Vaccins ARN anti Covid19: de la marche sur l’eau à ramer comme tout le monde.

Chronique du 22 avril 2022

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Alors, cette semaine vous allez nous parler, si je puis dire, des vaccins contre la Covid-19, mais nouvelle génération.

Oui. Il y a bien sûr des vaccins en préparation concernant les variants du virus, puisque le virus évolue, il faut que les vaccins évoluent.

Donc cela veut dire que les vaccins actuels ne sont pas si efficaces que cela sur les variants actuels ?

Effectivement, ils sont moins efficaces sur les variants actuels qu’ils ne l’étaient sur la souche de départ, c’est un peu classique. Ce qui ne veut pas dire non plus qu’il n’ait plus d’efficacité du tout. En plus, on a dans cette maladie quelque chose qui est aussi important et différent de ce qu’on voit d’habitude : il faut nettement distinguer la protection contre les formes graves et la protection tout court. La protection tout court, si je puis dire, il n’y en a plus beaucoup au bout de 4 ou 5 générations de variants. Et ce qui est étonnant et heureux, c’est que la protection contre les formes graves persiste, non plus aussi parfaite, mais persiste quand même assez largement, donc cela garde un intérêt. La part d’efficacité vaccinale spécifique liée à l’antigène et celle de la stimulation immune adjuvante non spécifique reste d’ailleurs encore incertaine. Ce qui limite un peu les choses c’est que cette protection contre les formes graves semble aussi avoir une durée de plus en plus limitée de rappel en rappel, ce qui est un des aspects que l’on va voir.

Alors les vaccins RNA sont les premiers vaccins sortis parce que leur fabrication est plus facile que celle des autres, et on s’attendait donc à ce que ce soit la même chose pour les variants, et là on a des surprises. D’abord parce qu’ils n’avancent pas aussi vite que l’on aurait cru, et on a maintenant la première étude qui est sortie, celle de Moderna, sur un vaccin contre les variants, mais pas contre les variants actuels sur ceux de la génération d’avant. On peut dire que les choses se passent comme si les vaccins RNA, initialement, ont marché sur l’eau. Les fabricants des vaccins RNA ont avancé miraculeusement sur l’eau avec énormément de chance ou la providence pour eux, et avec d’excellents résultats. Et maintenant, ils se retrouvent, comme les miracles ne durent pas, dans la situation classique qui est que pour avancer sur l’eau, il faut ramer, et que l’on ne rame que contre les difficultés et qu’elles sont nombreuses.

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Après avoir marché sur l’eau les fabricants de vaccins RNA doivent affronter à la rame de nombreuses difficultés

On peut commencer par une première difficulté, qui est toute bête, c’est que pour faire des études il faut maintenant trouver des gens qui n’aient jamais rencontré le virus, ce qui est bien difficile. Donc on est obligé de prendre des groupes témoins qui sont anciens, ce n’est pas la même étude, et cela complique les choses.

Ensuite, on a de petites études – il y a quand même plusieurs centaines de personnes, mais ce n’est pas une étude pour voir les effets secondaires rares, donc ceux qui peuvent poser de gros soucis – Première constatation dans cette étude, les effets secondaires courants restent très importants par rapport à ce que l’on voit habituellement en vaccinologie. Quand on voit qu’il y a plus de 20 % d’arthralgie et qu’il y a même plus de 1 ou 2 % environ de réaction de grade 3, c’est-à-dire clairement de rhumatisme inflammatoire avec des articulations gonflées, même si cela ne dure pas, c’est déjà gênant et c’est quand même inquiétant si on devait s’adresser à des sujets ayant un terrain pour faire plus facilement des rhumatismes inflammatoires pour ne prendre que cet exemple, mais il y en a d’autres. Donc la tolérance reste médiocre.

