Zones à faibles émissions. Reims pire qu’ailleurs !

Jacques HM Cohen  28 210 2022

Sur les ondes de RCF: LIEN

La chronique d’actualité cette semaine avec le professeur Jacques COHEN. Jacques bonjour !

Bonjour !

Vous allez nous emmener pas très loin de chez nous puisque l’on va s’intéresser à la ville de Reims, mais aussi à l’actualité en France en évoquant les zones à faibles émissions. Quelle est cette histoire de verbalisation automatique dans les zones à faibles émissions, JC ?

Le gouvernement vient d’annoncer qu’il fallait absolument installer des verbalisations automatiques pour faire respecter les zones de faibles émissions. Cela a 2 buts, le premier étant de ramener de l’argent et le second est de constater qu’effectivement, ces zones impraticables ne sont pas appliquées. Elles ont été mises en place, mais personne ne verbalise et je ne crois pas qu’un seul PV ait été délivré à Marseille, par exemple.

Donc le gouvernement persiste sur cette voie qui est extrêmement néfaste et dans le cas de Reims, cela l’est plus qu’ailleurs, et c’est ce que je voudrais développer aujourd’hui. Les zones de faibles émissions reviennent à interdire à peu près la moitié des véhicules assez rapidement et ultérieurement aux 3/4 des véhicules existants, en expliquant d’ailleurs que la vertu c’est l’électrique en oubliant comment l’électricité est produite. L’électricité était vertueuse quand nous avions 80 % d’électricité nucléaire, actuellement nous en avons moins et cela risque de se dégrader puisqu’on dit franchement que l’on vise 50 %. En plus, on va devoir utiliser de l’électricité allemande faite au charbon le pire possible, la lignite. Et on utilise du gaz liquéfié et redécomprimé venant des États-Unis, du gaz de schiste, que l’on a renoncé à exploiter en France. Enfin, tout cela est un désastre économique, de logique et scientifique antipollution. Mais sur des présupposés idéologiques, les pays occidentaux se suicident derrière une secte millénariste apocalyptique au lieu de s’attaquer sérieusement aux problèmes de pollution qui ne sont pas essentiellement les voitures comme nous le reverrons probablement une autre fois. Pourquoi est-ce pire à Reims qu’ailleurs ?

 

reims XIX fumées

Vue de Reims au XIX ème siècle. Une pollution charbonnière certaine….

On vous pose la question justement Jacques, puisque vous l’avez dit, on a envie d’en savoir plus.

Les zones de faibles émissions présupposent que ce sont les véhicules individuels qui sont la principale source de pollution, nous verrons ensuite que ce n’est pas du tout vrai, mais même si on prend cette hypothèse, il y a beaucoup de villes qui avaient considéré que l’on pouvait se limiter de 8 h à 20 h quand il y a de la circulation et de la pollution. Eh bien non, Reims c’est H24, même la nuit, même le week-end. Quand il n’y a pas de pollution, on évite quand même que des voitures polluent en interdisant l’essentiel du parc automobile ancien, dont il ne faut pas oublier que c’est le parc automobile des classes laborieuses. On annonce qu’il y aura des aides, mais les aides consistent d’une part à subventionner la vente des voitures – comme les prix ne sont pas plafonnés, les fabricants vont empocher l’aide et vendre un peu plus cher, tout simplement – et deuxièmement, les aides sont des prêts à taux zéro. Tant que l’inflation n’est pas astronomique, des prêts à taux zéo, cela veut dire simplement qu’il faut rembourser et malheureusement, les gens qui ont des voitures anciennes, que ce soient les retraités ou les travailleurs qui ne roulent pas sur l’or et qui en ont besoin, ces gens-là ne peuvent pas se permettre de prendre un emprunt même à taux Zéro et de rembourser 30, 40 ou 50 000€ pour avoir une voiture.

