Chronique du 22 octobre 2021
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Avec nous, par téléphone, on retrouve le professeur Jacques Cohen. Bonjour professeur.
Bonjour.
JC, aujourd’hui avant de parler de la Covid-19 où la situation continue d’évoluer, un mot d’autres maladies de l’hiver, et notamment de la grippe, puisque ce vendredi le vaccin contre la grippe rentre en vigueur. C’est à partir de ce vendredi que l’on peut se faire vacciner contre la grippe.
Absolument. Et je ne peux qu’encourager à se faire vacciner. C’est un vaccin classique fait d’un virus inactivé, un vaccin éprouvé. Paradoxalement, c’est un vaccin qui ne protège pas énormément individuellement, il diminue les formes graves, mais qui compte tenu de la contagiosité de la grippe est assez efficace pour diminuer l’épidémie. Alors à condition qu’il y ait assez de gens vaccinés bien sûr et que l’on ait bien prévu les sérotypes de grippe parce qu’on doit les prévoir d’année en année, et cette année, comme la grippe a été très perturbée dans l’année écoulée par l’épidémie de SARS-CoV-2, le pari est un peu plus incertain que d’habitude. Enfin, j’espère que l’on va y arriver, et de toute façon il faut le faire. Donc on ne peut qu’encourager à se faire vacciner, c’est un vaccin beaucoup plus inoffensif que tout ce qui a été sorti en urgence pour la Covid, mais il y a un bénéfice tout à fait net et là il y a un bénéfice qui n’est pas réservé, si j’ose dire, aux vieilles personnes.
J’allais dire, JC, à partir de quel âge vous préconisez le vaccin contre la grippe ?
A n’importe quel âge en fait, parce que contrairement à ce qu’on dit, c’est vrai que les vieux en meurent plus par les surinfections, mais les formes fulminantes de grippes tuent à 20 ans. La grippe a beaucoup moins de sélectivité d’âge que la Covid-19.

Un autre virus » a fort potentiel » le virus Nipah
Pour changer, un peu d’histoire de la grippe.
Justement, puisque vous parlez Covid-19, c’est à ce sujet que l’on va s’intéresser désormais, JC, puisque régulièrement vous faites vos chroniques tous les vendredis sur l’antenne de RCF, elles sont ensuite publiées en podcast, vous les relayez via votre blog – on invite aussi nos auditeurs à le consulter, jhmcohen.com – et de là, il y a souvent des personnes qui réagissent, qui vous posent quelques questions. Et aujourd’hui, vous souhaitiez dans votre chronique justement, répondre à vos fans qui sollicitent en quelque sorte, JC.
Ce ne sont pas forcément des fans, mais des gens qui se posent des questions et j’essaye d’apporter des réponses.
Et bien, essayons d’apporter des réponses à cette première question. Est-ce que l’immunité va nous débarrasser du virus, JC ?
Alors le problème c’est que l’on raconte, j’allais dire aux petits enfants à l’école primaire, que les épidémies se développent jusqu’à ce que la population soit immune et que le virus disparaisse ! Malheureusement, c’est beaucoup plus compliqué que cela parce qu’il y a des virus qui disparaissent effectivement sur un pic unique cassé par l’immunisation, mais ce sont rarement des pandémies, ce sont souvent des foyers locaux. Il y a des virus qui ne disparaissent jamais, alors comme s’ils restent dans l’espèce, ils s’adaptent, ils sont un peu moins méchants après. Il y a des virus qui disparaissent après un feu d’artifice final de variants plus méchants. Cela existe, et donc on n’en a pas de certitude. En revanche, le rôle de l’immunité dans cette adaptation ou cette disparition, je pense qu’il est surestimé parce qu’on raconte toujours qu’en fonction du R0, c’est-à-dire le taux d’attaque donc les personnes contaminées par sujet index, on peut prédire à partir de combien de % de population protégée cela va s’arrêter. C’est vrai dans un certain nombre de cas. Mais le cas du Covid-19 est plutôt un cas de la vraie vie et pas le décalque du modèle théorique, ce n’est pas sûr du tout qu’on puisse y arriver. Parce que pour ce qui est du Covid, paradoxalement, si l’immunité était si efficace on devrait déjà en être à 120 ou 150 % de protection, et donc cela devrait s’être arrêté, et pourtant cela continue. Alors cela continue pour plusieurs raisons, d’abord les gens peuvent faire à nouveau la maladie. Pas forcément ceux qui ont fait des signes cliniques importants, quoi que quelques-uns puissent le faire, mais beaucoup de gens qui ont été porteurs peu de temps peuvent refaire la maladie. Alors, ils ne la font pas forcément plus grave la seconde fois que la première, c’est déjà une bonne nouvelle, mais enfin ils peuvent à nouveau être contaminés. Et puis l’autre aspect, c’est la protection que certains invoquent par les Coronavirus traditionnels que l’on rencontre tous dans l’enfance et qui nous protégerait jusqu’à ce que l’on soit assez vieux pour ne plus s’en rappeler. Je suis un peu sceptique, d’abord parce que si ce sont les enfants qui transmettent ce truc-là, je ne vois pas pourquoi ils ne le passeraient pas à leurs parents et encore plus à leurs grands-parents quand ils viennent garder les enfants. On devrait avoir des grands-parents protégés par les petits-enfants et on ne le voit pas, donc cela je n’y crois pas beaucoup.
