Covid 19: les futurs de l’épidémie.

JHM Cohen 26 03 2021

Sur les ondes de RCF: lien 

Pour tenter de deviner la route que le virus suivra à l’avenir, il faut déjà regarder celle qu’il a suivie. Dès qu’une fraction de contaminés disséminateurs asymptomatiques a été mise en évidence, il est devenu évident en Février 2020 que la pandémie était inévitable. Nous pensions que cette épidémie se limiterait à une vague comme celle de son grand frère le Sars-Cov 1 de Hong Kong. Quand le virus  s’est installé dans la durée dans les deux hémisphères sans y tenir compte des saisons et climats, nous avons voulu qu’il se comporte sinon comme son frère mais comme ses cousins les 4 coronavirus installés durablement dans notre espèce. Qui sont tous des virus saisonniers et d’une assez grande stabilité.  Le peu de variation du Sars-cov2 pendant ses 9 premiers mois d’existence, engageait à cette analogie. Nous aurions dû pourtant remarquer dès l’été qu’il se distinguait de ses cousins par son insensibilité climatique ou saisonnière. Avec des vagues simultanées dans les deux hémisphères par exemple.

Sa stabilité était étonnante pour un virus récent dans l’espèce humaine. Elle n’était qu’apparente dans une période de ruée vers l’Ouest sans obstacle. Une fois  arrivé à une immunité de barrière et non d’éradication, le virus a révélé un potentiel de mutation et d’adaptation  considérable. Nous avons alors espéré en une immunité d’éradication: immunité de troupeau en oubliant que ses cousins ont l’habitude d’induire une immunité peu durable et capricieuse selon les individus. 

 

Les lois de variations du virus. 

Nous commençons à comprendre les lois de variation concernant le spike permettant de mieux s’y accrocher et d’éviter les anticorps induit par la souche précédente.  On peut prédire de variants in silico mais aussi en créer en culture. Ce qui n’est plus considéré comme une expérience honnie de gain de fonction puisqu’on comprend enfin combien cela est utile pour préparer les prochaines générations de vaccin en prenant pour une fois de l’avance sur le virus. 

Les variations hors du spike sont encore très peu comprises. Elles conditionnent pourtant non seulement une bonne part  de l’échappement immunitaire mais les paramètres d’adaptabilité du variant. Le variant sud africain est ainsi tenu en respect par le variant britannique qui ne lui cède pas la place. De même, ce variant Sud-Africain transplanté dans le Cantal par des gens en provenance de Mayotte, n’y a pas fait souche malgré l’absence de concurrence locale.  Mais on ne sait pas ce dans l’écosystème du massif central le lui convient pas. Un élément en revanche très favorable découvert sur ce variant sud africain, c’est que si un variant échappe par définition à la souche précédente, l’immunité qu’il induit peut aussi protéger comme cette souche racine, et peut être certains autres variants. On ne sait pas encore si pour certaines combinaisons, une immunité délétère de réaction exagérée sera à craindre comme dans la dengue ou pas.

La diffusion inter espèces

Si nous sommes toujours prêts à accuser une autre espèce voire d’un endroit à l’autre des gens pas d’ici de nous avoir refilé le virus, nous oublions qu’une pandémie humaine distribue généreusement du virus aux autres espèces domestiques et sauvages qui font nos poubelles par exemple. Il est très vraisemblable que mutant rapidement chez l’une d’entre elles, les variants très divergents aient fait un tour dans une autre espèce. Et que dans la durée, les formes adaptées à telle ou telle espèce animale, s’y installeront comme réservoir durable tout en pouvant un jour ou l’autre refaire une incursion chez l’homme. 

 

L’immunité collective est elle un mirage vis-à-vis du sars-cov2?