C’est complètement déraisonnable, c’est une exclusion sociale pure et simple. Pourquoi donc est-ce pire à Reims ? Parce que Reims est une ville particulière. D’abord, c’est une ville qui se termine abruptement dans la campagne et elle est toute petite (3 kilomètres sur 6), donc la pollution endogène à Reims est une plaisanterie. Les épisodes de pollution sont des épisodes de marais barométriques où par vents du nord-est puis absence de vent, la pollution vient de la Ruhr en Allemagne. C’est la pollution du charbon parce que l’Allemagne continue d’utiliser énormément le charbon et va en utiliser plus pour éviter le gaz. C’est donc une pollution lors des marais barométriques qui est exogène. La pollution endogène à Reims est complètement fantasmatique à une exception près qui sont les particules fines du diesel, c’est-à-dire essentiellement des camions sur la voie Jean Taittinger, camions qui sont en plus en transit. Donc c’est pire à Reims parce que la zone définie est une zone qui couvre non seulement le centre-ville, mais aussi les axes stratégiques routiers. Il y a à Reims un contournement au sud, mais pas au nord, le contournement n’est donc pas total. Et il n’y a pas non plus de boulevard périphérique de desserte urbaine qui donnerait un arrosage ou un drainage sur la ville. L’autre axe hors de l’axe Taittinger c’est l’axe de la route de Charleville avec l’échangeur général de Cormontreuil. Et donc tout cela, c’est dans la zone et il n’y aura plus de circulation possible, sauf à énorme détour pour aller de l’ouest à l’est de la ville, etc. Reims n’a pas de banlieue, mais a des petites villes ou des bourgs satellites, ce qui est une très bonne solution parce que cela permet aux gens de vivre à la campagne et de travailler en ville. Encore faudrait-il développer les transports en commun essentiellement sous forme de tram-train, on y reviendra un jour ou l’autre dans la chronique, mais pour l’instant, il n’y a rien.  Donc 94 % des transports sont faits en voiture et là, les gens ne pourront plus aller en ville. Les quelques industriels qui restaient à Reims ont très bien compris. Comme ceux du Champagne, ils vont sortir de la ville, s’installer au loin ce qui conduira d’ailleurs leurs employés à faire de plus en plus de route puisqu’ils seront plus loin. Et du point de vue de la ville, c’est un désastre de désindustrialisation. C’est la transformation de la ville en une zone réservée aux bobos et à leurs parents, qu’ils soient maintenus à domicile ou dans quelques maisons de retraite. C’est donc une ville qui sera réservée à ceux qui n’ont pas besoin de voiture et c’est un raisonnement qu’ont un certain nombre de gens et qui a une conséquence économique parce que l’on parle rarement du conflit d’intérêt que cela représente. L’essentiel des décideurs de la ville habite la ville donc s’ils ont un patrimoine dans la ville, le prix va augmenter avec les difficultés d’entrées et de sorties. Réciproquement, le prix des pavillons des pauvres à la campagne va s’effondrer. Ces classes laborieuses qui sont coincées avec des emprunts à long terme pour ces maisons vont donc se retrouver dans une situation désastreuse. Il est totalement dommageable que la gauche suive ces fantasmes écologiques au lieu de regarder d’abord sérieusement quelles sont les causes de pollution. La principale pollution régionale, les gens n’y pensent pas, mais c’est paradoxalement la pollution agricole. Ce sont les intrants ou engrais qui sont des produits azotés qui partent des champs en poussière de petites particules et les associations militantes et non scientifiques comme ATMO disent « mais ces particules-là, ce n’est pas gênant, ce ne sont pas des hydrocarbures », sauf qu’il suffit de demander aux pierres de la cathédrale qui sont complètement mangées par les transformations de ces produits azotés- toutes les pierres de Reims en sont contaminées- La réduction des intrants et l’agriculture raisonnée qui est en progrès c’est le principal chemin vers la réduction de ces particules fines à Reims. C’est en voie non pas d’achèvement, mais c’est commencé, c’est à poursuivre et c’est l’élément de loin le plus important. Les camions sont d’autre part à retirer de la voie Taittinger de 2 façons : soit puisque ce sont des camions en transit, il faut trouver des solutions financières pour qu’ils empruntent le contournement Sud puisque le contournement Nord n’existe pas, soit parce que cette voie Taittinger peut être couverte.

