Élection présidentielle : Le jour d’après

CHRONIQUE du mercredi 22 mars 2017

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Bonjour à tous, bienvenue à « chronique d’actualité » comme toutes les semaines avec Jacques Cohen, bonjour Jacques !

Bonjour.

AV: Merci d’être avec nous. Aujourd’hui, on va évoquer l’actualité politique, enfin pas vraiment l’actualité, on ne va pas revenir sur le débat entre 5 candidats à l’élection présidentielle, mais on va s’intéresser au coup d’après. Les bons joueurs d’échecs savent anticiper et c’est vrai qu’il y a certes l’élection présidentielle, mais quelques semaines après, l’élection législative, et on sait que dans notre Vème République, c’est important et c’est même primordial d’avoir la majorité pour gouverner.

C’est d’autant plus important que la réduction du mandat présidentiel à 5 ans a supprimé le jeu que représentaient la dissolution et les modifications de majorité. Maintenant, en quelque sorte, un Président et une Assemblée sont condamnés à vivre ensemble et souvent à cohabiter en termes politiques.

Donc, c’est tout à fait important de considérer le coup d’après ou le jour d’après, car après les élections, il n’y a pas de pilule du lendemain en politique, il faut faire avec ce qui vient d’être décidé.

D’habitude dans le fonctionnement de la Vème République, la logique est que les électeurs donnent au Président une majorité qui lui permettre de gouverner.

C’est une logique qui a été longtemps très forte puis qui s’est un petit peu effritée. Elle a été limite pour François Hollande qui a eu une majorité qui n’était pas pléthorique et qui comportait aussi beaucoup d’ennemis à l’intérieur, ce qui a conduit au résultat que l’on a vu ensuite.

Une grosse discussion est : est-ce que les Français voudront donner une majorité au Président, quel qu’il soit ? Parce que finalement, les candidats ne semblent pas portés par un enthousiasme majoritaire dans l’opinion, on n’est pas en 1958. Les Français feront-ils bonne figure, en quelque sorte, ou assistera-t-on à la coalition des mécontentements pour ne pas donner de majorité au Président ?

Et il faut regarder, quelles en seraient les conséquences, car s’il n’y a pas de majorité, il y a trois possibilités : des coalitions équilibrées, basées sur un côté ou sur l’autre ou la crise institutionnelle. Ou encore, le gouvernement minoritaire qui doit faire passer ses mesures une à une avec l’accord du reste de l’assemblée, où sa neutralité est plus ou moins bienveillante et qui peut aussi tenter le Président d’essayer une épreuve de force en gouvernant par ordonnances, ou probablement pas quand même, par l’article 16, quel que soit le Président élu.

Le seul à annoncer un changement structural en cas d’élection, c’est Emmanuel Macron, qui dit qu’il lancera un mouvement pour le Président et que les Français, dans ce cas, lui donneront une majorité à travers ce mouvement, c’est-à-dire sans en passer par le système des partis.

Les partis pensent évidemment le contraire, à savoir que dans l’éventualité où Emmanuel Macron serait élu, c’est le jour d’après que l’on revient aux choses sérieuses et aux choses habituelles. C’est-à-dire à la cuisine de savoir qui soutient, de savoir comment les circonscriptions sont partagées. Car dans un système morcelé, les candidatures multiples au même endroit sont mortelles à chaque fois.

Donc les accords peuvent être extrêmement payants, qu’ils soient avec le Président ou qu’ils soient contre lui. De ce point de vue, Emmanuel Macron, est le seul à tenter une opération que l’on peut dire « gaullienne ». Pour les autres, on peut avoir un peu de tout. Marine Le Pen peut avoir besoin d’alliés ou tenter le gouvernement minoritaire et s’appuyer éventuellement même sur des référendums. Les autres que l’on pourrait dire « outsiders », qu’il s’agisse de François Fillon ou qu’il s’agisse de Benoît Hamon, eux font retomber les Français dans un terrain connu en termes d’accords multiples. Et même le sénateur Mélenchon, si par le plus grand des hasards il se retrouvait à l’Élysée, retrouverait assez vite les habitudes qu’il n’a pas perdues pendant une bonne trentaine d’années de vie politique d’élus du PS ou autour.

Mais, l’incertitude est majeure.

Oui j’allais dire, pour aller dans votre sens Jacques, à l’heure où nous parlons et des éléments dont nous avons connaissance, le risque d’une paralysie institutionnelle est assez élevé !

Vous savez qu’il n’y a pas, en politique, de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre.

Donc, c’est un risque, mais qui conduit à ce moment-là, non pas à ce que les gens pensent, c’est-à-dire à la nécessité d’une VIème République et un changement des règles immédiat, parce que justement, il faut que le système fonctionne pour pouvoir changer les règles. Sinon, il n’est pas possible de les changer. Mais cette situation peut conduire, à travers une crise institutionnelle, à remettre les compteurs à zéro dans une nouvelle élection après avoir coincé le Président à dissoudre quand même dans les pires conditions. Dans un délai qui n’est pas forcément à l’échelle d’un mandat, mais assez rapidement s’il n’y a pas de solution de gouvernement.

Tout cela reste très incertain et aucun des candidats ne peut faire d’ailleurs le chantage pour dire « c’est moi ou le chaos » comme avait dit le Général. Car dans toutes les configurations, l’hypothèse d’une majorité paisible, à l’aise, d’une majorité par alliance et par contrat de gouvernement, n’est pas impossible, comme l’absence de majorité tout court, avec la crise dont on parlait.

Le contrat de gouvernement, ce n’est pas du tout une habitude culturelle française, contrairement à l’Allemagne avec des petites ou des grandes coalitions.

Nous avons donc, d’une part, pas bien l’habitude des coalitions et d’autre part, celle de tenir les contrats politiques pour des chiffons de papier. Donc, on voit très mal le système allemand, avec des engagements sur des mesures précises, se mettre en place instantanément. Mais peut-être préfigure-t-il notre avenir et qu’avec quelques anicroches et quelques trahisons, colères et péripéties, ce système s’installera cahin-caha chez nous aussi.

Merci, Jacques, à la semaine prochaine !

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