Pour un virus de la contagiosité du Sars-cov2, on sait schématiquement que le virus commence à être gêné dans sa diffusion lors qu’un quart de la population l’a rencontré et qu’il faudrait qu’environ les 2/3 de la population soit immune pour l’éradiquer. A condition, que l’immunité naturelle ou vaccinale contre ce virus soit durable. Si les sujets contaminés lors d’une vague épidémique ne le sont plus 9-10 mois plus tard, l’immunité de troupeau devient un mirage qui fuit devant nous dans les sables de l’épidémie. 

Quel est la taille du marché à conquérir pour le Virus ?

On a vu dès décembre que la seconde vague n’avait pas la même allure selon le déroulement de la première vague à tel ou tel endroit. Mulhouse et la Seine Saint Denis fournissaient de grands espoirs d’avoir presque fait le plein. La courbe plate de Mulhouse avec une redescente lente et régulière permettait d’espérer calculer le maximum  de diffusion virale. Alors qu’un interminable plateau secoué d’un houle de pics localisés et désynchronisés s’est installé ailleurs dans notre pays depuis plus de 3 mois. Qui a produit déjà 40% de la mortalité globale. Mais on observe depuis peu de temps une tendance au plateau ou même à une nouvelle vague de houle à ces endroits. On, peut craindre que l’effet de l’immunité acquise par la première vague commence à s’y dissiper

mulhouse hopsitalisations 26 3 21

Mulhouse stock d’hospitalisés là où la première vague fut la plus haute. Après une redescente quasi constante, on entre ici aussi et très en retard dans une nouvelle phase de plateau et vague.

mulhouse réa 26 3 21

Mulhouse patients en réanimation. La redescente lente du pic de novembre s’est brusquement arrêtée…

reims vagues réa

Patients en réanimation dans la Marne. On voit nettement les mouvements de houle des vagues successives agitant un plateau constant. Données SPF G Rozier

Si l’on regarde dans l’autre sens, les régions les plus atteintes,  en chiffres et pas en temps d’antennes de prédicateurs apocalyptiques, on constate que de nombreux « pics localisés » ont déjà eu lieu, sans attirer l’attention ou conduisant à des mesures des semaines après que le pic n’ait atteint son sommet ( la situation de Nice est ainsi une caricature ).

Nice hospit 26 3 21

Une vague niçoise qui plafonne bien avant le confinement local et ne bouge guère depuis (patients en hospitalisation)

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Patients hospitalisés. Un pic à Perpignan sans aucune mesure spécifique locale, avec une redescente relativement rapide. Et l’esquisse du suivant ?( données G Rozier )

On constate surtout que la mortalité la plus haute en proportion de la population se situe en Franche Comté et dans le  Grand Est. En extrapolant la mortalité encore en attente d’après la courbe de Mulhouse, on pouvait envisager qu’il manquait encore au virus pour tout le pays un peu moins de la moitié de la moisson déjà faite. 

décès par MH

On voit nettement que par M habitants Grand Est et Bourgogne Franche Comté devancent largement les autres régions. Qui ont encore du chemin à parcourir.

Malheureusement, soit par affaiblissement de l’immunité acquise soit sous l’effet de variants mal caractérisés mais lui échappant, il faut envisager que le virus ne se contente pas de 2000 victimes par million d’habitant selon le calcul précédent. 

Les 3 scénarios du futur viral:

A le bouquet final. 

l’efflorescence de variants plus méchants au prix d’une moindre diffusion inapparente de chacun, remettant les compteurs à zéro sans effet d’immunité préalable peut conduire à des pics étroits et soudains, disparus depuis la première vague. Sous forme de bouquet final, le virus s’étouffant lui même dans ces bouffées inadaptées à sa survie durable, comme à Chauny par exemple. A la fin du bouquet final, quand les explosions et les clameurs se taisent, le virus a disparu laissant dans un silence sidérant à une population qui aura du mal à le croire.

