Vaccins: le système immunitaire plus fort qu’Amazon

JHM Cohen

Chronique du 14 janvier 2022

Sur les ondes de RCF: lien 

On retrouve avec nous par téléphone le professeur Jacques Cohen. Jacques, bonjour.

Bonjour.

Et on va s’intéresser aux données fondamentales en matière de vaccins et peut-être tout d’abord nous parler du système immunitaire en général. Il est vrai que le corps humain regorge de secrets et est assez fort en matière de système immunitaire, JC.

Absolument. Il faut comprendre le mécanisme fondamental du système immunitaire pour comprendre les points forts et points faibles de telle ou telle vaccination. Alors, le point le plus fort du système immunitaire c’est qu’il est beaucoup plus fort qu’Amazon.

C’est-à-dire ?

Il n’a pas d’immenses entrepôts avec plein de produits. Au contraire, il fonctionne en zéro stock ou au stock minimum. Il a simplement la capacité de fabriquer à toute vitesse ce dont il a besoin pour peu qu’il ait déjà rencontré. Il faut se rendre compte que chaque cellule qui sécrète des anticorps crache à la vitesse d’un canon à tir rapide plusieurs milliers de molécules d’anticorps par minute, exactement comme vous voyez dans les jeux vidéo. Et pour faire ça, il est capable de rechercher, c’est cela sa mémoire, comment faire au mieux parce qu’il a juste gardé, lors d’une réponse, quelques cellules éduquées qui ont appris à mieux répondre que la fois précédente. Donc, le système immunitaire ne passe pas son temps à garder des réponses anticorps très élevées contre tout. Il garde la capacité de monter très vite une réponse secondaire, donc une réponse pour la seconde fois, au niveau nécessaire à partir de quelque chose qui est conservé et qui en comporte beaucoup moins.

Le système immunitaire est un système épargnant les ressources de l’individu. Un système anti-gaspillage au contraire du « vieux » système des polynucléaires neutrophiles produits tous les jours en grande quantité, à vie brève. Et qui pour la plupart ne serviront jamais.

zéro stock, pas d’invendu et zéro défaut. La performance du système immunitaire !

Quelques colis seulement pour chaque réponse immune, sans stock immense…

Si vous prenez l’exemple du tétanos ou de l’hépatite B, on est tous protégés par le vaccin pour des dizaines d’années et pourtant, on a des taux d’anticorps ridicules. Mais on est capable, en moins de deux jours, d’en fabriquer mille fois plus, puis des quantités énormes et même d’améliorer leur qualité dans la semaine.

L’immunité contre le sars-cov2 n’est pas de ce type : elle est rapide, décroît vite et ne se réveille guère, aussi bien comme immunité naturelle que vaccinale, du moins avec les vaccins actuels. Elle rappelle qu’au delà du cas général vu plus haut, il y a de nombreux cas d’espèces. La grippe par exemple induit une immunité de barrière brève mais aussi une mémoire à très long terme capable d’atténuer des grippes graves. Complexe !! Pour le sars-cov2 on n’a pas assez souligné le résultat étrange de l’étude covboost anglaise testant 7 sortes de vaccins en rappel derrière un vaccin arn ou adenovirus. Mais à peine deux mois après la seconde injection et non après la redescente des anticorps. Les deux vaccins inertes testés, un virus entier tué et une protéine du spike stimulent à peine, alors que l’un comme l’autre dans un schéma classique à 3 injections espacées obtiennent des titres d’Ac très élevés. Dans les mêmes conditions de l’étude, les autres types de vaccins mRNA ou vecteur viral restimulent considérablement. Ceci implique que des mécanismes complexes de régulation des niveaux de réponse immune sont actifs et mis en jeu différemment selon les stimuli des différents types de vaccins.

Finalement, si dans un vaccin anti-sars-cov2 , on recherche de façon précoce des taux très élevés d’anticorps, c’est parce que c’est une situation où on n’a pas cette capacité d’en garder un petit peu et de remonter à toute vitesse vers un taux élevé d’anticorps quand on en a besoin. Est-il raisonnable de ce fait de prévoir des rappels 4 fois par an ? En population générale, sûrement pas. Pour des sujets à risque et en attendant d’autres solutions thérapeutiques, médicaments ou vaccins très différents, pourquoi pas.

