Chronique du 25 juin 2021
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Jacques Cohen, bonjour.
Bonjour.
Et on continue d’évoquer la crise de la Covid-19, avec tout d’abord ce variant Delta qui arrive en France du côté des Landes, du côté du Bas-Rhin. Quand est-il exactement, JC ?
Et bien, nous avons un développement d’un variant ou de plusieurs variants – car nos méthodes d’analyses en France sont très imparfaites là-dessus – dans les Landes, à Marseille et d’après le test des eaux usées dans le nord du Bas-Rhin près de la frontière allemande. Et l’attitude que nous avons là-dessus doit être considérée comme assez ridicule vue de Pékin ou vue de Tel Aviv car nous sommes assez contemplatif avec des mesures qui sont des mouvements de menton, mais qui ne sont pas très importantes techniquement, qui ne sont pas bien faites. Par exemple, le département des Landes c’est 400 000 personnes. Ce département devrait être bouclé depuis au moins 15 jours et on devrait pouvoir en 5 jours expédier très largement le test général de la population, on ne le fait pas, c’est pareil dans le nord du Bas-Rhin, etc…, on en reste à des opérations ponctuelles. On a une opération ponctuelle à Toulouse chez Airbus où on se met à tester 400 personnes par jour dans une usine de plus de 5 000, etc., et en plus tester avec des tests antigéniques, ce qui est d’une sensibilité désastreuse particulièrement pour des variants. Donc nous sommes ridicules. Alors, si le virus le veut, ce variant, ou ces variants d’ailleurs, vont progresser et donner peu à peu une épidémie. Nous en saurons le calendrier en fonction de la circulation virale résiduelle en post-pic, puisque nous sommes encore en descente. Nous allons voir selon le niveau de circulation virale résiduelle. Le délai de remontée selon l’installation de ces variants, peut ainsi varier, si je puis dire, de 5 à 6 semaines jusqu’à 6 à 8 mois, il faut voir. Donc, une situation qui n’est pas très favorable, vis-à-vis de laquelle la vaccination sera utile, mais ne sera pas une barrière totale comme on le voit en Grande-Bretagne. Il faudrait pour cela, -nous sommes en retard-, avoir une nouvelle génération de vaccins, pouvoir faire également des rappels pour avoir une immunité beaucoup plus forte, pour avoir une réaction croisée sur ces variants. Nous en sommes très loin, et donc, il y a de très fortes chances que la vague suivante se produise, certes d’une gravité atténuée, heureusement, mais que nous ne soyons encore une fois pas capable d’endiguer l’épidémie.

Elle préfère sans doute le bus des tests et vaccins. ( Chapatte )
JC, évoquer ce nouveau variant Delta là, qui commence à arriver dans les Landes, dans le Bas-Rhin, cela nous permet aussi d’évoquer les évolutions possibles de l’épidémie. On avait déjà évoqué avec vous quelques pistes par le passé, quand est-il aujourd’hui ?
Et bien, effectivement il y a quatre scénarios pour le devenir de l’épidémie.
- Il y a tout d’abord le scénario que j’appellerai irénique sur cette antenne, qui est un scénario pacifique qui est que le virus, comme très souvent et pour d’autres Coronavirus s’atténue. Un variant bénin prend la place et nous ne sommes plus confronté qu’à une histoire de rhume qui tue quand même quelques personnes âgées, mais sans plus. Ce scénario peut très bien se produire, mais il n’est pas forcément quelque chose d’immédiat, il peut très bien mettre encore quelques années à se produire. Quand on cherche des exemples, on a l’impression qu’il y a ainsi un Coronavirus endémique qui a mis une douzaine d’années à s’atténuer dans notre espèce.
- Le deuxième scénario, c’est le virus qui disparaît. Alors, il peut disparaître pour deux raisons ou deux groupes de raisons. L’une c’est un phénomène intercurrent, c’est-à-dire qu’un autre virus, éventuellement totalement bénin et silencieux prend la place, le pousse du coude, il est capable de chasser le CoronaVirus, et le pauvre CoronaVirus disparaît. C’est parfaitement plausible et c’est parfaitement possible. Comme image c’est celle de la fin des Œufs Fatidiques de Mikhaïl BOULGAKOV – quand l’ensemble des serpents, crocodiles, reptiles et autres animaux redoutables, parce qu’ils sont gigantesques, qui parcourent la steppe en direction de Moscou à partir d’un accident dans une usine biotechnologique,- c’est le premier roman biotechnologique les Œufs Fatidiques – et bien, un beau matin, il n’y a plus rien, parce que la nuit il a gelé et que tous ces animaux à sang froid sont morts. Et bien, c’est quelque chose qui peut arriver à un virus qui est confronté à un phénomène imprévu d’un autre virus ou d’un phénomène d’environnement qui le balaye. Donc, ce sont les scénarios de disparitions.