B Le meilleur des mondes viraux

Un point de vue irénique est de considérer qu’un virus qui ne veut pas mourir finit toujours par composer avec son espèce hôte et qu’un variant bénin mais fortement contagieux vient écraser les autres. Selon l’évolution d’un des cousins ( OC43 ) entré à grand bruit dans notre espèce vers 1890 comme bien méchant, puis assagi pour être devenu une source habituelle de rhume de l’enfant. Le coronavirus de la diarrhée épidémique des veaux des années 70 a suivi le même chemin, au point qu’on a cessé la vaccination du bétail. Cette évolution n’est pas exclue, mais le virus peut tout aussi bien considérer qu’il ne met pas notre espèce en péril à son niveau de virulence actuel et qu’il n’a plus d’efforts à faire.

C Les multiples saisons d’une série. Le virus de David Vincent.

Le virus peut rester préoccupant par des variants remettant les compteurs à zéro par leur échappement immunitaire et produisant des épidémies récidivantes, avec les variations de l’imagination du scénariste tantôt localisées géographiquement, tantôt d’une clinique originale, tantôt d’une prédilection changeante pour telle ou telle population ou co morbidité. Ceci pendant des années, jusqu’à ce que la diffusion d’un autre virus, qu’il soit pathogène ou pas, lui barre la route. 

Sommes nous impuissants ?

En tout cas nous pouvons ne pas le rester. Grâce aux vaccins et grâce au dépistage. Fort heureusement, nous sommes en mesure de contre carrer l’évolution naturelle de la pandémie. Les vaccins actuels vont permettre de limiter la mortalité cette année. Il est peu probable que cette première génération permette l’éradication du virus. On peut espérer que les secondes générations vaccinales incorporant les variants courants, puis la troisième génération incorporant les variants prévisibles, « variants de variants » permettront de venir à bout du virus. Si nous réduisons sa diffusion par les tests et l’isolement strict des porteurs. 

Il nous faut pour cela deux familles de tests. Les tests barrières en auto-tests génomiques sensibles à utiliser par millions par semaine pour les entreprises, les lieux d’éducation, mais aussi pouvoir aller à la salle de sport au concert au restaurant etc. pour 5 à 10 € par test salivaire ou de rinçage nasal avec un résultat en une demi-heure. Donnant accès pour 48h à tous les lieux recevant du public. La part de prise en charge par la collectivité et la part individuelle ou de l’employeur restant à déterminer. De tels tests permettent la réouverture pure et simple de toute l’activité sociale si on y adjoint un pass pour vaccinés qui ne suffirait pas seul longtemps sous la pression des variants. il faut aussi isoler les porteurs hors de leur milieu habituel. Si nous ne disposons pas de camps de type chinois ou vietnamiens pour cela, nous avons en revanche, plus de 2 millions de chambres dans notre industrie touristique au chômage dont 10% suffiraient pour permettre un confinement d’une semaine, avec test de sortie, dans des conditions relativement agréables de 3 étoiles ou plus.

L’autre  dépistage est celui de l’éradication de la circulation virale résiduelle à la fin de la vague actuelle ou plus exactement du plateau, en montant des plateaux et des structures de prélèvements de capacités massives par unités d’un million de test en 5 jours. Limitant à cette durée un confinement strict d’une zone donnée. 5 ou 6 unités permettraient ainsi de couvrir tout le pays en 3 mois. Si le test de masse en pleine épidémie est illusoire comme l’ont montré les essais de Liverpool et de la Slovaquie. Une telles campagne réaliste est proposée aux USA par Haseltine devant la baisse spectaculaire de la circulation virale dans son pays, incitant à ne pas cesser  la lutte contre le virus mais de tenter d’éradiquer sa circulation résiduelle. Comme les chinois l’ont fait à Wuhan. Nous verrons s’il aura plus de succès dans son pays que Catherine Hill ou moi-même ici en France ! Ou si la confiance excessive dans les vaccins fera là-bas aussi cesser les efforts

Faute de quoi, lentement mais sûrement, le virus, identique ou travesti si nécessaire, reconstituera sa masse critique, pour revenir en force quand il le pourra.

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