Covid19: quand c’est fini n i n i….

Chronique du 11 mars 2022

Sur les ondes de RCF: LIEN

JC, aujourd’hui, on va faire un point sur l’épidémie de la Covid-19 parce qu’à l’heure où bas les masques ou finalement la guerre entre Russie et Ukraine prend une place importante et prépondérante même dans l’actualité, on a l’impression que la Covid-19 n’existe plus. Alors finalement, JC, quand est-il ?

Et bien je crois qu’effectivement on ne veut plus en entendre parler. Mais qu’on ne veuille plus en entendre parler n’implique pas que les choses aient disparu.

Le pic précédent, très élevé d’Omicron variants 1-2-3 a diminué rapidement, puis il a arrêté de diminuer il y a maintenant presque huit jours avec une stabilisation du nombre de cas, même une légère augmentation, c’est donc quelque chose de réel. On pourrait dire que les cas c’est bien gentil, mais comme c’est bénin, cette fois-ci on s’en fout complètement. Malheureusement, les nouvelles hospitalisations, elles aussi, suivent la même chose, c’est-à-dire qu’elles ont cessé de décroître et remontent très légèrement. Donc, il est tout à fait à craindre que l’on soit à un plateau et que ce plateau étant relativement élevé, il y a toute chance ou il y a de bonnes chances que d’ici trois mois on soit reparti pour la vague suivante. « Quand c’est fini, N.I. ni-ni, ça recommence » comme chantait Léo FERRE.

nouvelles admissions 12 3 22

Nouvelles admissions hospitalières. Le plateau dépasse le niveau du pic de l’été 2021

taux de croissance admissions

Nouvelles admissions hospitalières. Taux de variation. Le rouge indique une croissance.

Alors ce n’est pas totalement certain, on peut peut-être avoir de la chance et que cet à-coup dans la descente soit le fait des fonds de tiroirs en quelque sorte, c’est-à-dire du virus qui finit par aller chercher les dernières poches dans la population qu’elle n’a pas encore touchée. Malheureusement, cela ne me parait pas de loin le plus probable. Comme vous le savez, je pense qu’il n’y a pas d’immunité protectrice durable dans cette maladie et qu’au bout de trois mois tout le monde est à nouveau sensible de façon plus ou moins variable ou grave selon la vaccination ou pas, et bien, le scénario le plus probable est une reprise épidémique, sauf, encore une fois, si le virus qui a de l’humour décidait de se barrer tout seul. Alors, que devrions-nous faire ?

C’est la question que l’on vous pose, JC, justement parce que vous parlez d’une possible reprise épidémique. Qu’est-ce que l’on peut faire face à ce constat ?

Alors évidemment il ne faudrait pas que l’on reste à nouveau à attendre. Non pas à regarder passer les trains, mais à attendre le train épidémique suivant. Et il faut souligner ce que l’on a très mal fait ou ce que l’on fait très mal, et que nous avons plusieurs semaines pour corriger. Malheureusement, je ne suis pas persuadé qu’on va le faire.

Le premier problème c’est celui du dépistage et de l’analyse épidémiologique. Il faut avoir des échantillonnages géographiques et dans la population pour pouvoir déterminer ce qu’il se passe. Et aussi curieux que cela puisse paraître, après deux ans d’épidémie, on est toujours incapable de le faire. On n’a pas augmenté le maillage de détection des eaux usées. On est incapable dans un endroit précis de le focaliser jusqu’à l’échelle d’un pâté de maisons sur un foyer épidémique, d’une part. D’autre part, on n’est pas capable de faire de l’échantillonnage dans la population générale. On a pourtant d’excellents instituts de sondage qui savent très bien constituer des panels et qui nous donnent des pourcentages d’intention de vote pour une douzaine de candidats sans problème. Mais on n’est pas capable non plus de leur demander de nous préparer d’autres types de panels, c’est assez curieux. Ensuite, dans ce déficit du dépistage, il y a celui des moyens, nous devrions être capable de faire des séquences, beaucoup plus que nous le faisons pour justement préciser les apparitions ou le développement de variants. Et d’autre part, nous devrions être capables de faire des tests rapides et sensibles, ce qui n’est pas le cas. Parce que les tests antigéniques, je le répète ne servent à rien, ils sont positifs une fois sur deux, quand ils sont négatifs il faut les refaire, quand ils sont positifs il faut les refaire aussi pour pouvoir les typer. Donc, je ne leur vois pas un grand intérêt. Il est parfaitement possible de développer des tests et même des autotests sensibles génomiques avec des réponses rapides. C’est d’autant plus important d’avoir des réponses rapides que nous avons maintenant des médicaments que nous devrions commencer à utiliser à large échelle. Leur toxicité et leur rapport coût bénéfice étant bon, ces médicaments devraient être employés chez tous les sujets fragiles, y compris par exemple tous les sujets âgés, et dans les premières heures ou la première journée du diagnostic. Parce que plus c’est administré tôt, mieux cela marche. Donc là, il y a à mettre en place toute une logistique, à commencer par les commandes de ces médicaments. Il est à noter qu’aux États-Unis ces médicaments sont disponibles et ils ne sont pas assez prescrits parce que personne ne veut voir cette épidémie, personne ne veut plus entendre parler de ce virus et malheureusement, la tête dans le sable, la politique de l’autruche n’est pas la meilleure solution. Alors des tests sensibles et rapides pour les médicaments et aussi pour les anticorps préventifs, parce qu’il faut savoir où on en est. Et il faut couvrir en anticorps préventif, dès maintenant, les populations fragiles de façon beaucoup plus systématique. Là aussi, on ne s’est pas préparé et là aussi même les populations déjà identifiées comme fragiles ne sont couvertes qu’à peu près au quart ou au tiers d’après ce qu’indique Renaloo pour les insuffisants rénaux. Et aux États-Unis d’autre part, on a déjà choisi pour le Ronapreve de doubler la dose, ce qui semble avoir du mal à traverser l’Atlantique puisqu’on est resté sur la dose initiale. Depuis plusieurs semaines cela me parait quand même là aussi étonnant et ressortir de ce raisonnement général qui est « on ne veut plus en entendre parler, cela n’existe plus ». Pourtant au point de vue hospitalier, même s’il y a une diminution des cas, cela reste un problème majeur. Et au point de vue circulation virale on reste au-dessus des 500 cas pour 100 000, c’est-à-dire à 10 fois ce qui avait été indiqué comme le niveau auquel on aurait la possibilité de lever les restrictions sociales. Donc on l’a fait quand même parce qu’on est en période préélectorale et puis parce qu’on en a marre. Tout cela n’est quand même pas très sérieux et je crains également une exaspération assez importante lors de la vague suivante si elle se produit du fait de cette impréparation volontaire ou plus probablement par absence de décision pour mettre en place de nouveaux moyens adaptés à la nouvelle situation.