JC, un système immunitaire plus fort qu’Amazon, mais aussi champion de Scrabble, selon l’expression que vous avez voulu choisir ?

Oui, parce que le système immunitaire reconnaît des mots comme assemblages de lettres. Et si on prend par exemple le mot à l’écrit, il va être fait de différentes lettres successives, mais on va s’apercevoir qu’Alex, par exemple, ou Chantale vont partager une partie de ces lettres. Et donc les réponses immunitaires ne sont pas contre un virus, elles sont contre des lettres et c’est l’assemblage des lettres qui détermine la structure générale de la réponse. Mais cette réponse, lettre par lettre, elle peut s’effectuer très loin, pas forcément même sur un virus, il y a des tas d’autres choses. Donc, le système immunitaire est un champion de Scrabble et cela permet de venir à une notion qui sur cette antenne peut paraître bizarre, c’est celle du péché originel.

Mais qu’est-ce que le péché originel en immunologie, JC ?

Alors, si j’ose dire c’est le contraire de la conception habituelle du péché. C’est que le péché originel, c’est quelque chose dont on se souvient avec gourmandise ! C’est-à-dire qu’on s’est rendu compte dans les années 60 que lors d’une infection par un virus, on pouvait voir remonter des réponses antivirales contre des virus qui n’avaient strictement aucune ressemblance. Ce n’est plus une question de lettres, c’est une question de régulation des systèmes – parce que le système est régulé sinon on serait tous bourrés d’anticorps à force d’en faire à chaque réponse – et pourtant, on garde un taux d’anticorps global à peu près constant, le système est tout à fait régulé. Et donc, ce péché originel, c’est une façon de voir que des réactions en cascade se produisent dans le réseau des anticorps avec un aboutissement, qui est toujours le même niveau total, mais des proportions variables de tel ou tel anticorps selon les cas, c’est à dire le vécu préalable de l’individu.

Je ne parle aujourd’hui que du répertoire des Ac mais il existe une seconde marque en plus d’Amazon, le répertoire des réponses cellulaires celui des lymphocytes T, un peu plus compliqué on le verra un jour. Mais fondamentalement régi par la même loi d’un répertoire pré-existant, génétique, de son évolution selon ce que l’individu a rencontré dans sa vie, et d’une activation conditionnelle selon le contexte de la rencontre de l’antigène extérieur différent de celui du même antigène, constituant du soi. En prime, d’avoir deux répertoires qui ne fonctionnent pas tout à fait pareil, est une solution de sécurité pour pallier erreurs, manques ou défauts de l’un des deux.

JC, parmi les choses que vous vouliez mettre en avant aussi sur le système immunitaire, vous vouliez parler du sang-froid ?

Oui, parce que le système immunitaire fait preuve d’un très grand sang-froid. Il reconnaît des molécules extérieures, en fait parce qu’il en a l’image interne, parce que des molécules de l’organisme lui ressemblent, sinon il ne les voit pas, il ne les reconnaît pas. Mais entre reconnaître, s’activer et encore plus avoir une réaction destructrice, il y a une énorme différence, sinon on passerait son temps à s’autodétruire. L’auto-immunité est un incident rare. La plupart du temps, le système immunitaire sait reconnaître le contexte dans lequel tel ou tel épitope est reconnu. S’il est reconnu dans la dégradation de cellules musculaires, il n’aura pas la même réponse que s’il est reconnu sous forme d’une piqûre d’insecte, par exemple. Donc, le sang-froid c’est de distinguer la reconnaissance, l’activation et le type d’action. Et ce type d’action peut être de fabriquer des anticorps, il peut être d’activer des cellules destructrices ou pas, et ceci de façon très variable selon les situations.

