Covid19 stratégies vaccinales : le danger d’un raisonnement unidimensionnel

JHM Cohen

Chronique du 12 mai 2021

Sur les ondes de RCF: https://rcf.fr/embed/2645827

Avec nous on retrouve le professeur Jacques Cohen, Jacques bonjour.

Bonjour.

Et aujourd’hui on s’intéresse à la stratégie vaccinale, si vous le voulez bien JC avec un développement, une étape supplémentaire depuis cette semaine. Mercredi les adultes de plus de 18 ans sans condition particulière à remplir peuvent prendre rendez-vous pour se faire vacciner pourvu que ce soit le jour J pour le lendemain s’il y a des disponibilités, JC on avance dans la stratégie vaccinale.

Nous sommes dans une stratégie vaccinale, j’allais dire unidimensionnelle qui est de vacciner toute la population. Cette stratégie s’étend aux 18-30 ans avec quelques bémols qui sont que l’on manque de doses. Donc ils sont priés de s’inscrire (les 18-30 ans), mais ils n’auront des doses que s’il en reste, ce qui malheureusement risque d’être le cas avec le problème des vaccins adénovirus. Mais pour l’instant, on n’a pas dit que les 18-30 ans pourraient en bénéficier. Il y a une discussion, on envisage la signature de décharge, etc. Donc on étend, avec on le verra tout à l’heure, peut-être un peu de précipitation. Il y a une autre chose qui est discutée, qui est l’ouverture à partir de 12 ans, la logique du raisonnement étant « les adolescents sont des vecteurs, et bien on va supprimer le vecteur ». Jusque-là tout cela parait d’une grande logique, mais comme je vous ai dit, c’est une logique unidimensionnelle.

pesée âme

Peser les coûts / bénéfices d’un politique vaccinale altruiste sans bénéfice direct…. dans le plateau de gauche, il y a un coeur….

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire qu’il faut regarder tous les paramètres en la matière et on a plusieurs éléments qui ne militent pas pour cette stratégie. Tout d’abord, ces vaccins qui sont des vaccins d’urgence qui ont beaucoup d’effets secondaires par rapport à des vaccins classiques – et dont on ne connaît pas très bien la durée d’action – ont été d’abord administrés normalement aux personnes à risques, c’est-à-dire les personnes âgées, les hypertendus, les surcharges pondérales, les déficits de l’immunité et ainsi de suite. Malheureusement, on a encore un énorme trou, c’est-à-dire qu’il reste quasiment 20 % des plus de 75 ans qui n’ont pas eu la moindre dose de vaccin, on raisonne en mono dose ce qui est un raisonnement de santé publique, mais il faut quand même rappeler que la mono dose c’est 50 % de protection au mieux. Pourtant ces vaccins, même d’urgence, ont un potentiel extraordinaire en vaccination complète qui est un potentiel de protection individuelle quasi parfaite en termes de maladie grave.

Mais ces vaccins d’urgences posent quelques difficultés quand même, JC ?

Oui, parce que justement ils ont des effets secondaires. Alors par rapport à la maladie elle-même, il n’y a pas photo on peut les passer à pertes et profits, même s’il y a quelques décès. Nous ne rentrerons pas aujourd’hui dans le détail des effets secondaires de ces vaccins, mais donc toute la discussion se situe entre des vaccins de bénéfice direct et les vaccins dits altruistes. De 18 à 30 ans et encore plus de 12 à 18 ans, le risque individuel, donc le bénéfice direct, il est nul. Si l’on vaccine correctement les personnes à risque dans cette tranche d’âge, pour les autres le risque est absolument nul et donc tout inconvénient du vaccin représentera un débit, quelque chose de négatif. On peut l’accepter en disant qu’on veut protéger la population, mais cela revient quand même à accepter un peu de casse chez les jeunes pour sauver quelques vieux. Et encore ! Parce que si on vaccine correctement les vieux, la vaccination de cette tranche d’âge devient inutile puisqu’elle n’a pas de bénéfice direct et que le but de cette vaccination est de protéger d’autres personnes qui peuvent être protégées autrement, tout simplement par le fait de les vacciner.

Il y a un autre aspect qui est très important, qui est que la vaccination est affaire de confiance. On le voit aux États-Unis où le taux de vaccination quotidien dégringole depuis que l’épidémie a commencé à régresser. Les gens pensent que ce n’est plus forcément nécessaire. Et pire encore, aux États-Unis c’est par communauté, puisque malheureusement ce pays est morcelé ainsi, où l’on voit que les blancs éduqués se vaccinent tous et que les noirs et les latinos se vaccinent très peu, donc c’est un problème de confiance.

