Premier tour : quelques surprises cartographiques

CHRONIQUE du mercredi 26 avril 2017

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Bonjour à tous, chronique d’actualité avec Jacques Cohen, bonjour Jacques !

Bonjour.

Les enseignements du premier tour de l’élection présidentielle. Déjà un enseignement géographique, c’est vrai que l’on voit un certain nombre de cas pour comprendre un petit peu, comment on a voté ? Et, évidemment, on voit plusieurs distinctions, notamment une : Ouest, Est.

La première apparence de la carte, c’est Est contre Ouest, l’Est étant en faveur du FN et l’Ouest étant en faveur d’Emmanuel Macron.

C’est un peu plus compliqué parce que si l’on ne prend pas des cartes plates et géographiques, mais des cartes de populations avec l’anamorphose des villes, comme des effets de loupe, à ce moment-là, y compris dans l’Est, Macron est en tête dans les grandes villes. C’est le cas, par exemple à Reims, en pleine zone plutôt bleue et bleue nuit. La ville de Reims se manifeste de façon visible comme la métropole régionale et Macron est en tête, à peu près dans tous les cantons. 

cartes EM_MLP.jpg

Les explications qui ont été proposées par les géographes comme Le Bras sont relatives à une différence parmi les campagnes à l’est et à l’ouest. Ce n’est pas la densité des campagnes ni leur poids relatif par rapport aux villes qui compte : il y a des campagnes qui votent à droite et maintenant à l’extrême droite et des campagnes qui votent plutôt à gauche, dans des endroits géographiquement différents, avec des peaux de léopard, de petites tâches un peu partout qui demanderaient à être regardées dans notre région. C’est le cas, de façon très traditionnelle, de certains coins du vignoble par rapport à d’autres.

Mais si l’on reprend une vue d’ensemble, la proposition de Le Bras est de remonter très, très loin à la période médiévale d’habitation dispersée par rapport aux habitations sous forme de bourgs et villages, et que donc, les zones de bourgs et villages auraient viré à l’extrême droite, tandis que les zones d’habitat dispersées autrefois, seraient des zones qui seraient plus au centre et à gauche.

Dans des zones qui ont eu l’habitude d’avoir des services, je pense à pas mal de petites bourgades dans le Nord Pas de Calais, des choses comme cela.

J’ai une interprétation un petit peu différente de celle de Le Bras. Je pense que les campagnes des bourgades, bourgs et des villages, étaient très bien reliées, dès le XIXème et XXème siècle, aux villes. Il y avait des échanges intenses. Par exemple, dans le Nord, il y avait un réseau de tramway extraordinaire jusqu’au dernier village. Dans la région, ici à Reims, il y avait, non pas un RER, mais un tram régional qui allait jusqu’à Dormans et qui était capillaire dans tous les villages.

Mais cette situation de villes dynamiques et de campagnes irriguées, s’est cassée récemment. Paradoxalement, elle s’est cassée au moment des développements importants des villes dans les années 60, 70.

De l’autre côté, les campagnes extrêmement fragmentées et morcelées ont vu des progrès dans la même période, des années 60, 70. Elles ont vu apparaître des supermarchés, un réseau routier digne de ce nom et ses campagnes, très inhospitalières donc, se sont retrouvées beaucoup mieux reliées à des villes qui, elles-mêmes, étaient beaucoup moins en perte de vitesse que les villes traditionnellement fortes des zones industrielles du pays.

Donc, c’est plus cette coupure paradoxale, de ne pas avoir de progrès récent, qui a conduit à la dérive des campagnes dans l’Est, tandis que, au contraire, les campagnes dans l’Ouest sont beaucoup plus reliées à leurs villes et sont beaucoup plus optimistes. Parce que l’on peut dire qu’il y a une France des pessimistes et une France des optimistes. Et la coupure est que les pessimistes votent Le Pen et les optimistes votent Macron.

Il y a un autre élément que l’on peut remarquer sur la carte, justement si l’on prend cette carte des villes, donc cette anamorphose avec les grosses loupes sur la base des populations, c’est l’apparition ou la résurrection d’un parti protestataire de gauche, c’est-à-dire que Marseille, Montpellier, Toulouse, Lille ou la Seine Saint-Denis, mettent Jean-Luc Mélenchon en tête. C’est le retour, en quelque sorte, d’un parti protestataire de gauche. Dont on pourrait bien se demander à quoi il va servir puisqu’il est sur une ligne qui est finalement peu différente de celle du Front National, sur une impasse en termes de gouvernement. Mais cela peut redevenir une option municipaliste. Et finalement, le PC a vécu 30 ans comme cela. On ne sait jamais, cela peut être j’allais dire, une issue ou un exutoire. On ne sait jamais ce que cela peut devenir dans les années et les élections suivantes.

Une question simple pour terminer, est-ce qu’Emmanuel Macron peut être battu au deuxième tour ?

Il y a plein d’élections imperdables qui ont quand même été perdues, donc il ne faut jamais « vendre la peau de l’ours ». On peut dire qu’Emmanuel Macron a une grosse avance. Lorsque l’on fait des simulations, il faut, pour qu’il perde, et un mauvais report, et un accident industriel en quelque sorte, c’est-à-dire quelque chose qui le fasse dégringoler de plus de 3 points d’un coup.

Il a des ennemis. Bien sûr Marine Le Pen. Il a aussi comme ennemis, tous les ennemis de l’Europe, de l’Union Européenne. C’est-à-dire, d’un côté Vladimir Poutine, tout le monde le sait, mais aussi les ultras américains qui veulent également morceler l’Europe pour négocier des accords déséquilibrés pays par pays. Mais aussi les islamistes en tout genre, qui veulent pouvoir s’insinuer ou prendre les positions communautaristes géographiques de zones libérées dans des banlieues ou des centres ville selon les pays. Ils auront la tâche plus facile s’il n’y a pas de règlement et d’attitude homogènes de l’Union Européenne. Donc, cela lui fait déjà beaucoup d’ennemis et ces ennemis de l’extérieur peuvent s’efforcer de peser sur le scrutin.

Et puis, il reste toujours un dernier ennemi pour chacun d’entre nous, c’est lui-même. On peut être toujours son propre ennemi si l’on fait une bêtise.

Donc, il a une très grosse marge, il a de très bonnes chances d’être élu. Un tout petit risque de ne pas l’être. Mais le principal est que, en cas d’élection, il y a un énorme écart pour l’avenir, pour la suite, selon qu’il est élu 60/40 ou selon qu’il est élu 52/48 à l’opposé, ce qui serait très médiocre, ou entre les deux, vers 55/56. Donc, cela conditionnera la suite et le type de gouvernement qu’il pourra constituer, comme le type de recomposition ou pas des personnels et du paysage politique, qu’il peut déterminer.

Merci, Jacques ! On avait, d’ailleurs, évoqué ces écarts lors du premier tour dans une émission. On a vu que, effectivement, cela peut jouer et avoir une importance dans les résultats et la suite des évènements. À bientôt Jacques !

À bientôt.

Analyse d’H LeBras:

http://tempsreel.nouvelobs.com/presidentielle-2017/20170424.OBS8462/herve-le-bras-la-carte-du-vote-macron-est-l-inverse-de-la-carte-fn.html

Plusieurs cartes anamorphiques de population:

http://www.alternatives-economiques.fr/vote-grandes-villes-clivages/00078538

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