- L’autre scénario de disparition, c’est le bouquet final, le bouquet final du feu d’artifice. C’est-à-dire que confronté à des difficultés, des variants de plus en plus agressifs se développent. Certes ils se faufilent, mais ils ne sont pas capables ensuite de trouver l’équilibre de propagation et de transmission du virus parce qu’ils sont trop mortels. Et donc, on a ainsi un scénario ou un bouquet final en quelque sorte de variants méchants se produit, mais derrière le virus n’est plus capable de s’installer et il disparaît. Ce n’est pas non plus quelque chose de totalement exclu, on a des prémisses pour cela.
Donc, on a ainsi des scénarios de disparition et d’atténuation.
- Et puis on a un autre scénario hélas, qui est de dire « il est là pour longtemps ». Il est là pour longtemps, donnant des récurrences périodiques dont on ne peut pas donner avec certitude la date. Mais qui peut bouleverser pour quelques dizaines d’années probablement le paysage virologique des virus respiratoires. Cela c’est aussi une hypothèse qui n’est pas totalement négligeable.
On aura dans tous ces cas des moyens de lutte, et dans cette dernière hypothèse on aura des moyens de lutte parce qu’en améliorant la vaccination et en la généralisant on pourra s’en débarrasser, mais cela ne veut pas dire que l’on va s’en débarrasser cette fois-ci, ni même dans la quatrième vague si elle survient cet été ou cet automne.
JC, parmi les différents scénarios que vous nous proposez, vous le savez le temps passe toujours très vite. On a quand même des antécédents historiques qui permettent de savoir vers quoi on pourrait se diriger ou comment ce virus pourrait évoluer.
Alors, les précédents historiques ne donnent pas de certitudes, mais ils donnent quand même quelques indications. Et aujourd’hui, je voudrais parler d’un précédent tout à fait étonnant qui est la découverte d’une probable épidémie de coronavirus en Asie il y a 900 générations environ. Alors, pour les spécialistes de l’ADN, cela pourrait se situer il y a -20 000 ans, mais en fait on peut dire que cela peut se situer entre -10 000 et -25 000 ans. Et c’est une étude tout à fait élégante et amusante.
Les gens se sont intéressés à toutes les protéines qui interagissaient avec le Coronavirus. Ils ont cherché leurs gènes, ils ont cherché les polymorphismes et les évolutions de ces polymorphismes. Pour faire simple, quand vous avez par exemple un récepteur du virus qui se met à muter beaucoup ou dont la fréquence de certains allèles change. Certaines de ces mutations se répandent alors que d’autres disparaissent relativement brutalement. On pense d’ailleurs que les virus ont servi de moyen de pression sélective externe pour l’évolution dans notre espèce. Ce qui est d’ailleurs réciproque puisqu’on sait aujourd’hui qu’au delà de -5000 ans la peste ne ressemblait pas à la maladie « moderne » car elle ne pouvait infecter les puces.
Et là, dans cette étude ciblée sur les coronavirus en faisant cela sur 42 gènes, la conclusion de cette étude australienne est assez raisonnable, il y a eu quelque chose d’important en Asie du Sud-Est à cette époque. C’est-à-dire à une époque qui est en gros à la fin du néolithique ou même peut-être avant, on n’est pas totalement sûr. Ceci veut dire que nous avons à ce moment-là vécu avec des Coronavirus, ce que nous ne faisions pas auparavant, et nous nous y sommes adaptés. Mais nous nous sommes adaptés sur plusieurs générations, même probablement sur plusieurs dizaines de générations. C’est pour dire que le paysage virologique peut changer, il peut changer par endroit, parce que ce qui s’est passé à cette époque-là, là-bas en Asie, ne s’est pas passé en Europe. C’est d’ailleurs le meilleur argument sur l’efficacité de cette méthode d’enquête rétrospective dans les gènes, puisqu’on n’a pas pu isoler un virus de l’époque.
Et on en restera là. Certainement, pour aujourd’hui, JC, si vous le voulez bien. Même si vous aviez encore pas mal de choses à dire, le temps est toujours compté, on se retrouve la semaine prochaine pour en parler de nouveau, pourquoi pas.
Et bien nous verrons si ce sera le sujet de la semaine prochaine ou si nous avons de l’actualité inattendue, mais il reste comme cela beaucoup de choses à dire sur ce que l’on traite en quelques minutes à peine pour la chronique hebdomadaire.
Merci Jacques Cohen, à très bientôt.