Chez nous, nous avons aussi une forte opposition à la vaccination et il faut rappeler que les pays qui ont le plus vacciné, comme Israël, en sont à peine aux deux tiers de leur population, donc il reste de toute façon une population importante qui représentera un potentiel de circulation virale.

Donc la question de la confiance implique que les rapports qualité-prix, si je puis dire, des complications et des bénéfices soient bien compris. Dans le cas des vaccins actuels, les vaccins adénovirus sont affligés d’une défiance qui dépasse très largement la logique de leurs inconvénients par rapport à leurs bénéfices. À l’inverse, les vaccins RNA bénéficient d’une excellente cote qui est elle-même un peu surévaluée, si l’on peut dire. Et donc le très grand risque à donner des vaccins RNA entre 12 et 30 ans, c’est que lorsqu’il y a aura quelques accidents inévitables, je redis bien inévitable, et bien, la confiance dans ces vaccins risque de s’effondrer.

Vacciner à l’âge du premier pic de maladies auto-immune va également conduire à des co-incidences comme l’affaire du vaccin anti hépatite B et les allégations erronées concernant la sclérose en plaque l’a montré autrefois.

Or, les vaccins classiques, ceux qu’on peut administrer 10 fois sans grands effets secondaires, et bien, ceux-là ils ne seront pas prêts avant la fin de l’année, au mieux. Donc, on risque de griller les vaccins RNA au moment où on en aura le plus besoin, parce que c’est avec eux qu’on pourra faire le deuxième tour, c’est-à-dire les vaccins anti-variants le plus rapidement, parce qu’il est plus facile, je ne rentre pas dans les détails, de fabriquer ces vaccins RNA que de faire les autres. Donc, je crois qu’à partir d’un raisonnement simple, qui malheureusement s’avère simpliste, on prend un risque considérable à vouloir étendre la vaccination et y compris très bientôt entre 12 et 18 ans où là il y aura en plus un problème d’autorisation parentale. Alors qui est partisan de cette vaccination des ados ? Et bien, ce sont les profs, en disant « comme cela on ne risquera pas d’être contaminés ». Mais ce n’est pas un bon raisonnement pour des enseignants, parce que le bon raisonnement c’est que s’ils sont vaccinés, ils se moqueront éperdument qu’il y ait des enfants porteurs autour d’eux. Et donc, je ne peux qu’encourager les enseignants à se faire vacciner.

JC, le message est passé. Cependant, est-ce que le vaccin signifie l’immunité quoiqu’il arrive face au Covid-19 ?

Oui, on peut commencer par répondre oui. Le vaccin, lorsqu’il est fait à deux doses, donne une immunité quasi parfaite sauf variants. Et pour l’instant, il atténue y compris la maladie en provenance de la plupart des variants. La question pourra être différente dans quelques mois, mais il faut travailler, j’allais dire chaque jour, en considérant qu’à chaque jour suffit sa peine. Nous avons des vaccins qui évitent actuellement de mourir et même d’être gravement malades de la maladie, il faut les administrer le plus largement possible à tous ceux qui ont un facteur de risque, l’âge étant un facteur de risque. Mais pas en dessous de 30 ans, car le vaccin Pfizer, par exemple en Israël, a donné 60 cas de myocardite de 18 à 30 ans, dont deux décès et ce n’est pas une très bonne publicité, si j’ose dire, pour la vaccination dans cette tranche d’âge. Et si l’on descend entre 12 et 18 ans, je crains que l’effet d’image et pas seulement d’image d’ailleurs, que l’effet négatif soit encore plus marqué. Une stratégie qui me parait préférable est d’insister lourdement et de faire beaucoup d’efforts pour vacciner toutes les personnes à risques. C’est-à-dire les catégories médicalement à risque et toutes les personnes de plus de 30 ans. Y compris avec des vaccinations sur mesure à plus de doses après contrôle du taux d’anticorps obtenu. Étendre les efforts dans la population plus jeune me parait un objectif bien trop précoce, même s’il sera valide lorsque nous aurons des vaccins beaucoup plus sûrs. Et l’urgence pour l’instant, c’est de vacciner toutes les personnes susceptibles de faire des formes graves et même d’en mourir, et on peut avec les vaccins actuels parfaitement éviter cette issue fatale.

Et bien, on vous remercie Jacques Cohen de nous avoir éclairés sur la stratégie vaccinale menée en France. On la voit, elle est diversifiée un peu partout dans le monde, cette stratégie vaccinale, on aura certainement l’occasion d’en reparler. À très bientôt professeur.

À très bientôt, au revoir.

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