Jacques HM Cohen 24 6 2022
Sur les ondes de RCF: LIEN
La chronique d’actualité aujourd’hui avec le professeur Jacques COHEN. On va aller sur le front, non pas celui de la guerre en Ukraine, mais le front des épidémies, avec vous, professeur dans l’actualité. Bonjour Jacques !
Bonjour !
Sur le front des épidémies, vous voulez nous parler de deux choses aujourd’hui : du Monkeypox et du Covid. Nous allons peut-être commencer par le Monkeypox, un virus dont on a déjà beaucoup parlé ces dernières semaines ensemble.
Ce virus se répand, il ne semble pas que l’on soit dans la situation de foyers isolés qui s’éteignent spontanément. il se répand inéluctablement selon son histoire naturelle j’allais dire, puisqu’aucune mesure sérieuse n’est prise contre lui. Il en est actuellement à une situation de maladie sexuellement transmissible, il est encore très limité dans le milieu de propagation initiale en occident, c’est-à-dire des homosexuels fréquentant des établissements conduisant à des relations avec partenaires multiples. Il va commencer à en sortir. Son danger se situe surtout sur les immunodéprimés, les enfants en très bas âge et les femmes enceintes. Les enfants en très bas âge peuvent faire des formes beaucoup plus graves semble-t-il, et les femmes enceintes ont de fortes chances d’avorter.

Vaccination d’un chameau de Bactriane au Kazakhstan pour endiguer un foyer de camelpox.
Pour lutter contre ce virus, on a dit pour l’instant que les gens devaient s’isoler, mais on prend des mesures extrêmement peu contraignantes et d’autre part, qu’on allait vacciner les sujets contacts et là, c’est un échec complet puisque l’on vaccine moins de gens qu’il n’y a de malades. La seule solution sérieuse serait de vacciner par catégories, c’est-à-dire que toutes les populations à risques devraient être vaccinées rapidement pour encercler l’épidémie, mais ce n’est pas fait et donc l’épidémie croit. En Grande-Bretagne, on commence à dire timidement que les gens qui se considèrent comme à risque pourraient peut-être être volontaires pour être vaccinés. On a un problème supplémentaire, un peu comme les masques et le Covid au départ, c’est le vaccin. Il n’y en a pas beaucoup ou du moins, on n’a toujours pas relâché la vaccination antivariolique classique dont on sait qu’elle a quand même un certain nombre d’effets secondaires graves. Quant à la souche atténuée MVA, on n’est pas très au point pour savoir si vraiment elle protège contre le Monkeypox parce qu’elle n’a pas été testée en dehors de très peu d’essais animaux, donc il y a pas mal de flou. Dans le flou, le résultat, c’est que l’on ne fait rien en particulier en France, donc le virus va se répandre. À noter d’ailleurs que je me suis laissé dire que l’on commençait déjà à trouver du Monkeypox dans les eaux usées parisiennes, c’est le signe d’une circulation souterraine relativement importante. Autre point important pour la prévention du MKP, c’est la question des tests. Toutes les grandes firmes ont annoncé qu’elles lançaient des tests de biologie moléculaire – des tests PCR pour faire simple même si ce ne sont pas toutes de vraies PCR – ce qui a un intérêt indiscutable en phase pré-éruptive, c’est-à-dire au stade d’une très forte fièvre, syndrome grippal pendant 2 ou 3 jours avant les éruptions, les ulcérations, les gros boutons, etc. Là, c’est utile. Malheureusement, la plupart des tableaux, où on doit faire le diagnostic c’est quand il y a des boutons, des bulles, des ulcérations (en particulier génitales). Et là, le problème, c’est le diagnostic différentiel parce que des causes, il y en a beaucoup d’autres et donc il faut un test minute, un test rapide. Et de ce point de vue-là, les tests proposés ne sont pas adaptés et il se trouve que le test antigénique qui marche très mal dans le Covid parce qu’il n’est pas assez sensible, là, pourrait être parfaitement efficace, tout à fait sensible et accessoirement beaucoup moins cher que les PCR. On voit, comme d’habitude, un certain conformisme d’abord des institutions qui tiennent le secteur, et en matière de Pox, ce sont souvent les institutions liées à la surveillance militaire des attaques bioterroristes, et puis le conformisme des entreprises qui accessoirement remarquent qu’un test antigénique a toutes les chances d’être environ 10 fois moins cher qu’un test PCR. Alors j’espère que l’on va finir par sortir rapidement des tests antigéniques à large échelle, mais pour l’instant, cela ne semble pas être une direction vers laquelle s’orientent les grandes firmes de réactifs biologiques. Il est à noter au passage, c’est assez amusant, que le seul laboratoire à avoir annoncé qu’il avait un test tout prêt, c’est le laboratoire militaire russe VEKTOR, mais on ne sait pas réellement s’ils en ont un prototype dans un coin du laboratoire ou s’ils en ont produit de très gros stocks. De toute façon, compte tenu de la répulsion actuelle à utiliser des produits venant de Russie en Occident, on n’est pas près d’en disposer dans les prochaines semaines. D’ailleurs, il n’est pas très difficile d’en faire un autre à condition de se décider à le faire assez rapidement.