JC, vous parlez justement de moyens en disant on devrait être capable de faire un meilleur maillage, on devrait être capable de faire des tests sensibles et rapides. Et finalement, on voit que plus de deux ans après le début de l’épidémie on y arrive pas. Qu’est-ce qu’on a raté quelque part pour aujourd’hui ne pas être en mesure d’apporter ces solutions ?

Je crois que le principal problème c’est que le gouvernement n’a jamais voulu fâcher aucun des lobbies intéressés à la chose. C’est-à-dire que les situations acquises des laboratoires de ville, des pharmaciens, de l’industrie du réactif ou de l’industrie du médicament voire même l’industrie du vaccin, et bien, il ne s’agissait pas d’y toucher. On a traîné pendant un bout de temps en attendant l’arlésienne de Sanofi, par exemple, côté vaccin. On a enfin ce mois-ci un vaccin non-ARN alors qu’on aurait pu en importer beaucoup plus tôt, ne serait-ce que pour couvrir la tranche d’âge où les vaccins ARN ont des inconvénients chez les hommes jeunes. Tout cela c’est une administration un peu, non pas incestueuse, mais en relation étroite avec ses partenaires habituels au point que les habitudes réciproques font que le gouvernement ne peut pas faire passer de décisions en disant « cette fois-ci il faut changer, nous allons faire ainsi avec des moyens nouveaux ». Il n’y a pas que chez nous où il y a cette situation, mais chez nous elle est particulièrement marquée.

JC, vous en parliez également au début de votre chronique du jour, vous disiez finalement on peut imaginer qu’il va y avoir un rebond de l’épidémie dans les prochains mois. On sait qu’en tant que scientifique, vous n’aimez pas trop les boules de cristal, mais qu’est-ce qui vous fait prédire finalement, que d’ici 2-3 mois, et bien l’épidémie pourrait repartir de l’avant ?

Parce que pour l’éradication de l’épidémie, c’est la fin de la descente qui était le paramètre le plus important. Après un pic très aigu, si on était redescendu très bas, en dessous du seuil de survie du virus, on serait dans une situation favorable. Là, la stabilisation se fait à un niveau de circulation du virus qui ne peut que conduire inéluctablement à nouveau à des mutations et un échappement. Alors, il reste des éléments d’espoir, la possibilité que le virus lui-même considère que pour des facteurs qui lui sont intrinsèque il arrête de circuler. Mais ce début de stabilisation et de remontée est mauvais signe en ce sens. Ce n’est pas en faveur de ce départ du virus. Alors rien n’est encore définitif. Il reste encore une semaine ou deux pour voir l’allure que prend la courbe et puis de même des circonstances extérieures où d’autres virus peuvent influer, mais malheureusement, pour l’instant, l’hypothèse la plus probable c’est d’attendre la vague suivante et dans ce cas-là, il faut s’y préparer. Et même si on espère qu’elle n’ait pas lieu, cela me parait tout à fait anormal qu’on ne s’y soit pas préparé ou qu’on ne s’y prépare pas.

Et comme on le dit souvent à la fin de vos chroniques, Jacques Cohen, affaire à suivre. À très bientôt, merci de nous avoir éclairés professeur.

À très bientôt, merci.

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