédire si le virus va choisir de s’en aller en faisant un pied de nez ou si au contraire il va rester endémique avec des poussées qui dépendront éventuellement ensuite des variants. Personne sauf avec une boule de cristal, ne peut avoir là-dessus de prédiction fiable.
A priori JC, vous non plus n’avez pas de boule de cristal, cependant vous avez certainement des conseils en tant que professeur de médecine à nous donner. Ce virus face au déconfinement, opportunité ou indifférence ? Que pensez-vous ? Que faut-il faire ? Vous avez notamment appuyé sur le fait de tester, et je crois que cela va encore être le mot d’ordre selon vous. Tester, tester et encore et toujours tester.
Tester et vacciner. Et vacciner en particulier toutes les personnes à risques, parce que dans les personnes de plus de 75 ans, la population laissée pour compte qui n’est toujours pas couverte correctement, ce ne sont pas les gens en EPHAD. Ce sont les personnes très âgées, en relativement bon état qui sont chez elles et qu’il faut aller chercher, parce que c’est sûr qu’elles ne vont pas utiliser « vite ma dose » ou courir sur Doctolib pour arriver à trouver comment se faire vacciner, il faut absolument aller les chercher. J’insiste sur ce vaccin en vous donnant une anecdote que j’ai vue hier comme médecin. J’ai vu deux malades, 91 et 95 ans, pas très graves, mais comme ils ne sont quand même pas tous jeunes ils ont un risque important avec cette infection. Et pourquoi ont-ils eu cette infection ? Car dans leurs papiers j’ai trouvé classé soigneusement les deux lettres de rappel de l’assurance-maladie les concernant. Tout simplement parce que leurs enfants étaient contre le vaccin et les ont persuadés de ne pas se faire piquer. Et l’histoire est encore plus sinistre parce que les enfants sont malades, qu’ils ont contaminés leurs parents, et ils ne peuvent pas s’occuper de ces deux vieilles personnes. Donc il est dangereux d’avoir des enfants stupides, surtout quand on vieillit. Mais j’espère aussi que la plupart des gens auront des enfants sages qui les encouragent à se faire vacciner, parce que certes plus tard les variants poseront des problèmes, mais pour l’instant ce vaccin est une solution qui empêche les vieux de mourir du covid.
JC, on a bien compris votre point de vue. Tester et se faire vacciner en priorité, un mot tout de même, puisque qu’il nous reste un peu de temps de cette réouverture en 4 étapes, on imagine que même vous, JC, même si vous recommandez à la plus grande prudence, aussi sur le profil psychologique de l’ensemble des patients que vous pouvez croiser au quotidien depuis maintenant de longs mois. Cela fait du bien de se dire qu’on va pouvoir ressortir et retrouver un semblant de vie sociale.
La vie sociale pour moi, elle pourrait être strictement normale à condition de tester tout le monde 2 fois par semaine. C’est-à-dire d’avoir des tests massifs faisant que ne rentreront dans un lieu de vie collective que les gens dont on est certain qu’ils sont vaccinés et qu’ils ont une détection virale négative. Cela permettrait de tout rouvrir. Alors évidemment puisqu’on ne le fait pas, il faut du temps pour mettre en place. Le jour où on se décidera, il faudra plusieurs semaines pour monter en puissance pour le faire, mais mon espoir c’est que ce déconfinement montre que les restrictions partielles de vie sociale pourrissent la vie des gens, mais n’ont pas une grande efficacité vis-à-vis du virus et qu’il faut donc faire autrement : Tester, Vacciner.
Merci, Jacques Cohen, de nous avoir éclairés, au cœur de votre chronique santé. On vous retrouve très prochainement, à bientôt JC.
À bientôt.