D’abord, il faut remarquer qu’il n’y a qu’un capteur pour la pollution à Reims, contrairement aux cartes extrapolées et extravagantes que l’on voit affichées. Il n’y en a qu’un, il était rue de Venise, ça ne suffisait pas, puis avenue Paul Doumer et enfin on l’a collé le long de la voie Taittinger. C’est en le collant à ras de l’autoroute, à ras de la voie Taittinger que l’on arrive péniblement à ce que des chiffres rémois nécessitent d’user d’une ZFE. Vous faites 100 mètres de cloison le long de la voie Taittinger, il n’y a plus besoin de SFE, ce qui est quand même assez amusant. Le maire Robinet, a senti les ennuis et déclaré que si la situation s’améliorait, on pourrait éviter de chasser les « Critair 3 » l’an prochain. Je lui fournit une recette simple: déplacer l’unique capteur ! Et si cela parait trop cousu de fil blanc, lui adjoindre un second capteur n’importe où qui fera mécaniquement tomber la moyenne de pollution… 

Au lieu de ce truc cosmétique, on peut d’une part soit détourner les camions, soit envisager un projet beaucoup plus ambitieux sur lequel je reviendrai qui est de créer un nouveau coteau Rémois. Il y a un couloir en ville de 5 kilomètres où on peut à la hauteur raisonnable des 27 mètres autorisés créer un ruban de construction, éventuellement verdoyant, pas forcément monotone. On ne peut pas refaire la Grande Motte comme l’avait fait Jean Balladur dans les années 60. Mais on peut avoir un urbanisme audacieux pour construire quelque chose de différentié, ou faire que l’autoroute soit couverte. Mais alors couverte dans des constructions modernes métalliques et pas forcément en béton et qui soit financé par ce qu’il y a dessus. Parce qu’il ne s’agit pas de creuser pour faire un tunnel – ce qui reviendrait une fortune en pleine nappe phréatique – mais de recouvrir dans une structure métallique comportant des habitations, des bureaux, des choses publiques, des espaces utilisables parce que l’on dispose de 150 mètres de largeur partout au moins pour faire cette nouvelle colline, c’est-à-dire un nouveau coteau rémois, qui permettra que la pollution en dessous soit captée et filtrée. Et il n’y a pas de grande difficulté puisqu’il y a le canal pour avoir de l’eau. Au-dessus, on disposera d’une nouvelle zone urbaine. De plus, Reims qui manque de terrain et de surface constructibles n’aura pas besoin d’aller envahir les champs alentours, mais aura plusieurs centaines de milliers de m², presque 1 million au total, de développement possible tout en ayant une façade harmonieuse et non pas quelque chose de hideux ou une coupure dans la ville.

C’est un projet ambitieux qui ne se fera pas en un an, mais je vous rappelle qu’il avait été proposé la même chose pour le périphérique de Paris et pas par quelqu’un de ma mouvance politique. Mais par NKM qui, ayant été battue, a vu ses propositions partir à la poubelle alors que c’est une proposition tout à fait raisonnable. On peut se débarrasser du problème de la voie de Taittinger à coût nul pour la collectivité parce que c’est le développement immobilier correspondant qu’il soit d’entreprise, public ou privé ou d’habitation qui pourra financer peu à peu cette transformation urbaine et ce développement de la ville. Voilà ce que je voulais vous en dire.

La grande motte

La voie Taittinger disparaitrait sous les bâtiments. Sans reproduire l’architecture des années 60, on peut avoir autant d’ambition que J Balladur et des inventions nouvelles !

Le-Babylone-300x233

De nos jours, ces terrasses pourront être beaucoup plus vertes !

C’est parfait, professeur. Vous avez apporté un problème et des solutions. On vous en remercie et vous retrouvera très bientôt parce que l’on a compris que vous aviez encore de choses à nous dire a priori.

Absolument et je peux attirer votre attention sur le fait qu’il y a plusieurs années je crois que c’était en 2015 ou par-là, j’ai fait un sujet sur mon blog concernant la pollution à Reims et les mythes correspondants qui malheureusement reste totalement d’actualité.

On donne rendez-vous à nos auditeurs sur votre blog jhmcohen.com pour retrouver ce sujet, avec des illustrations et encore plus de détails. À très bientôt professeur !

À très bientôt.

Mes sujets précédents sur ce thème:

https://jhmcohen.com/2014/03/15/ecologie-scientifique-et-ecologie-rituelle/

https://jhmcohen.com/2015/07/16/sur-les-ondes-solutions-et-conseils-pour-les-jours-de-canicule/

https://jhmcohen.com/2018/11/26/ecologie-apocalyptique-ou-ecologie-scientifique/

https://jhmcohen.com/2019/07/02/canicule-et-rituel-ecologiste/

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