Les essais de diminution de dose, là aussi, montrent que l’on peut diminuer les effets secondaires en diminuant la dose, mais on ne pourra pas aller bien loin parce que dans ce vaccin nouvelle formule, il y a deux virus différents, de quoi faire des protéines de deux spikes de virus différents. Et donc ces 50 µg, c’est 25 + 25 et si on continuait comme ça, on finirait par avoir 12 + 12,5 + 12,5+ 12.5, et ainsi de suite…. Et on peut arriver finalement en dessous du seuil d’efficacité variant par variant. C’est d’ailleurs ce qui était arrivé, me semble-t-il, à l’un des premiers essais qui était russe, de la firme Vektor, qui avait fait un vaccin contre des peptides, ils en avaient 7 différents, mais ils avaient mis la dose totale que l’on met habituellement, et donc ils étaient 7 fois moins forts que ce qui probablement aurait été nécessaire pour avoir de bons résultats. Comme c’était la bousculade, ils sont sortis jusqu’à une diffusion clinique, et leurs mauvais résultats les ont coulés parce qu’ils n’avaient pas le temps de réajuster les choses comme il faut. C’est la même chose pour CureVac qui avait fait un vaccin RNA. Il avait quelques avantages de tolérance et surtout de conservation à 4°, et là aussi, ils en ont mis moins que les autres et le résultat leur a été défavorable. Ceux qui ont couru sur l’eau sont maintenant confrontés aux mêmes difficultés que les autres pour ajuster quels variants seront à mettre dans le vaccin, quelle sera l’efficacité et quelle en sera la tolérance.

Alors le résultat de cette étude est que, néanmoins, même si l’on prend la souche de départ puis le premier variant, celui qui a disparu depuis longtemps, on a une protection croisée beaucoup plus large que quand on n’a que le premier. Du moins jugé dans les tests anticorps, soit en mesurant les anticorps globalement, soit en mesurant in vitro leur capacité à neutraliser le virus pour l’entrée dans des cellules ou des pseudos cellules in vitro. Tout cela n’a rien à voir avec la protection clinique ou du moins n’est qu’un reflet indirect lointain. Alors certains disent qu’il faudrait des tests cellulaires, etc., mais ces tests cellulaires in vitro ne valent pas grand-chose. La seule chose qui compte c’est la vraie vie et pour juger dans la vraie vie c’est très compliqué parce qu’avec un virus qui mute beaucoup, si vous préparez quelque chose et que vous attendez que les gens y soient exposés pour avoir les résultats, il vous faut non seulement quelques mois voire une année. Mais surtout quand vous aurez fini, ce ne sera plus l’heure de ce virus-là. Vous aurez des études rétrospectives sur un variant qui aura disparu et cela ne vous dira pas ce qui va se passer sur le variant suivant. Donc vous voyez, les choses deviennent compliquées, Moderna annonce avoir un vaccin modifié à l’été alors que l’on pensait très honnêtement, que ce soit Pfizer ou Moderna, que les vaccins modifiés sortiraient dès le début de cette année, dès janvier. Ils ne les ont pas sortis pour une bonne raison: il parait beaucoup plus compliqué d’avoir quelque chose de franchement efficace ou d’aussi efficace que vis-à-vis de la souche de départ en visant des souches qui évoluent sans arrêt. Donc, on ne sait toujours pas s’il faut attendre ce nouveau vaccin ou s’il vaut mieux faire des rappels avec le vaccin précédent. Alors ces rappels, comme je vous ai dit, posent aussi des problèmes, il y a des choses que l’on ne comprend pas. Par exemple dans l’étude COV-Boost qui comparait différents types de rappel, mais peu de temps après les premières injections, on ne comprend pas très bien pourquoi les vaccins virus entier ou protéique donnaient de moins bons niveaux d’anticorps en rappel que les RNA qui eux paraissaient continuer imperturbablement à monter d’injection en injection. Et dans le même temps, on sait que ces vaccins ont un effet de protection tout à fait efficace, et donc il y a une dissociation, on peut dire, entre l’effet clinique et les tests que l’on a pour en avoir le reflet. Donc vous voyez que cela demande du travail et malheureusement, le travail c’est du temps et les épidémies n’attendent pas et le virus lui imperturbablement s’amuse à changer et à se promener. On en est à un virus qui en France, quand même, est devenu extrêmement contagieux, il est très difficile d’y échapper surtout que l’on a arrêté toute mesure de distanciation sociale sérieuse, et dont la mortalité a diminué, mais pas tant que cela. C’est-à-dire que pour les populations fragiles, il continue à hospitaliser, il y a plus de 25 000 hospitalisés en France actuellement et il y a une mortalité qui tourne encore entre 100 et 150 par jour, et comme c’est une affaire qui ne dure pas 8 jours, mais qui a l’air de durer sur des mois, cela fini par faire beaucoup de monde. Je vous rappelle qu’une grippe banale fait 5 000 morts par an en France, une grippe un peu sérieuse c’est entre 10 et 15 000, et là, on a affaire à ce niveau tous les 3 mois, ce qui est quand même un peu ennuyeux.