Si nous en revenons au vaccin, et en particulier au vaccin Covid, on s’aperçoit ainsi que s’il y a une immunité cellulaire que l’on cherche maintenant, ce n’est jamais la preuve qu’elle est bien dirigée contre le virus, et surtout que cela ait une action sur lui. Sinon Robert KOCH, quand il a trouvé la tuberculine, ( vous savez ce qu’on utilisait pour faire une réaction cutanée « cuti réaction » ), il a cru qu’il avait trouvé le vaccin contre la tuberculose. Il faudra attendre 30 ans pour que CALMETTE et GUÉRIN aient un bacille atténué qui soit ce vaccin. Koch avait trouvé le moyen de détecter une réactivité cellulaire, mais malheureusement, ce n’était pas quelque chose de protecteur. Et donc, il faut être très attentif à la distinction entre détecter quelque chose qui montre que les cellules du système immunitaire réagissent et avoir une réaction destructrice et en plus, une réaction destructrice efficace.

Mais les réactions croisées protectrices, cela existe quand même ?

Bien sûr ! L’immunisation contre l’un des pox virus protégeait contre tout le groupe dont la variole. Certains proposent que l’immunité contre les coronavirus des rhumes infantiles, de longue date dans notre espèce protégerait les enfants puis les adultes contre le covid. Sauf les vieux qui auraient perdu cette mémoire. Je n’y crois guère. Pas seulement parce qu’il faudrait expliquer pourquoi les gros et les diabètiques auraient une mauvaise mémoire ou que les grand-parents, ne seraient pas protégés à nouveau par le contact avec leur petits enfants malades qu’ils gardent souvent. Mais parce que d’une part j’ai du mal à croire que des cousins lointains puissent mieux protéger que des variants proches frères et sœurs en quelque sorte qui malheureusement ne montrent guère d’immunité croisée. D’autre part parce que l’immunité anti sars-cov2, aussi bien naturelle que vaccinale paraît de courte durée. J’ai vu cette semaine, un patient sans déficit immunitaire qui a fait trois fois, une fois par an !, une infection covid respiratoire clinique nette mais pas trop grave, prouvée virologiquement.

Enfin, il faut bien distinguer l’immunité des muqueuses et l’immunité générale.

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire que sur les muqueuses, on peut garder un virus et même avoir une infection relative tout en ayant quelque chose de protecteur qui évite que cela diffuse dans l’organisme. C’est le cas de la polio. Les premiers vaccins, qui étaient des virus entiers tués, protégeaient déjà très bien des signes neurologiques, c’était la grande découverte, un grand miracle, un grand succès. Mais en même temps, ils empêchaient mal le portage du virus dans le système digestif, donc son excrétion, et donc la diffusion. Seuls des vaccins vivants donnent une immunité muqueuse efficace, et en l’occurrence, on n’en a aucun contre le Covid parce qu’on a peur ces temps-ci de faire des vaccins vivants qui pourrait recombiner quand les virus sont instables. Mais même les vaccins dits « vecteurs recombinants », c’est-à-dire des vaccins à base d’un virus comme celui d’AstraZeneca ou Spoutnik qu’on a bricolé pour mettre tel ou tel antigène en plus dans un agent vivant, marchent très mal sur l’immunité muqueuse et même quasiment jamais parce qu’on les a faits généralement non réplicatifs. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas capables de diffuser, de passer de cellules en cellules, d’affecter même des individus l’un après l’autre, ce sont des vaccins dits défectifs. Et déjà, dès ce stade d’un vaccin, qui est pourtant produit dans une cellule du vacciné, mais qui est défectif qui ne passe pas d’une cellule à l’autre et ainsi de suite, et bien, on n’arrive pas à avoir une bonne réponse d’immunité cellulaire. Et a fortiori les vaccins RNA qui sont les plus répandus chez nous, fonctionnent dans une cellule, mais ne sont pas finalement des êtres vivants efficaces. Car si j’ose dire, seule la vie nous permet de défendre la vie efficacement.

Jacques Cohen, on vous remercie pour nous avoir éclairés, certainement que ce sujet aurait mérité d’autres relances, mais vous le savez, sur RCF, le temps est toujours compté et les explications scientifiques ne doivent pas être galvaudées. Donc, on vous retrouvera la semaine prochaine pour en parler ou un petit peu plus tard, à très bientôt, JC.

À très bientôt. Et j’essayerais de développer un peu plus le sujet sur mon blog quand j’en aurais la transcription.

Jhmcohen.com pour le rendez-vous sur le blog avec des explications complémentaires, à bientôt Jacques.

Jhmcohen.com, à bientôt.

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