Je pense que le virus s’adapte parce qu’il est instable en rentrant récemment dans notre espèce, mais que l’immunité n’est pour cela qu’une variable très limitée. Et d’ailleurs, c’est pareil pour l’immunité acquise et non pas l’immunité naturelle. L’immunité du vaccin, compte tenu de ce que dans la population du globe on arrive à peine à un tiers de vaccinés et que l’émergence des variants ne suit pas du tout cette carte-là, la carte des zones vaccinées, je ne crois pas non plus que le vaccin soit le facteur majeur de l’adaptation du virus ce que certains anti-vaccins essayent de dire. Donc de penser que c’est l’immunité qui liquide le virus, peut-être un jour si on arrive à vacciner tout le monde, si on obtient des vaccins contre les variants ou à protection large, des injections répétées tous les 6 mois pendant 2-3 ans, peut-être pourra-t-on tenter un jour une campagne d’éradication, mais je suis assez sceptique et je pense que l’éradication ce sera soit que le virus s’est fait la malle tout seul, soit qu’il est devenu gentil, soit que l’on a trouvé des médicaments et là il y a des progrès. Les premiers sont en phase d’essais humains et j’espère qu’à l’été 2022, on aura des médicaments, c’est-à-dire une pilule à avaler, soit aux moindres symptômes, soit pendant 8 jours parce que c’est la période de l’épidémie, puis qu’on fera la peau au virus, si je puis dire de cette façon-là.
JC, à défaut de parler de médicaments, il y a différents types de vaccins, certains qui marchent mieux que d’autres ? Là aussi, vous avez eu des questions sur ce sujet.
Oui. Alors la question n’est pas tellement qui marche mieux parce qu’on raisonne en les employant tous de la même façon. On s’est rendu compte que les vaccins RNA, les vaccins récents, avec deux injections assez rapprochées donnaient une protection de quelques mois, maintenant on s’aperçoit qu’elle dégringole derrière. Quand on compare aux vaccins virus entiers tués dans les mêmes conditions, on dit cela protège moins bien, mais les virus entiers tués ou les autres vaccins inertes, il est très classique de les faire sur un schéma avec plus d’espacement et à 3 injections. C’est-à-dire que l’on fait une injection, la seconde à un mois, la troisième à 3 mois et ensuite un rappel entre 6 mois et un an, parce que les rappels ne posent pas de problèmes d’effets secondaires sur ces vaccins inertes si on emploie des adjuvants éprouvés. Et donc cela, c’est quand même un souci pour la pente que l’on a prise qui est de n’utiliser que des vaccins RNA qui ont déjà, dans les premières et surtout deuxièmes injections des effets secondaires qui ne sont pas négligeables et dont on peut craindre que si on doit les multiplier à nouveau, les fréquences d’effets secondaires ne finissent par s’envoler. À l’inverse, si on peut dire, comme ils sont très puissants, c’est sûr que c’est le rappel le plus efficace à court terme derrière d’autres vaccins ou même derrière les ARN avec une incertitude sur le niveau d’effets secondaires. On a d’ailleurs vu que les pays scandinaves ont arrêté celui qui est le plus dosé, qui est Moderna, pour le recommander finalement à demi-dose – et aux États-Unis, la question va se poser pareil – soit sur les gens qui ont déjà été infectés, soit sur les gens qui ont été immunisés.
Alors ces gens qui sont rétablis, les anciens malades en quelque sorte, il y a un certain nombre de mes pairs, de médecins et d’immuno qui disent, « mais l’immunité acquise par l’infection c’est encore ce qui se fait de mieux, donc on ne fera pas mieux en rajoutant du vaccin ». , rien, mais on a choisi une médecine, j’allais dire militaire. On fait pareil pour tout le monde, à l’entrée à la caserne, vous ne l’avez pas connu Alexis, on tend le bras, on n’a rien à dire et on reçoit l’injection. On pourrait quand même regarder les anticorps et voir si les gens ont des taux d’anticorps très élevés, à mon avis ce n’est pas la peine de les revacciner, même à demi-dose, parce que les effets secondaires peuvent quand même, quel que soit le vaccin, finir par arriver si on déclenche des stimulations trop importantes et des hyper immunités.
Il va falloir conclure, JC.
Donc pour l’instant, on en est en France sur une situation assez rustique. C’est comme le sketch de Fernand Raynaud que vous n’avez peut-être pas connu, « un steak avec des frites ? » dans un resto où il y a rien d’autre et où le loufiat demande « qu’est-ce que vous voulez manger ? » ». Et là maintenant c’est RNA, et c’est non seulement RNA, c’est Pfizer puisque l’on a encore un hiatus avant d’autoriser du Moderna à demi-dose. Donc, pour les sujets fragiles, c’est certainement à faire immédiatement, pour les sujets un peu moins fragiles, j’allais dire, la troisième dose on pourrait déjà regarder le taux d’anticorps et soit le faire tout de suite, soit attendre un peu parce que dans les 2-3 mois, je pense qu’il va y avoir des nouveautés dans les vaccins disponibles, comme, par exemple, le Moderna demi-dose ou peut-être finira-t-on enfin par accepter d’avoir des vaccins tués puisqu’il y a un fabricant français qui le produit en Grande-Bretagne et pour des raisons politiques mystérieuses, les Anglais n’en veulent plus. Donc pour l’instant, la France n’a pas acheté ce vaccin Valnéva, mais je ne vois pas très bien pourquoi on ne l’achète pas, à part d’avoir une obsession de faire du RNA parce que c’est moderne, alors que la Chine et l’Inde ont choisi et quand même déjà vacciné en virus entier tué pour les uns, plus d’1 milliard de personnes, pour les autres, près de 400 millions avec des vaccins traditionnels qui ne marchent pas mal quand on les emploie sur leur schéma normal et pas comme des vaccins d’urgence sur 2 fois à 3 semaines d’intervalle.
Et bien, merci Jacques Cohen, de nous avoir éclairés, on invite nos auditeurs à se rapprocher de votre blog pour avoir encore plus d’explications, « jhmcohen.com. », à très bientôt professeur.
À très bientôt.