Donc voilà où nous en sommes, il faut continuer à travailler sur les vaccins bien sûr, les vaccins RNA et les autres vaccins parce que les vaccins virus entiers, les vaccins protéiques ont tous leur place, surtout si les rappels de vaccin RNA finissent par devenir une impasse. Mais rien n’est figé, rien n’est définitif dans l’évaluation et dans les solutions qu’il faut retenir. Le Graal bien sûr, serait d’avoir une immunité sur les muqueuses qui empêchent le virus de s’installer, c’est la défense sur les plages si vous voulez pour le débarquement, mais pour l’instant on ne sait pas le faire. Et donc beaucoup de personnes y travaillent, moi aussi d’ailleurs, mais rien n’indique par qui et comment la solution sera trouvée et même s’il y a une solution. Parce que c’est quelque chose que les gens du grand public ou les infectiologues découvrent aujourd’hui sur ce problème du Covid, mais que les gens des vaccins connaissent depuis très longtemps : on ne sait pour l’instant faire d’immunité muqueuse qu’avec des virus vivants comme par exemple le polio atténué. Et donc là, pour un virus qui mute beaucoup, on n’a pas envie d’utiliser une souche atténuée, donc comment faire ? Et est-il même possible d’obtenir une immunité muqueuse, une immunité sur la plage qui empêche le débarquement dans le cas du virus Sars-Cov-2 ?

Est-ce que, JC, un jour la Covid-19 arrêtera ses mutations ?

Arrêter ses mutations, oui et non. On peut raisonner dans l’autre sens, le virus tente toujours de muter, mais est-ce que ces mutations arrivent à se diffuser ? Cela dépend à la fois de l’immunité de la population et de l’efficacité de ces mutations. Parce qu’au bout d’un certain nombre de mutations, le virus s’écroule de lui-même, c’est moins connu, mais c’est assez important. Les mutations ne sont donc pas toujours une façon du virus de s’échapper, il paie aussi un prix, c’est-à-dire que ce n’est pas toujours quelque chose de plus en plus efficace. Alors l’idéal, si l’on peut dire, c’est un virus fortement contagieux, peu ou pas pathogène qui s’installe dans la population durablement et qui soit de plus un virus hégémonique. C’est-à-dire qui éradique régulièrement toute tentative d’autres variants de s’installer, c’est un peu un virus impérialiste en quelque sorte, mais là c’est un virus impérialiste gentil, c’est un peu la « Pax Romana » qui va s’installer et maintenir la bonne entente entre le virus et l’espèce infectée. Alors cela existe, c’est arrivé chez les bovins dans les années 70 pour un Coronavirus, donc un lointain cousin, mais un cousin quand même du Sars-Cov-2. Cela peut arriver à nouveau, mais on ne sait pas comment, on ne sait pas quand, et ce n’est pas obligatoire. On peut continuer à avoir comme pour les adénovirus des pics épidémiques réguliers avec une immunité qui ne fait pas grand-chose d’un sérotype à l’autre, ce que l’on constate avec les réinfections maintenant régulières du Sars-Cov-2. Donc le futur n’est pas écrit ou du moins nous ne le connaissons pas.

Professeur Jacques Cohen, merci pour cette nouvelle chronique d’actualité et on se retrouve pour la semaine prochaine.

À la semaine prochaine, au revoir.

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