JC, on parle beaucoup du Monkeypox, mais le titre de votre chronique c’est « le front des épidémies », il faudrait donc quand même garder du temps pour parler d’autre chose. Après cette photographie du Monkeypox, dans le monde des virus, il y a toujours le Covid-19 qui quelque part, jaloux de ne plus être la star du JT de 20 heures, revient sur le devant de la scène, si j’ose dire.
Tout à fait, il revient tout à fait efficacement avec un BA5 qui d’une part échappe à l’immunité vaccinale ou naturelle antérieure : on peut très bien être affecté avec BA5 alors qu’on a fait un Covid il y a 3 mois ou même 2, puis, avec une contagiosité de plus en plus accrue. La grande discussion c’est « est-il plus ou moins méchant que les variants précédents d’Omicron ? » Pour l’instant, on ne peut absolument pas l’affirmer. Il y a des indices pour dire qu’il n’est quand même pas totalement bénin et qu’il va donc secouer voire tuer du monde significativement parmi les personnes fragiles, mais en fait, on n’en sait pas grand-chose.
On a plusieurs questions en suspens le concernant. D’abord, la question des revaccinations. Même si c’est d’une efficacité très limitée, cela parait raisonnable chez les personnes fragiles. Chez les jeunes garçons à risques de myocardites, en vaccination RNA, je serai extrêmement réservé, d’autant qu’il n’y a pas de vaccin disponible qui soit spécifiquement anti-BA5. D’autre part, il faut surtout considérer quelque chose de très simple, c’est qu’il faudrait reprendre les mesures de protections sociales, c’est-à-dire le masque et le fait de le rendre obligatoire dans les transports en commun, dans les manifestations de grande ampleur, voire même si les choses continuent dans les 15 jours à monter de façon très, très rapide, d’interdire à nouveau les rassemblements de plus de 1 000 personnes, et ainsi de suite. Pourtant, il y a une volonté de négation totale de la population « c’est fini, on ne veut plus en entendre parler », mais cela risque de nous revenir dans la figure d’autant que, comme vous le savez, l’état du système de santé fait qu’il va avoir du mal à supporter un afflux soudain de malades aux urgences, ce qui hélas semble se dessiner. Donc les masques ne sont pas utiles, j’allais dire, pour l’essentiel de la population, sauf que tout le monde devrait les porter parce que c’est une mesure altruiste de protection des immunodéprimés et des gens fragiles. On devrait au contraire reprendre cet aspect-là alors que pour l’instant, on est dans une négation complète qu’il y ait un quelconque problème.
En tout cas, professeur, on vous remercie de nous avoir éclairés sur ces 2 virus qui semblent vouloir être les stars de l’été, le Monkeypox, la Covid-19, et on aura certainement l’occasion d’en reparler parce qu’il y a peut-être d’autres bactéries aussi qui trainent dans les airs. À très bientôt, professeur !
À bientôt !
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